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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assembl�e nationale
XIIIe l�gislature
Session ordinaire de 2011-2012

Compte rendu
int�gral

Deuxi�me s�ance du mercredi 29 f�vrier 2012

SOMMAIRE �LECTRONIQUE

SOMMAIRE


Pr�sidence de M. Marc Le Fur

1. Projet de loi de finances rectificative pour 2012

Mme Val�rie P�cresse, ministre du budget, des comptes publics et de la r�forme de l’�tat, porte-parole du Gouvernement

M. Gilles Carrez, rapporteur g�n�ral de la commission des finances, de l’�conomie g�n�rale et du contr�le budg�taire

Discussion g�n�rale

M. Pierre Gosnat

M. J�r�me Chartier

M. Christian Eckert

M. Charles de Courson

M. Daniel Garrigue

M. Pierre-Alain Muet

Texte adopt� par l’Assembl�e nationale en nouvelle lecture

Explication de vote

M. Pierre Gosnat

Vote sur l’ensemble

2. Organisation du service et information des passagers dans les entreprises de transport a�rien

M. Thierry Mariani, ministre charg� des transports

M. ï¿½ric Diard, rapporteur de la commission du d�veloppement durable et de l’am�nagement du territoire

Motion de rejet pr�alable

M. Daniel Goldberg

M. Charles de Courson, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Pierre Gosnat, M. Yves Nicolin

Discussion g�n�rale

M. Charles de Courson

M. Pierre Gosnat

M. Yves Nicolin

M. Jean Mallot

M. Jean-Paul Chanteguet

M. Thierry Mariani, ministre

Texte adopt� par l’Assembl�e nationale en nouvelle lecture

Explication de vote

M. Daniel Goldberg

Vote sur l’ensemble

3. Ordre du jour de la prochaine s�ance

Pr�sidence de M. Marc Le Fur,
vice-pr�sident

M. le pr�sident. La s�ance est ouverte.

(La s�ance est ouverte � vingt et une heures quarante-cinq.)

1

Projet de loi de finances rectificative pour 2012

Lecture d�finitive

M. le pr�sident. L’ordre du jour appelle la discussion en lecture d�finitive du projet de loi de finances rectificative pour 2012 (nos 4423).

La parole est � Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la r�forme de l’�tat, porte-parole du Gouvernement.

Mme Val�rie P�cresse, ministre du budget, des comptes publics et de la r�forme de l’�tat, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le pr�sident, mesdames et messieurs les d�put�s, monsieur le rapporteur g�n�ral, cet apr�s-midi, le S�nat a adopt� la question pr�alable et, de fait, a rejet� le projet de loi de finances rectificative pour 2012.

M. Charles de Courson. Merci au S�nat !

M. Pierre Gosnat. Tr�s bien !

Mme Val�rie P�cresse, ministre. Le Gouvernement vous demande donc de statuer en dernier ressort sur le texte que vous avez adopt� en nouvelle lecture – et qui sera tr�s certainement le dernier texte financier de cette session parlementaire.

M. Christian Eckert. Vous aviez d�j� dit cela la derni�re fois !

Mme Val�rie P�cresse, ministre. J’avais simplement dit qu’il n’y aurait pas de troisi�me plan de rigueur, monsieur Eckert, et je n’ai pas menti.

Au cours de nos d�bats, nous avons eu dans cette assembl�e de vrais dialogues, anim�s et exigeants, mais toujours constructifs. Le Gouvernement a conscience que les d�lais d’examen ont �t� tr�s courts et ont contraint votre commission des finances � accomplir un travail consid�rable en un temps record. Je dois � l’honn�tet� de dire que ce n’�tait pas la premi�re fois sous mon mandat.

Pour autant, la qualit� de nos �changes n’en a pas �t� affect�e et je tiens pour cela � remercier l’ensemble des parlementaires, de la majorit� comme de l’opposition…

M. Pierre Gosnat. C’est aimable !

Mme Val�rie P�cresse, ministre. …ainsi que les collaborateurs de la commission des finances.

Mesdames et messieurs les d�put�s, vous avez une nouvelle fois prouv� que le Gouvernement pouvait compter sur l’excellence de votre expertise. Vous avez d�montr�, s’il en �tait encore besoin, que lorsque l’urgence l’exige, votre mobilisation et votre r�activit� sont exemplaires. Or, nous le savons tous, pour r�pondre au d�fi de la croissance, la r�activit� et la d�termination sont deux armes essentielles.

Dans cette assembl�e, le d�bat a bel et bien eu lieu. Et je regrette qu’il n’en ait pas �t� de m�me au S�nat.

Mme Marie-Christine Dalloz. H�las !

Mme Val�rie P�cresse, ministre. La d�mocratie, c’est accepter le dialogue, c’est accepter, lorsqu’il s’agit de l’avenir de notre pays, de confronter nos id�es et surtout de d�battre projet contre projet. La Haute Assembl�e n’a pas voulu honorer ce rendez-vous. Pour ma part, j’y vois tout simplement une crainte des s�nateurs de l’opposition : la crainte que soit mise en lumi�re la pauvret� d’une argumentation qui, faute de propositions tangibles, est fond�e sur le contre-pied syst�matique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Christian Eckert. Oh, oh, oh !

M. Fran�ois Scellier. C’est pourtant bien vrai !

Mme Val�rie P�cresse, ministre. Cette posture, c’est celle d’une gauche sur la d�fensive, qui semble placer les querelles partisanes au-dessus de l’int�r�t de la France ; une gauche qui, pour contester les r�formes de ce projet de loi de finances rectificative, n’a d’autres choix que de recourir � la caricature. Car, au fond, nous le savons tous : la question de la comp�titivit�, qui est au cœur de ce texte, est aujourd’hui incontournable. Nous ne retrouverons pas le chemin de la croissance si nous n’y pr�tons pas une attention de tous les instants, et personne ne pourra se payer le luxe de remettre en cause nos r�formes sans en faire payer le prix � l’ensemble des Fran�ais.

M. Pierre Gosnat. Surtout aux riches !

Mme Val�rie P�cresse, ministre. Vous savez, les projets de micro-taxe sur les ultra-riches ne sont que le paravent d’un choc fiscal g�n�ralis� sur les classes moyennes et sur les Fran�ais les plus fragiles. J’ai bien regard� le projet de Fran�ois Hollande…

M. Pierre Gosnat. Mon candidat � moi, ce n’est pas Fran�ois Hollande, c’est Jean-Luc M�lenchon !

Mme Val�rie P�cresse, ministre. J’ai bien �cout� le candidat socialiste auquel vous allez vous rallier entre les deux tours, monsieur le d�put�, car je ne pense pas que vous vous abstiendrez au second tour.

M. Pierre Gosnat. Jean-Luc M�lenchon sera au second tour !

Mme Val�rie P�cresse, ministre. Ne croyez pas ceux qui vous disent qu’ils vont taxer les ultra-riches : ils taxent en r�alit� de 4 milliards d’euros tous les Fran�ais pour la r�forme de la d�pendance et de 5 milliards d’euros tous les Fran�ais pour revenir sur la r�forme des retraites, soit 9 milliards de choc fiscal pour tous les m�nages. C’est quand m�me beaucoup plus que 250 millions pris � ceux qui gagnent plus de 1 million d’euros !

M. Pierre Gosnat. �a, ce sont les propositions de Fran�ois Hollande, pas celles de Jean-Luc M�lenchon !

Mme Val�rie P�cresse, ministre. Il faut regarder la r�alit� en face : l’hypertaxation n’est pas une politique, pas plus aujourd’hui qu’hier. L’exigence, c’est d’abord la baisse de la d�pense et des politiques de r�forme pour am�liorer la comp�titivit� de nos entreprises et notre �conomie. C’est l’�vidence m�me, et tous ceux qui, dans les circonstances actuelles, jugent d�raisonnable et injustifi� de baisser le co�t du travail dans notre pays, vivent en dehors de la r�alit�.

Mesdames et messieurs de l’opposition, il est temps d’�tre lucides : oui, nous avons un d�ficit de comp�titivit�, oui, les entreprises sont tent�es de d�localiser leur production, et oui, la baisse du co�t du travail contribuera � r�soudre ces difficult�s. Le d�bat sur le co�t du travail �tait attendu depuis des ann�es, sur les bancs de la droite comme sur ceux de la gauche ; il a enfin eu lieu, dans cet h�micycle, gr�ce � vous. Et je tenais, l� encore, � vous exprimer toute ma reconnaissance, quelle que soit la diversit� des points de vue qui se sont exprim�s ici.

Bien s�r, dans le m�me temps, il faut agir sur la comp�titivit� hors prix. La gauche a d�couvert cette dimension il y a peu. Cette conversion est bien tardive. Permettez-moi de vous rappeler que le Gouvernement agit dans cette direction depuis 2007 et que la gauche a constamment refus� de voter les r�formes que nous avons propos�es dans ce domaine : ainsi la r�forme du cr�dit d’imp�t recherche, que nous avons tripl�, ou celle de la taxe professionnelle.

Avec les 35 milliards d’euros des investissements d’avenir, avec la r�forme de l’universit�, avec le renforcement d’OS�O, nous avons cr�� un environnement favorable au d�veloppement de nos entreprises.

M. Christian Eckert. �a ne marche pas !

M. Pierre Gosnat. Les pr�sidents d’universit� ne sont pas d’accord !

Mme Val�rie P�cresse, ministre. Et ce projet de loi de finances rectificative est l’occasion d’aller encore plus loin, avec notamment le renforcement du plan de d�veloppement de l’apprentissage ou la cr�ation d’une banque de l’industrie.

Mesdames et messieurs les d�put�s, il n’y aura pas de croissance possible si nous ne tenons pas �galement nos engagements en mati�re de r�duction des d�ficits publics.

M. Daniel Garrigue. Il serait temps !

Mme Val�rie P�cresse, ministre. Oui, monsieur Garrigue, mais ce n’est pas un choix : c’est une obligation et c’est le respect de la parole de la France.

C’est pourquoi, � c�t� des mesures de comp�titivit�, ce texte tire aussi toutes les cons�quences sur le budget de l’�tat de la r�vision de croissance de 1 � 0,5 %. Gr�ce � notre gestion exemplaire des comptes publics et gr�ce � la prudence de nos hypoth�ses, qui nous a notamment conduits � augmenter…

M. Pierre Gosnat. Le ch�mage !

Mme Val�rie P�cresse, ministre. …� 6 milliards d’euros notre r�serve de pr�caution en loi de finances initiale, l’impact de la baisse de la croissance sur les ressources de l’�tat est enti�rement absorb� sans avoir besoin d’un troisi�me plan de rigueur. Non, nous ne demanderons pas un euro suppl�mentaire aux Fran�ais.

M. Christian Eckert. Vous plaisantez ?

M. Pierre Gosnat. Et la TVA, c’est quoi ?

Mme Val�rie P�cresse, ministre. Je maintiens : malgr� cette nouvelle pr�vision, nous atteindrons les 4,5 % de d�ficit pr�vu en 2012. Je vous entends encore caricaturer cette r�forme ; je vous le r�p�te une derni�re fois : la baisse du co�t du travail sera de 13,6 milliards, la hausse de la TVA sera de 10,6 milliards…

M. Pierre Gosnat. C’est une r�gression !

Mme Val�rie P�cresse, ministre. …et la hausse des pr�l�vements sur les revenus du patrimoine de 2,6 milliards. La hausse de la TVA sera inf�rieure � la baisse du co�t du travail. Pas un euro suppl�mentaire n’ira dans les caisses de l’�tat et les prix n’ont aucune raison d’augmenter, puisque le co�t des produits fran�ais va baisser beaucoup plus que la TVA n’augmentera. Cessez donc de caricaturer la r�forme que nous vous pr�sentons ce soir : nous avons eu l’occasion, des heures durant, d’en expliquer l’�quation �conomique et fiscale. Elle est �quilibr�e, ce n’est pas une mesure antid�ficit, ce n’est pas une mesure de rendement, ce n’est pas une hausse globale d’imp�t ; c’est un transfert de charges financi�res et une modification du financement de la s�curit� sociale pour pr�server notre mod�le social et accro�tre l’emploi en France.

J’ajoute que, dans notre pays, le spectre de la r�cession s’�loigne.

M. Christian Eckert. Oh, oh, oh !

Mme Val�rie P�cresse, ministre. Monsieur Eckert, ne vous r�jouissez pas qu’une menace de r�cession p�se sur la France ! Ce n’est pas dr�le !

M. Christian Eckert. Je ne m’en r�jouis pas, madame !

M. Pierre Gosnat. Ce qui est dr�le, c’est ce que vous dites !

Mme Val�rie P�cresse, ministre. Le spectre de la r�cession s’�loigne parce que le dernier trimestre 2011 n’a pas �t� un trimestre de r�cession. La s�r�nit� revient dans la zone euro gr�ce au trait� que le Pr�sident de la R�publique et la Chanceli�re Merkel ont n�goci�.

M. Pierre Gosnat. Soumettez-le � r�f�rendum !

Mme Val�rie P�cresse, ministre. La confiance commence � revenir dans la zone euro gr�ce au m�canisme europ�en de stabilit� – que vous avez refus� de voter, lui aussi. Pendant des mois, vous avez martel� que nous ne tiendrions pas nos objectifs de d�ficit,…

M. Christian Eckert. En mati�re de d�ficits, vous vous y connaissez !

Mme Val�rie P�cresse, ministre. …que nous ne tiendrions pas nos objectifs de croissance, que nous allions faire un troisi�me plan de rigueur.

M. Charles de Courson. Chut ! Chut !

M. Pierre Gosnat. Combien de ch�meurs en plus ?

Mme Val�rie P�cresse, ministre. Et tout cela, c’�tait � cause de Nicolas Sarkozy. Monsieur de Courson, je vous prends � t�moin : ne disaient-ils pas que c’�tait � cause de Nicolas Sarkozy ?

M. Pierre Gosnat. M. de Courson est complice !

Mme Val�rie P�cresse, ministre. C’est sans doute mon dernier discours de la l�gislature, et vous me permettrez de le faire un peu plus �toff� qu’� mon habitude. J’aurais aim� que l’opposition reconnaisse que, si nous avons fait mieux en mati�re de d�ficit, si nous avons tenu nos objectifs de croissance, si nous n’avons pas fait de troisi�me plan de rigueur…

M. Christian Eckert. Vous en avez au moins deux � votre actif !

Mme Val�rie P�cresse, ministre. …c’est gr�ce � la politique �conomique de Nicolas Sarkozy. Le raisonnement a contrario est implacable, monsieur Eckert.

C’est pourquoi nous prolongeons dans ce texte – un texte qui m�ritait un d�bat approfondi et que nous avons �labor� en coresponsabilit� – notre engagement de r�duction des d�ficits.

Dans ce d�bat, votre rapporteur g�n�ral a bien �videmment, comme � son habitude, tenu une place centrale. Votre exp�rience et votre connaissance fine des questions budg�taires et fiscales, cher Gilles Carrez, se sont encore une fois r�v�l�es indispensables pour �clairer nos travaux et les enrichir. Vous avez soutenu la voix de la majorit� et du Gouvernement avec force et conviction ; pour tout cela, je tenais, en son nom, � vous remercier tr�s sinc�rement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Je veux �galement saluer le travail accompli par l’ensemble de la commission des finances, et par son pr�sident J�r�me Cahuzac, qui n’est pas l� ce soir mais qui m�rite n�anmoins aussi de voir sa pr�sidence et son magist�re salu�s.

Je tiens enfin � exprimer la reconnaissance du Gouvernement � tous les parlementaires de la majorit�, qui ont �t� un soutien ind�fectible � son action dans une r�forme qui n’�tait pas si simple � porter, notamment aux pr�sidents Christian Jacob et Yvan Lachaud, � qui vous transmettrez mes amiti�s et tout mon respect. Comme � leur habitude, ils ont r�pondu pr�sent pour mobiliser l’ensemble de la majorit� et ils ont veill� � la qualit� de nos �changes.

Mesdames et messieurs les d�put�s, gr�ce au travail que nous avons conduit ensemble – dans ce collectif budg�taire comme dans tous ceux qui l’ont pr�c�d� cette ann�e –, la France sera au rendez-vous de la comp�titivit� et de l’�quilibre budg�taire, avec, au bout du chemin, une croissance forte et durable dont tous les Fran�ais b�n�ficieront. Je vous remercie d’y avoir pris toute votre part. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le pr�sident. La parole est � M. Gilles Carrez, rapporteur g�n�ral de la commission des finances, de l’�conomie g�n�rale et du contr�le budg�taire.

M. Gilles Carrez, rapporteur g�n�ral de la commission des finances, de l’�conomie g�n�rale et du contr�le budg�taire. Monsieur le pr�sident, madame la ministre, mes chers coll�gues, la commission mixte paritaire, lundi, n’ayant pas abouti et le S�nat ayant, cet apr�s-midi, adopt� � nouveau une question pr�alable et rejet� du coup le projet de loi de finances rectificative, il nous revient, conform�ment � l’article 45, alin�a 4, de la Constitution, de statuer � nouveau sur le texte que nous avons adopt� hier soir, mais cette fois d�finitivement.

M. Charles de Courson. Si ce n’est pas beau, la proc�dure, tout de m�me !

M. Gilles Carrez, rapporteur g�n�ral. Comme c’est probablement ma derni�re intervention – restons prudents ! – sur une loi de finances, je voudrais exprimer un certain nombre de remerciements.

M. Pierre Gosnat. Il y a de l’inqui�tude dans l’air !

M. Gilles Carrez, rapporteur g�n�ral. J’ai fait les comptes : au cours de cette l�gislature, nous aurons examin� vingt-cinq lois de finances et plus de quinze durant la pr�c�dente. S’y ajoutent, parce que certaines mesures n’ont pas toujours pris la forme d’une loi de finances, une bonne dizaine de textes divers de nature �conomique ou financi�re : ainsi le texte fondateur sur le travail, l’emploi et le pouvoir d’achat.

M. Christian Eckert. �a, c’�tait un boulet !

M. Pierre-Alain Muet. Fondateur… Des fondations de sable !

M. Gilles Carrez, rapporteur g�n�ral. Vous imaginez les heures, les journ�es, les nuits de travail, de pr�sence en commission ou dans cet h�micycle que tout cela a repr�sent�. Aussi, avec un peu d’�motion, je souhaite adresser mes remerciements les plus sinc�res, et d’abord � vous tous, mes chers coll�gues : vous m’avez constamment apport� votre appui, votre soutien, mais aussi, et j’y ai toujours �t� tr�s sensible, vos propositions, vos id�es, vos observations. Nous avons eu ensemble un vrai dialogue et men� un travail constructif, un travail d’�quipe, pour essayer en permanence d’am�liorer ces lois de finances qui jouent un r�le si important dans le travail du l�gislateur. Soyez-en tr�s profond�ment remerci�s !

Je voudrais ensuite m’adresser � Mme la ministre et, avec elle, � tous les ministres qui se sont succ�d�.

Nous avons la chance, depuis cinq ans, de voir nos ministres, du fait du d�doublement de Bercy, fonctionner par paire.

M. Charles de Courson. En couple !

M. Gilles Carrez, rapporteur g�n�ral. L� o� auparavant, nous n’en avions qu’un, nous avons eu le bonheur d’en avoir deux, qui op�rent en toute harmonie, entre le cinqui�me et le sixi�me �tage.

Je tiens, madame la ministre, � vous faire part � mon tour de toute ma reconnaissance pour la confiance dans laquelle nous avons constamment travaill� avec vous, avec vos pr�d�cesseurs, ainsi qu’avec vos collaborateurs qui, eux aussi, se sont succ�d� � un rythme assez rapide. Mais nous avons toujours trouv� l’�coute n�cessaire. Nous vous avons harcel�s de questionnaires – et ce n’est pas fini : j’en ai encore un � signer tout � l’heure ! Apr�s tout, la l�gislature ne s’ach�vera qu’au mois de juin et encore bien des questions se posent. Vous avez toujours fait preuve d’une grande disponibilit� et de compr�hension, et vous avez toujours travaill� de fa�on tr�s positive.

J’ai aussi beaucoup appr�ci�, madame la ministre, lorsque nous avions un peu de temps pour pr�parer les lois de finances…

M. Pierre-Alain Muet. C’�tait assez rare !

M. Gilles Carrez, rapporteur g�n�ral. Cela n’a pas �t� le cas de cette toute derni�re loi de finances, mais nous avons men� ensemble un travail tr�s constructif – et je crois parler au nom de tous nos coll�gues. Ainsi en a-t-il �t� de la r�forme, profonde, de la fiscalit� du patrimoine, qui a pris la forme d’une loi de finances au milieu de l’ann�e derni�re : nous en avions engag� l’�tude d�s le d�but janvier. Certains s’en souviennent : entre ce que nous imaginions lors de la premi�re r�union et le texte que nous avons finalement adopt� au bout de six mois, le progr�s a �t� consid�rable. De m�me sur la r�forme de la taxe professionnelle – travail �galement tr�s important. Sans doute devrons-nous proc�der encore � quelques ajustements, mais je note avec une grande satisfaction que, quoi qu’il arrive, cette r�forme s’inscrira probablement dans le paysage financier et fiscal des collectivit�s locales comme des entreprises dans les ann�es � venir.

M. Pierre Gosnat. � Ivry, cela nous a fait perdre 30 millions d’euros !

M. Gilles Carrez, rapporteur g�n�ral. Soyez vraiment remerci�e, madame la ministre, pour la qualit� de ces relations. Pour faire de bonnes lois, et notamment des lois de finances, nous avons besoin de ce travail de collaboration entre le Gouvernement et le Parlement. Et, compte tenu de la complexit� des sujets, ce travail n�cessite du temps. C’est le message que je voudrais faire passer : on ne fait du bon travail qu’en s’inscrivant dans un minimum de dur�e.

Mais il est un autre message que je voudrais faire passer � cette occasion : la qualit� premi�re de la loi fiscale, c’est sa stabilit�, et sa qualit� seconde, la simplicit�.

M. Pierre Gosnat. On est mal partis !

M. Pierre-Alain Muet. Pour l’instant, on monte surtout des usines � gaz !

M. Gilles Carrez, rapporteur g�n�ral. Autant dire, vous le voyez, qu’il nous reste beaucoup d’efforts � faire… Mais c’est l� une appr�ciation g�n�rale qui vaut pour toutes les l�gislatures, et point n’est besoin d’esp�rer pour entreprendre ! Reste que nous devons avoir constamment en t�te cet objectif.

Je veux ensuite remercier les administrateurs qui se sont succ�d� � la commission des finances – � un rythme moins soutenu que les collaborateurs des ministres, mais tout de m�me ! –, avec lesquels nous avons nou� des relations de travail de grande qualit�. Nous avons la chance d’avoir des administrateurs extr�mement comp�tents, extr�mement fiables, extr�mement disponibles et extr�mement sympathiques.

La pr�sidence de la commission des finances ayant �t� – c’�tait une nouveaut� – confi�e � l’opposition, l’ambiance de travail aurait pu en �tre modifi�e. Mais la qualit� d’ensemble, qu’il s’agisse des m�thodes de travail, du souci de transparence ou de l’exigence permanente de faire le mieux possible, a �t� totalement maintenue. Derri�re moi sont assis, c�te � c�te, la responsable de la division A qui travaille avec la pr�sidence, et le responsable de la division B qui travaille avec le rapporteur g�n�ral : tout a parfaitement fonctionn� et l’on ne soulignera jamais assez la grande qualit� des administrateurs de notre assembl�e – comme de ceux du S�nat.

Nous avons conduit en commission mixte paritaire un travail particuli�rement lourd – J�r�me Chartier, qui y a particip� syst�matiquement, et Charles de Courson le savent. J’ai regrett�, chers coll�gues de l’opposition, que le S�nat ait adopt� la question pr�alable, car cela a un inconv�nient : cela interdit tout travail en CMP. Pour ma part, j’ai beaucoup appr�ci� la premi�re commission mixte paritaire sur la premi�re loi de finances de la session : elle s’�tait tenue au S�nat en octobre dernier, si ma m�moire est bonne. Le sujet �tait peut-�tre moins compliqu� – le probl�me des garanties des banques –, mais nous avions fait du tr�s bon travail.

Enfin, je veux remercier l’ensemble des personnels de l’Assembl�e, ici pr�sents, car nous avons pass� nombre d’heures et de nuits ensemble dans cet h�micycle.

Je terminerai par tous les pr�sidents de s�ance. � travers le pr�sident Le Fur, ce soir, je voudrais remercier les pr�sidents qui ont toujours remarquablement pr�sid� nos d�bats, faisant preuve, parfois, de la rapidit� indispensable – je pense � la s�ance d’hier soir – ou prenant le temps n�cessaire lorsqu’il fallait s’arr�ter sur un sujet. Vous avez toujours su le faire de fa�on parfaite.

Les discussions sur les lois de finances dans cet h�micycle sont pratiquement toujours int�ressantes. Certes, il peut y avoir quelquefois un peu de flibuste, mais c’est finalement assez rare : la plupart du temps, nous r�ussissons � avoir une discussion qui fait progresser la compr�hension des sujets. Je souhaite que nous continuions dans cette voie, mais en gardant un objectif, et je m’adresse � tout le monde…

M. Charles de Courson. La r�duction des d�ficits !

M. Gilles Carrez, rapporteur g�n�ral. Exactement, monsieur de Courson ! Cela ne m’�tonne pas que vous lisiez aussi facilement dans mes pens�es !

L’objectif intangible qui doit �tre le n�tre, c’est la r�duction de nos d�ficits et l’�quilibre progressif de nos comptes. Des comptes non �quilibr�s, c’est un abandon de souverainet�. Comme le disait si bien Mend�s France, une nation qui n’arrive pas � �quilibrer ses comptes, c’est une nation qui s’abandonne. (� Tr�s bien ! ï¿½ sur plusieurs bancs du groupe UMP.) La perte de souverainet� est vraiment la derni�re chose que je souhaite � notre pays. C’est ce qui doit nous unir tous dans un m�me effort. Le temps est venu de redresser nos comptes. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le pr�sident. Merci, monsieur le rapporteur g�n�ral, pour vos aimables propos. J’associe, bien s�r, tous les fonctionnaires qui sont au plateau et l’ensemble des personnels de cette maison. Sachez que c’est toujours un plaisir de pr�sider les d�bats budg�taires !

Discussion g�n�rale

M. le pr�sident. Dans la discussion g�n�rale, la parole est � M. Pierre Gosnat, qui saura poursuivre dans cette ambiance consensuelle et sympathique. (Sourires.)

M. Pierre Gosnat. Bien �videmment, monsieur le pr�sident ! Gilles Carrez est du Val-de-Marne comme moi !

M. le pr�sident. Il est vrai que c’est un voisin : seule la Seine vous s�pare !

M. Pierre Gosnat. Monsieur le pr�sident, madame la ministre, chers coll�gues, j’ai �cout� avec beaucoup d’attention ce que vient de dire Gilles Carrez. J’ai eu l’�trange l’impression d’assister � une sorte de r�union familiale lors d’une c�r�monie d’adieux. Il y avait quelque chose d’�mouvant : on saluait tout le monde, les partants et les autres… � croire que vous aviez d�j� tourn� la page !

Mme Val�rie P�cresse, ministre. De la l�gislature seulement !

M. Pierre Gosnat. Quoi qu’il en soit, je remercie Gilles Carrez, mon coll�gue du Val-de-Marne, pour le travail qu’il accomplit. D’ailleurs, j’ai souvent remarqu�, ici comme en d’autres endroits, qu’il n’avait pas tout � fait la m�me position que le Gouvernement. Il nous est m�me arriv� de nous retrouver sur quelques sujets tr�s importants.

Mais pour ma part, je me f�licite du vote du S�nat. Il n’y a pas de motif � le critiquer et je ne comprends pas la remarque de Mme la ministre : le S�nat a parfaitement sa l�gitimit�. Nous ne sommes pas les seuls � pouvoir avoir raison, � moins que l’on ne d�cide que le S�nat ne doit pas exister. Vous savez que les communistes, d’ailleurs, ne sont pas forc�ment des d�fenseurs de cette assembl�e ; mais en tout �tat de cause, elle existe, et son vote ne saurait �tre critiqu�.

Et pour ce qui est de celui de l’Assembl�e, je me faisais une r�flexion : je trouve notre h�micycle un peu d�sert ce soir, eu �gard � l’importance du vote que nous allons produire. Tristan Bernard avait raison de dire : � Venez arm�s, l’endroit est d�sert ! ï¿½

M. Jean-Claude Mathis. Ils vont arriver !

M. Yves Nicolin. Et combien y a-t-il de communistes ? Vous �tes tout seul !

M. Pierre Gosnat. Je reviens au contenu de ce projet de loi de finances rectificative pour 2012 : de nouvelles mesures de rigueur, qui viennent conclure de la pire des fa�ons le quinquennat de Nicolas Sarkozy.

Rappelez-vous comment ces cinq ann�es ont commenc� : l’�tat fran�ais s’est montr� dispendieux comme jamais il ne le fut, pour servir les int�r�ts des plus riches, des actionnaires et des puissants. C’est ainsi que vous avez fait adopter d�s le 22 ao�t 2007, � travers la loi TEPA, le bouclier fiscal et une diminution des droits de succession. Quand vous parlez de d�penses, monsieur Carrez, c’est de cela qu’il faut parler !

M. Jean Mallot. Il a raison !

M. Pierre Gosnat. Puis les cadeaux fiscaux se sont multipli�s comme des petits pains…

M. Jean Mallot. Des gros pains, plut�t !

M. Pierre Gosnat. Diminution par deux du montant de l’imp�t de solidarit� sur la fortune, adoption de la niche Cop� qui permet aux grands groupes d’�chapper � l’imp�t sur les soci�t�s lors de la vente d’une filiale, suppression de l’imp�t de bourse, suppression de la taxe professionnelle… Je l’ai dit tout � l’heure, monsieur le rapporteur g�n�ral, � Ivry, cela nous co�te 30 millions sur trois ans ! Ce sont en tout 12 milliards d’euros qui �chappent chaque ann�e depuis cinq ans aux ressources de l’�tat, soit au total 60 milliards d’euros, l’�quivalent du budget annuel de l’�ducation nationale. Voil� la r�alit� !

M. Jean Mallot. C’est vrai !

M. Pierre Gosnat. Face aux attaques des sp�culateurs et de leur bras arm�, les agences de notations…

M. Jean Mallot. Cela fait rire l’UMP, en plus ! Quel scandale !

M. Pierre Gosnat. Ce n’est pas marrant !

Face aux attaques des sp�culateurs, Nicolas Sarkozy, son gouvernement et les d�put�s UMP ne se sont pas d�cid�s � revenir en arri�re, � r�fl�chir et � annuler les privil�ges consentis.

Bien au contraire, vous avez opt� pour la fuite en avant. Vous avez ainsi d�cid� de ran�onner, pour un montant de 31 milliards d’euros, les familles moyennes et modestes au travers de trois plans d’aust�rit� pr�sent�s en moins de six mois. Le doublement de la taxe sur les compl�mentaires sant� et les mutuelles, le d�remboursement de certains m�dicaments, l’augmentation de la TVA sur les produits de premi�re n�cessit� et cette nouvelle augmentation de la TVA sur les produits courants ne sont que la facture des cadeaux fiscaux et des exon�rations que Nicolas Sarkozy a accord�s aux nantis de ce pays.

M. Jean Mallot. Il a raison !

M. Pierre Gosnat. Le chef de l’�tat ne s’est pas comport� en pr�sident de la R�publique, celui qui prot�ge, mais en pr�sident des riches. Nicolas Sarkozy a fait le choix des puissances de l’argent contre celui de l’int�r�t sup�rieur du peuple de France.

Par ailleurs, votre projet de taxe Tobin, madame la ministre, ne change rien aux propos que je viens de tenir. C’est ce que l’on pourrait appeler une taxe � Canada Dry ï¿½. Personne ne peut croire que Nicolas Sarkozy, apr�s trois ann�es d’inaction, s’en prend enfin aux sp�culateurs et cherche, comme il le disait dans son discours de Toulon en 2008, � sanctionner au moins financi�rement les responsables du naufrage et de cette crise dont nous subissons aujourd’hui encore les effets n�fastes. Avec ce simulacre de taxe sur les transactions financi�res, l’UMP tente une manœuvre de diversion…

M. Yves Nicolin. Ce n’est pas vrai !

M. Pierre Gosnat. …destin�e � faire oublier aux Fran�ais les moins ais�s que ce sont eux qui supportent et paient 85 % des mesures d’aust�rit� contenues dans ce PLFR.

M. Jean Mallot. Ils ne sont pas dupes !

M. Pierre Gosnat. Le dispositif qui nous est pr�sent� ce soir est une usine � gaz l�gislative. Cela s’explique par votre volont� de n’appliquer cette taxe qu’� une infime partie des �changes sp�culatifs : ainsi, une centaine seulement de titres d’entreprises seront concern�s par votre taxe alors que la France compte 770 entreprises cot�es en bourse. Vous voulez nous faire adopter un m�canisme au rabais, madame la ministre : cette contribution ne rapportera au pays que 1,1 milliard d’euros par an alors qu’en 2010, le volume des �changes financiers a atteint en France 146 000 milliards d’euros, selon le rapport pr�sent� par Philippe Douste-Blazy en septembre 2011.

Je vous rappelle que la proposition de taxation des transactions financi�res d�fendue commun�ment par le groupe GDR et nos coll�gues allemands, les d�put�s de Die Linke, le 1er d�cembre 2011, permettait d’apporter 15 milliards d’euros de ressources suppl�mentaires � l’�tat : autrement dit, 14 milliards d’euros d’�cart entre une vraie mesure et sa caricature ! C’est bien la preuve que lorsque vous parlez de taxe sur les transactions financi�res, il y a pour le moins un abus de langage !

La majorit� pr�sidentielle est habitu�e aux manipulations de ce genre. La meilleure preuve, mes chers coll�gues, en est cette d�claration de Nicolas Sarkozy en octobre 2011 dans l’�mission Face � la crise lors de laquelle il s’opposait � une hausse g�n�ralis�e de la TVA en d�clarant : � Pour une raison assez simple : c’est que �a p�serait sur le pouvoir d’achat des Fran�ais, sur la consommation des Fran�ais, ce qui serait injuste. ï¿½ alors qu’un rapport de la Cour des comptes de mars 2011, analysant la hausse de la TVA en Allemagne, indiquait, contrairement � ce que vous disiez, madame la ministre, � qu’une augmentation de trois points de la TVA avait contribu� pour 2,6 points � la hausse des prix en 2007. ï¿½

M. Jean Mallot. Exactement !

M. Pierre Gosnat. Et que faites-vous ? Vous d�cidez d’une augmentation de la TVA ! Vous adoptez, dans ce PLFR, la mesure la plus injuste et la plus dangereuse pour nos concitoyens. L’aspect social de cette TVA n’est qu’un mirage, une tromperie imagin�e. La d�put�e UMP Chantal Brunel elle-m�me avouait � L’Express, le 14 f�vrier dernier : � La TVA, j’ai vu, mais le social, pas vraiment… ï¿½ Les consommateurs eux non plus n’ont rien vu de social dans cette TVA. En revanche, ils savent qu’ils conna�tront des fins de mois encore plus difficiles. Alors que les promoteurs de la TVA dite sociale annon�aient des augmentations de salaire pour les travailleurs, il n’en sera rien, et les produits fran�ais n’en tireront aucun avantage de comp�titivit�. Cette TVA pr�tendument sociale et son corollaire, l’exon�ration des cotisations allocations familiales, n’ont qu’un but : � d�faire m�thodiquement ï¿½, pour reprendre les propos de Denis Kessler, le syst�me de s�curit� sociale issu du Conseil national de la R�sistance.

M. Jean Mallot. C’est exactement cela !

M. Pierre Gosnat. Vous voulez que la s�curit� sociale soit financ�e par les consommateurs, qu’ils soient salari�s, ch�meurs ou retrait�s, en lieu et place d’un financement par des cotisations de s�curit� sociale assises sur un partage des richesses cr��es par le travail. La logique sous-jacente de ce transfert de financement n’est que de donner encore et toujours plus d’argent au patronat et aux riches actionnaires. Comme le dit le baron Seilli�re dans Les �chos de ce matin, � les pr�occupations �conomiques et morales ne sont pas convergentes… ï¿½ Et d’ajouter : � De toute fa�on, pour quelqu’un qui est au SMIC, ces chiffres n’ont aucun sens. ï¿½

Quant � l’argument que vous brandissez de la cr�ation de 100 000 emplois, il est fortement contest�. � supposer que ce chiffre soit bon, il en co�terait � la collectivit� 130 000 euros par emploi cr�� !

En tout �tat de cause, permettez-moi d’�tre sceptique sur ces pr�tendues cr�ations de postes. M. Eric Heyer, directeur adjoint du d�partement analyse et pr�vision � l’Observatoire fran�ais des conjonctures �conomiques d�clare : � Si les entreprises ne r�percutent pas enti�rement la baisse de cotisation sur les prix, ou si les autres pays europ�ens r�agissent � ce qui s’apparente � une d�valuation, alors il faut craindre des destructions de postes ï¿½.

De fait, les patrons et les actionnaires sont les seuls b�n�ficiaires de cette TVA. Ils pourront, gr�ce � elle, profiter d’une nouvelle exon�ration de cotisations de s�curit� sociale d’un montant de 13 milliards d’euros, qui tombe quasiment du ciel � quelques jours des �lections.

La preuve a �t� faite par des �conomistes de gauche comme de droite :…

Mme Marie-Christine Dalloz. Lesquels ? Il faudrait nous les citer !

M. Pierre Gosnat. Cette hausse de la TVA ne freinera en rien les d�localisations et n’aidera en rien � maintenir l’emploi.

Il y a donc urgence � appliquer dans ce pays d’autres propositions, comme celles pr�sent�es par le Front de gauche : nous revaloriserons le SMIC � 1 700 euros…

M. le pr�sident. Il va falloir conclure, cher coll�gue.

M. Pierre Gosnat. Je termine, monsieur le pr�sident.

Nous revaloriserons le SMIC � 1 700 euros pour permettre aux salari�s de vivre dignement. Nous r�tablirons l’imp�t de solidarit� sur la fortune. Par la fiscalit�, nous �tablirons un revenu maximum fix� � vingt fois le revenu m�dian, c’est-�-dire, tout de m�me, � 360 000 euros maximum par an. Nous instaurerons quatorze tranches d’imp�t sur le revenu afin d’�tablir la progressivit� de l’imp�t pour que les familles moyennes et modestes paient proportionnellement moins d’imp�ts que les riches.

M. Yves Nicolin. Vive l’Union sovi�tique !

M. Pierre Gosnat. Voil� quelques mesures significatives port�es par le Front de gauche et son candidat Jean-Luc M�lenchon.

Bien entendu, madame la ministre, nous voterons contre votre projet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mais je tiens, � nouveau, � f�liciter pour son travail mon coll�gue et voisin Gilles Carrez.

M. Gilles Carrez, rapporteur g�n�ral. Merci !

M. le pr�sident. La parole est � M. J�r�me Chartier.

M. J�r�me Chartier. Nous avons bien entendu Pierre Gosnat.

M. Jean-Claude Mathis. Malheureusement.

M. Jean Mallot. Cela va �tre moins bien maintenant !

M. J�r�me Chartier. Pour ma part, je reviendrai, si vous le voulez bien, sur la tonalit� des propos tenus par Mme Val�rie P�cresse et M. Gilles Carrez.

Il est vrai que le moment est particulier. M. Pierre Gosnat n’a pas eu le temps de participer � l’ensemble de nos d�bats depuis cinq ans mais, � moins d’une surprise, nous voici pratiquement au terme d’une l�gislature qui ara connu le plus grand nombre de lois de finances de toutes les l�gislatures de la Ve R�publique.

M. Gilles Carrez, rapporteur g�n�ral. Oh oui !

M. Christian Eckert. Il est temps que cela s’arr�te ! � chaque fois, c’est une nouvelle r�gression !

M. Jean Mallot. Oui ! Finissons-en, et au suivant !

M. J�r�me Chartier. Il ne faut jamais pr�sager de l’avenir, mais cette l�gislature tr�s particuli�re restera �galement dans les m�moires comme celle durant laquelle nous avons d� examiner des textes en un temps record par la n�cessit� de l’urgence. Gilles Carrez s’en souvient parfaitement : lorsque nous �tions au cœur de la crise financi�re, nous n’avions pas une semaine de plus, notamment lorsque nous avons mis en place le plan de sauvetage des banques. Nous avons �t� r�actifs, pr�sents, mobilis�s, opposition comme majorit�, pour faire face � une situation tout � fait exceptionnelle, comme n’en avait jamais connu la France sous la Ve R�publique.

Je voudrais donc, au nom de mes coll�gues du groupe UMP, me joindre aux remerciements adress�s tant par Val�rie P�cresse que par Gilles Carrez � la pr�sidence, bien s�r, mais aussi � l’ensemble des fonctionnaires de l’Assembl�e nationale, exemplaires, et de la commission des finances, toujours disponibles.

Je remercie �galement les collaborateurs du groupe UMP, eux aussi toujours pr�sents, mobilis�s. Je suis s�r que ceux du groupe socialistes l’ont �t� tout autant…

M. Jean Mallot. Les collaborateurs du groupe socialiste sont excellents !

M. ï¿½tienne Blanc. Mais pas aussi bons que les n�tres !

M. J�r�me Chartier. …comme ceux du groupe Nouveau Centre…

M. Jean Mallot. Ils sont moins nombreux, certes !

M. J�r�me Chartier. …et du groupe de la Gauche d�mocrate r�publicaine. Nous avons tous des collaborateurs qui ne comptent pas leur temps, et je tiens � les saluer tout particuli�rement.

Puis, en cette fin de session et de l�gislature, je me suis dit, en guise de clin d’œil � cette heure tardive, que ce serait l’occasion de remettre quelques prix.

Le prix de l’assiduit� tout d’abord : je voudrais le remettre � tous mes coll�gues ici pr�sents et particuli�rement � ceux de la commission des finances. Ils ont toujours �t� pr�sents dans les d�bats et se sont donn� beaucoup de mal pour nous �couter, tant Gilles Carrez que moi-m�me, m�me lorsqu’il nous arrivait d’�tre un peu longs, et pour assumer leurs responsabilit�s. Je tiens vraiment � les en saluer.

Il n’est pas l�, mais je suis s�r que cela lui sera rapport�. J’ai un prix incontournable : celui du stakhanoviste monomaniaque… Et c’est Jean-Pierre Brard qui l’a obtenu.

Mme Marie-Christine Dalloz. Excellent !

M. Jean Mallot. Je pensais que c’�tait Gilles Carrez, le stakhanoviste !

M. J�r�me Chartier. Stakhanoviste pour son intransigeance l�gendaire, � ne jamais c�der sur rien, notamment sur ses amendements. Monomaniaque parce que les plus attentifs d’entre nous auront remarqu� que, par go�t personnel, il s’adonnait � la lecture r�guli�re des noms des Fran�ais les plus riches, dans un palmar�s qui n’appartient qu’� lui et dont il nous a livr� encore la substantifique moelle pas plus tard qu’hier.

M. Jean Mallot. Ah ! Tatie Liliane !

M. J�r�me Chartier. Ce prix du stakhanoviste monomaniaque, il n’y avait que Jean-Pierre Brard pour l’obtenir !

Vient ensuite le prix de la sinc�rit� contrari�e : ce sera pour Pierre-Alain Muet, champion toutes cat�gories. �conomiste, partial certes, mais que j’ai connu sinc�re � ses d�buts, il a d� malheureusement mettre cette qualit� de c�t� en devenant le porte-parole du groupe socialiste…

M. Pierre Gosnat. C’est un enterrement de premi�re classe !

M. J�r�me Chartier. …et en troquant la rh�torique �conomique pour la joute politique – exercice dans lequel, chacun le sait, je suis bien le seul � rester sinc�re. (Rires.)

M. Jean Mallot. Et modeste !

M. J�r�me Chartier. Le prix de l’�loquence, il faut le reconna�tre, revient � J�r�me Cahuzac, pr�sident de la commission des finances. Orateur redoutable de l’opposition et pr�sident ombrageux dans un premier temps – on s’en souvient encore avec Gilles Carrez –,…

M. Jean Mallot. Et si vous parliez du projet de loi ?

M. J�r�me Chartier. …il a commenc� � se mad�riser � l’aide d’une petite fiole contenant un �lixir appel� la � migaudine ï¿½, qui permet de pr�sider sans jamais se renier, m�me si, chacun peut l’observer, il a encore quelques efforts � accomplir.

Il est un prix qui m’impressionne particuli�rement au bout de ces cinq ann�es : le prix, incomparable, du politico-fiscalo-technicien. Il ne pouvait �tre d�cern� qu’� Charles-Am�d�e de Courson qui, en plus d’�tre charmant, est un connaisseur �m�rite de la technique fiscale. Qu’il en soit salu�.

M. Jean Mallot. Quand allez-vous parler du projet de loi ?

M. J�r�me Chartier. Je l’ai fait hier, mais vous n’�tiez pas l�, mon cher coll�gue !

Je voudrais saluer, avec un prix tout sp�cial,…

M. Pierre Gosnat. Merci, monsieur le directeur. On se croirait � l’�cole !

M. J�r�me Chartier. …Gilles Carrez, qui re�oit le prix du rapporteur g�n�ral �s tout. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Pierre-Alain Muet. Tr�s bien !

M. J�r�me Chartier. Il est connaisseur, il est p�dagogue, il est batailleur, il est compr�hensif, il est tr�s complet – trop complet, disent certains, mais ce sont de mauvaises langues. J’ajoute, � titre personnel, que Gilles Carrez est un ami et qu’� ce titre, je le remercie de ces cinq ann�es pass�es en sa compagnie.

M. Gilles Carrez, rapporteur g�n�ral. C’est r�ciproque !

M. J�r�me Chartier. Le prix de l’opposant choc revient � Christian Eckert, r�cent dans cette fonction mais manifestement prometteur ! (Sourires.) Je suis certain qu’il ne nous d�cevra pas,…

M. Jean Mallot. Pr�parez-vous !

M. J�r�me Chartier. …toujours dans l’opposition pour encore quelques ann�es !

M. Pierre Gosnat. Pourquoi dans l’opposition ?

M. J�r�me Chartier. Je voudrais �galement remercier tous les ministres qui se sont succ�d� dans les responsabilit�s contraignantes, voire astreignantes, de la gestion des comptes publics durant cette l�gislature.

Je d�cernerai une mention toute sp�ciale � �ric Woerth, qui est rest� ministre des comptes publics et de la fonction publique le plus longtemps, et dont chacun d’entre nous a encore en m�moire la connaissance, la diplomatie et, me semble-t-il, l’�ternelle �l�gance.

M. Pierre Gosnat. C’est �mouvant !

M. J�r�me Chartier. Fran�ois Baroin, ministre politique et technique de haute vol�e, lui a succ�d� avec brio, et Val�rie P�cresse poursuit cette ligne de fa�on tout aussi efficace. Qu’ils en soient remerci�s !

M. Jean Mallot. La droite s’amuse et le ch�mage monte. La droite s’amuse et la dette se creuse !

M. J�r�me Chartier. Nul n’oublie le talent, l’�l�gance et la stature exceptionnelle de Christine Lagarde pour qui nous pouvons tous, je crois, avoir une pens�e particuli�re.

Mme Marie-Christine Dalloz. Et une fiert� !

M. J�r�me Chartier. Une fiert�, c’est vrai, pour son parcours. Nous lui souhaitons beaucoup de r�ussite dans sa responsabilit� actuelle.

Enfin, mes chers coll�gues, je voudrais vous dire, en tant qu’orateur du groupe UMP, le plaisir que j’ai eu � exercer cette responsabilit� pendant cinq ans. Que l’on soit dans l’opposition ou dans la majorit�, �tre l’orateur d’un groupe est une affaire qui n’est jamais simple, mais une responsabilit� toujours passionnante, qui repose sur la confiance des pr�sidents de groupe ; et je tiens � cet �gard � remercier Jean-Fran�ois Cop� et Christian Jacob de leur soutien ind�fectible.

M. Jean Mallot. En tout cas, Chartier ne joue pas dans le r�le de muet !

M. Pierre Gosnat. Vous avez oubli� Sarkozy !

M. Jean Mallot. Et les vice-pr�sidents de l’Assembl�e !

M. J�r�me Chartier. � cette occasion, je remercie aussi les vice-pr�sidents du groupe, pr�sents ici.

Tout cela pour atteindre un objectif, Pierre Gosnat a raison de le rappeler, celui d’un Gouvernement, d’une majorit�, d’un homme qui a une intuition, d’un homme qui a su prendre les bonnes d�cisions, qui a su avoir les bonnes r�actions. Cet homme, c’est Nicolas Sarkozy. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Pierre Gosnat. Je vous ai sauv� la mise, vous l’aviez oubli� !

M. le pr�sident. La parole est � M. Christian Eckert.

M. Jean Mallot. Enfin du contenu !

M. Philippe Vitel. �a va �tre moins dr�le !

M. Christian Eckert. Monsieur le pr�sident, madame la ministre, monsieur le rapporteur g�n�ral, chers coll�gues, je ne vais pas vous convier � une c�r�monie des C�sar ou des Oscars.

M. Yves Nicolin. Des nanars !

M. Christian Eckert. Je pourrais m’associer � tous les remerciements qui ont �t� exprim�s, mais je n’en adresserai qu’un seul, � notre rapporteur g�n�ral (� Ah ! ï¿½ sur les bancs du groupe UMP.) dont j’ai mesur� la pr�cision, la p�dagogie et le souci de r�pondre syst�matiquement, m�me sur des sujets minimes. En tout cas, j’ai beaucoup appris � la lumi�re de sa fa�on de travailler.

Je voudrais revenir bri�vement sur les conditions d’examen non seulement de ce projet de loi, mais �galement d’autres textes.

Monsieur le rapporteur g�n�ral, vous nous avez parl� tout � l’heure de stabilit� et de simplicit�. Avouez que sur les deux points, c’est loup� !

Pour ce qui est de la stabilit�, vous aviez, dans l’euphorie de cet �t� victorieux de 2007, fait voter la loi TEPA. Nous estimons que c’�tait une faute, mais, � la limite, pourquoi pas ? Le probl�me, c’est qu’il y a eu une deuxi�me faute, autrement plus grave : le Gouvernement a trop tard� pour d�tricoter certaines dispositions qui pouvaient peut-�tre s’envisager en p�riode de croissance significative, mais qui ne pouvaient plus se concevoir � la lumi�re de la crise de 2008. Vous avez beaucoup trop tard� � revenir en arri�re.

Madame la ministre, je regrette que, depuis quelques semaines, et particuli�rement ces derniers jours, cette tribune serve plus � juger les programmes qu’� parler des actes que vous posez. Vous faites des proc�s d’intention aux uns et aux autres – aux uns plut�t qu’aux autres d’ailleurs.

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous, vous n’en faites pas, bien s�r !

M. Jean Mallot. On ne peut pas : vous avez un bilan, mais pas de projet !

M. Christian Eckert. L’exercice pourrait consister � juger de votre bilan ; nous l’avons fait, c’est l�gitime. Mais nous nous sommes attach�s, je crois, avec notre groupe, � parler du fond des textes que vous d�fendez et des actes que vous assumez en responsabilit�, ce qui est tout � votre honneur, mais que nous contestons, ce qui est notre droit.

Vous parliez de stabilit� et de simplicit�. J’ai un tr�s mauvais souvenir, monsieur le rapporteur g�n�ral, � propos de ce que vous appelez la suppression de la taxe professionnelle. Reconnaissons que ce texte avait �t� tr�s mal travaill�.

M. Jean Mallot. Pas travaill� du tout, plut�t !

M. Christian Eckert. Qui plus est, aujourd’hui, il est totalement inconnu. Je suis un �lu local, comme beaucoup d’entre vous, mais je suis � peu pr�s incapable d’expliquer � mes coll�gues �lus, maires et a fortiori conseillers municipaux, comment tout cela fonctionne. Avouez que vous-m�me avez �t� parfois bien en difficult� pour mesurer la port�e financi�re de d�cisions que vous avez prises dans une urgence rare : souvenez-vous de cet amendement de quatre-vingt-dix-sept pages que vous aviez �labor� avec les moyens dont vous disposiez : � peine seuls deux ou trois d’entre nous � la commission des finances – dont je ne suis pas : je pense � Jean-Pierre Balligand et Marc Laffineur – �taient capables, avec vous bien entendu, de le d�cortiquer ! Ce faisant, nous avons l�gif�r� � l’aveugle.

Les cons�quences se font ressentir aujourd’hui. De nombreux dirigeants de petites entreprises, de nombreux petits commer�ants ou artisans nous le disent : ils ne comprennent pas, on leur avait annonc� que la taxe professionnelle n’existait plus, et pourtant, ils re�oivent encore des titres de recouvrement. Ce n’est pas une plaisanterie, madame la ministre : certains formulaires de renseignements que votre administration envoie aux contribuables font encore mention de la taxe professionnelle !

Je ne reviendrai pas sur tout ce qui a �t� dit hier, mais je voudrais, dans le temps qui m’est imparti, approfondir le petit �change que nous avons eu avec Charles Am�d�e de Courson � propos de l’�tude de l’INSEE sur le co�t du travail. Vous ne cessez de r�p�ter que le co�t du travail est la seule motivation de votre loi de finances rectificative ; je crois qu’il faut combattre un certain nombre d’id�es re�ues.

Vous avez cit� hier, monsieur de Courson, des extraits du rapport de l’INSEE. Et je me suis un peu f�ch� lorsque vous m’avez dit que je ne l’avais pas lu. Je l’avais lu et je l’ai relu.

M. Yves Nicolin. Mais vous aviez mal lu !

M. Charles de Courson. Ou trop rapidement !

M. Christian Eckert. L’�cole de la R�publique m’a appris � lire, mes chers coll�gues, et parfois aussi un peu � compter.

M. Yves Nicolin. Peut-�tre pas � assimiler !

M. Christian Eckert. Je voudrais vous citer quelques extraits de cette �tude que j’ai ramen�e ici ce soir pour combattre des id�es re�ues.

Cette �tude porte sur l’�volution du co�t du travail entre 1996 et 2008. D�s l’introduction, on lit que la France se trouve dans une position m�diane en termes d’�volution : autrement dit, l’�volution des co�ts salariaux fran�ais se trouve dans la m�diane des pays europ�ens, certes plus forte que celle de l’Allemagne mais dans la m�diane.

M. Louis Giscard d’Estaing. D’accord.

M. Christian Eckert. Deuxi�me �l�ment, il est �crit que le co�t horaire de la main-d’œuvre dans les entreprises manufacturi�res est aujourd’hui tr�s l�g�rement encore inf�rieur � celui de l’Allemagne.

M. Jean Mallot. Eh oui.

M. Christian Eckert. Il est de 33,16 euros pour la France contre 33,37 euros pour l’Allemagne. Le co�t du travail est encore aujourd’hui moins cher en France.

M. Charles de Courson. Mais il y a douze ans, l’�cart �tait de combien ?

M. Louis Giscard d’Estaing. Oui, quelle a �t� la tendance ?

M. Christian Eckert. Ce n’est pas forc�ment le meilleur classement, mais cela nous place au cinqui�me rang dans les pays de l’Union.

Vous ne cessez de dire que la cause en est les trente-cinq heures.

M. Yves Nicolin. Malheureusement.

M. Christian Eckert. En France, le co�t horaire a cr� en euros courants � un rythme annuel de 3,4 %. Et l’�tude montre que, sans les trente-cinq heures, � situation �gale, cette croissance aurait �t� de 3,1 %.

M. Charles de Courson. Eh oui !

M. Christian Eckert. Cela veut dire que 10 % seulement de l’augmentation du co�t de la main-d’œuvre est d� � l’effet des trente-cinq heures.

M. Louis Giscard d’Estaing. Cela fait 10 % quand m�me !

M. Jean Mallot. Cela laisse 90 % pour le reste !

M. Christian Eckert. Ce n’est pas une augmentation de 10 % qui serait li�e aux trente-cinq heures, mais 10 % de l’augmentation : 3,4 % au lieu de 3,1 % sans les trente-cinq heures.

M. Louis Giscard d’Estaing. Quand m�me !

M. Jean Mallot. Ne faites pas semblant de ne pas comprendre, cher coll�gue.

M. Christian Eckert. Rappelons enfin que, dans le secteur automobile, le co�t de la main-d’œuvre la plus ch�re parmi tous les pays de l’Union europ�enne est celui de l’Allemagne. Il est aujourd’hui de 29 % sup�rieur � celui observ� en France. Il �tait d’ailleurs de 49 % en 1996.

M. Charles de Courson. Absolument ! C’est ce que j’ai dit hier.

M. Christian Eckert. C’est-�-dire que cet �cart a diminu� sur le secteur automobile et sur lui seul.

Vous voyez bien que, contrairement � l’id�e re�ue, ce n’est pas forc�ment le diff�rentiel de main-d’œuvre qui explique la diff�rence de comp�titivit�.

M. Charles de Courson. C’est l’un des �l�ments !

M. Christian Eckert. Enfin, l’�tude observe que la comp�titivit� est bien meilleure en France qu’en Allemagne.

Je pourrais multiplier les chiffres, mais vous aurez compris qu’il faut combattre les id�es re�ues qui consistent � dire que la France serait le pays d’Europe o� la main-d’œuvre serait la plus ch�re. Dans les industries les plus soumises � la comp�titivit�, on voit bien que ce n’est pas le co�t horaire du travail qui est le seul d�terminant ; nous avons regagn�, gr�ce � la comp�titivit�, une bonne part du diff�rentiel par rapport � nos voisins.

Je termine, puisque le temps nous est compt�, par un constat : vous �tes depuis dix ans au pouvoir, mes chers coll�gues.

M. Jean Mallot. Et voil� !

M. Christian Eckert. C’est beaucoup, dix ans.

M. Pierre-Alain Muet. C’est trop !

M. Bernard Deflesselles. Et on compte bien y rester.

M. Christian Eckert. La d�mocratie a conduit � cela, je n’ai pas � juger si c’est trop ou trop peu, personne n’a vol� ici sa place : vous n’�tes pas arriv�s ici par effraction, mes chers coll�gues. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Deflesselles. Nous sommes arriv�s ici par la volont� du peuple !

M. le pr�sident. Nous �coutons M. Eckert, qui va conclure d’ailleurs.

M. Christian Eckert. Vous ne pouvez pas revenir sur des d�cisions d’il y a trente ans, des d�cisions d’il y a vingt-cinq ans, mais vous avez eu tout le loisir de faire quarante lois de finances initiales ou rectificatives : vous aviez largement les moyens de votre politique. Les Fran�ais vont �tre invit�s � juger du bilan que nous serons amen�s � partager avec eux. C’est la d�mocratie qui nous ram�nera ou qui nous �loignera dans les mois qui viennent. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Merci une fois encore, monsieur le rapporteur g�n�ral, pour votre p�dagogie et votre patience.

M. Louis Giscard d’Estaing. Tr�s bien !

M. le pr�sident. La parole est � M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Mes chers coll�gues, je ne vais pas refaire un �ni�me discours, tous les arguments ont �t� avanc�s hier.

M. Jean Mallot. C’est vous qui dites cela ?

M. Charles de Courson. Je voudrais parler de tout autre chose.

Cela fait dix-neuf ans que Gilles Carrez et moi-m�me si�geons � la commission des finances. Nous avions appris que le d�bat budg�taire, c’�tait les trois L : litanie, liturgie et l�thargie.

M. Pierre Gosnat. C’est loin des trois A !

M. Charles de Courson. Dans cette quatri�me l�gislature � laquelle nous participons avec Gilles Carrez, ce n’est plus vrai.

Tout d’abord, il y a eu une v�ritable co-production sur certains textes.

M. Gilles Carrez, rapporteur g�n�ral. Sur certains en effet.

M. Charles de Courson. On a parl� de la r�forme de la fiscalit� du patrimoine ; et, osons le dire, c’est la commission des finances qui a sauv� le Gouvernement sur la r�forme de la taxe professionnelle – cela fait plaisir d’avoir le sentiment de temps en temps de ne pas �tre totalement inutiles.

M. Pierre Gosnat. On va en payer le prix sur les investissements publics !

M. Charles de Courson. Autre nouveaut�, le fait de confier, alors que ce n’�tait pas dans le r�glement, la pr�sidence de la commission des finances � un membre de l’opposition. Je pense que c’�tait une bonne r�forme et que l’opposition le reconna�t.

M. Pierre Gosnat. Pas vraiment.

M. Charles de Courson. Tellement bonne d’ailleurs que nos coll�gues s�nateurs ont fini par l’appuyer aussi.

M. Christian Eckert. Heu !

M. Pierre Gosnat. Ce n’est pas une bonne id�e.

M. Charles de Courson. Je vois notre coll�gue qui s’interroge. Je le r�p�te, je crois que c’est une bonne chose. Je ne suis pas de ceux qui pensent que l’opposition doit �tre n�glig�e.

M. Jean Mallot. Ce n’est pas ce qu’il a dit ni ce qu’il a voulu dire.

M. Christian Eckert. On n’a pas eu le choix.

M. Charles de Courson. Dans une d�mocratie, l’opposition a un r�le positif � jouer. Il est donc normal qu’elle soit associ�e � la bonne marche des institutions et qu’elle soit correctement inform�e de ce qui se passe.

Je voulais faire une deuxi�me remarque qui ne fera peut-�tre pas plaisir � tout le monde mais qui, h�las ! n’en est pas moins la v�rit�.

Vous avez tous lu le trait� intergouvernemental. Je le r�sume en deux articles : pas plus de 0,5 de d�ficit structurel et surtout, m�me si l’on y a moins pr�t� attention, une r�duction pour tous, en vingt ans, du taux d’endettement public � 60 %. Puisque nous en sommes � 90 % d’endettement, cela signifie trente points en moins, soit 1,5 point par an sur vingt ans.

Comme je m’ennuyais un peu ce week-end, je me suis livr� � quelques calculs. Savez-vous � quel niveau il faut situer le solde budg�taire pour atteindre cet objectif du trait� intergouvernemental ? Autour d’un exc�dent de 1 % ! � combien en serons-nous cette ann�e ? � 4,5 % de d�ficit – et ce sera difficile � tenir puisque la croissance est plus faible que pr�vue. Mais il faut tenir bon. Nous revenons de plus de 7 %, nous arrivons � 4,5 %. Mais vous voyez le chemin qu’il nous reste � faire ! Et j’entends des candidats – que certains reconna�tront – persister dans les promesses de nouvelles hausses de d�penses et des augmentations massives de recettes : jamais ils ne pourront les tenir. Et six mois apr�s votre arriv�e au pouvoir, mes chers coll�gues, vous inverserez totalement votre politique, et vous serez alors caram�lis�s dans l’opinion publique !

M. Louis Giscard d’Estaing. Il a raison !

M. Jean Mallot. Allons, monsieur de Courson, vous n’avez pas encore perdu ! Battez-vous !

M. Charles de Courson. Notre rapporteur g�n�ral l’a dit tout � l’heure : le devoir de tous les d�mocrates dans cette campagne pr�sidentielle devrait �tre de r�pondre � cette question : o� allons-nous continuer � r�duire les d�penses et o� allons-nous nous autoriser quelques hausses de recettes ? Voil� ce que devrait �tre le d�bat d�mocratique, si nous voulons atteindre cet exc�dent structurel de 1 % – et non 0,5 % –, quelle que soit la majorit�. Cela signifie 100 milliards d’efforts, entre la r�duction des d�penses et l’augmentation des recettes. Autant vous dire qu’une l�gislature n’y suffira pas, et qu’il en faudra sans doute deux pour y parvenir.

Je voudrais remercier pour conclure tous nos coll�gues de la commission des finances : apr�s tout, c’est une commission plut�t sympathique… Ne sommes pas bien nombreux � y travailler, mais nous y nous retrouvons tout de m�me � une quinzaine, nous nous connaissons tous et nous d�battons avec plaisir.

M. Jean Mallot. Il y a notamment eu une semaine o� j’en ai �t� membre : elle �tait particuli�rement sympathique !

M. Charles de Courson. Merci �galement aux administrateurs, et aussi � ceux qui, derri�re les ministres, les alimentent en munitions, en argumentaires. Merci enfin � tous ceux qui travaillent devant et derri�re notre cher pr�sident, et � tous nos coll�gues qui s’int�ressent un tant soit peu aux finances publiques. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

M. le pr�sident. La parole est � M. Daniel Garrigue.

M. Jean Mallot. On l’applaudit !

M. Daniel Garrigue. Monsieur le pr�sident, madame la ministre, mes chers coll�gues, puisque nous sommes � l’heure des prix et des hommages, je voudrais pour ma part, malgr� nos divergences politiques, saluer chez Gilles Carrez une ind�pendance d’esprit et un courage politique qui sont caract�ristiques du gaullisme.

M. Gilles Carrez, rapporteur g�n�ral. Merci !

M. Jean Mallot. Une certaine capacit� �galement � avaler des couleuvres !

M. Daniel Garrigue. Je voudrais �galement rendre hommage � l’ouverture d’esprit et au souci d’�quilibre qui auront marqu� la pr�sidence de J�r�me Cahuzac.

Mais nous sommes � l’heure des bilans, et mon bilan de l’action du Gouvernement depuis 2007 tiendra en trois points.

En premier lieu, vous avez d�truit durablement et sans doute d�finitivement l’id�e selon laquelle la droite g�rait mieux les finances publiques que les autres forces politiques.

M. Jean Mallot. C’est clair !

M. Daniel Garrigue. Vous avez, ce faisant, r�ussi � affaiblir gravement notre cr�dibilit� vis-�-vis de nos partenaires. Il y a encore quelques ann�es, la relation franco-allemande �tait �quilibr�e. En laissant filer les d�ficits d�s 2007, vous avez ruin� cette confiance, qui aurait pourtant �t� si utile face � la crise.

Enfin, vous laissez, avec pr�s de 100 milliards de d�ficit annuel et 1 800 milliards de dette publique, nos finances publiques dans la situation la plus grave que nous ayons connue depuis 1958. � ceci pr�s qu’en 1958, nous avions le retour du g�n�ral de Gaulle, la possibilit� d’�mettre un emprunt massif et la capacit�, beaucoup moins �vidente dans le contexte actuel, car on ne peut recommencer deux fois la m�me op�ration, � faire revenir les capitaux dans un climat de confiance. Enfin et surtout, l’environnement international �tait infiniment plus porteur qu’aujourd’hui.

Autant dire que nous entrons dans une p�riode qui, au lendemain des �lections, va se r�v�ler extraordinairement difficile. Face � cette situation, nous aurons besoin de trois choses, et pour commencer d’abord, d’efforts. Je regrette que, dans cette campagne �lectorale, le d�bat saute chaque jour du coq � l’�ne et ne permette pas de r�pondre � la v�ritable inqui�tude des Fran�ais devant la gravit� de la situation. Celle-ci exige un effort sans pr�c�dent, en mati�re de d�pense comme en mati�re de recettes, et il faudrait que l’on ait le courage de le dire � nos compatriotes.

Mais cet effort ne peut �tre possible sans une volont� profonde de justice. Volont� profonde de justice fiscale, ce que vous avez ignor� tout au long de ces cinq ann�es, volont� profonde de justice sociale, volont� profonde d’association et de contractualisation : cela aussi, nous ne l’avons gu�re connu tout au long de cette p�riode.

Il faut enfin de l’ambition, une ambition que ne peut passer que par l’Europe, et je regrette encore une fois que vous ne vous soyez pas donn� les moyens d’affirmer des ambitions plus fortes en mati�re de construction europ�enne. Il y eut beaucoup de proclamations dans le cadre du G20, mais malheureusement bien peu de r�alisations effectives : nous attendons encore l’essentiel des directives et des r�glements.

Ce que nous souhaiterions surtout, c’est que l’effort de r�duction des d�ficits et de la dette dans chacun des �tats aille de pair avec une v�ritable initiative de croissance � l’�chelle de l’Union europ�enne. Ce sont ces enjeux qui seront demain au cœur de l’�lection pr�sidentielle, et je suis persuad� que les Fran�ais feront les choix indispensables. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le pr�sident. La parole est � M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Je voudrais � mon tour, au nom du groupe socialiste, remercier la pr�sidence et les services de l’Assembl�e nationale : c’est un vrai bonheur de travailler avec nos administrateurs. Je veux �galement remercier le pr�sident de la commission des finances et le rapporteur g�n�ral, et dire � Gilles Carrez que nous sommes nombreux, sur les bancs de l’opposition, � appr�cier la qualit� de ses rapports et son ouverture d’esprit. Cela a beaucoup contribu� � la qualit� de nos d�bats, m�me si ceux-ci restent ce qu’ils doivent �tre dans une d�mocratie : des confrontations. Aussi prendrai-je encore quelques instants pour rappeler ce que nous pensons de ce projet de loi : avec ce transfert de cotisations sur la TVA, vous conjuguez l’erreur et l’injustice.

Erreur de diagnostic d’abord : le vrai secret de la comp�titivit� dans nos �conomies d�velopp�es, c’est l’innovation,…

M. Charles de La Verpilli�re. Le PS a donc du souci � se faire !

M. Pierre-Alain Muet. …la capacit� � se sp�cialiser dans les produits haut de gamme : c’est donc une politique industrielle active en relation avec les r�gions.

Si notre d�ficit ext�rieur s’est creus� depuis 2003, tr�s progressivement au d�part, puis de 10 milliards suppl�mentaires chaque ann�e pour atteindre 70 milliards, c’est en grande partie en raison de la d�sindustrialisation de notre pays, qu’atteste la perte 750 000 emplois dans l’industrie depuis dix ans, dont pr�s de 400 000 depuis cinq ans. Si nous enregistrons 70 milliards de d�ficit quand les Allemands ont un exc�dent de 150 milliards, c’est tout simplement parce que le poids de l’industrie dans la valeur ajout�e en Allemagne est presque deux fois plus �lev� que chez nous. Du reste, lorsque l’on compare les r�gions fran�aises, on s’aper�oit que celles qui sont en exc�dent ou en �quilibre commercial sont aussi celles qui ont gard� une part importante de l’industrie. Le vrai secret de la comp�titivit� passe donc par une politique industrielle active.

Erreur �conomique ensuite : dans la conjoncture actuelle, ce transfert enfoncera un peu plus notre pays dans le ralentissement �conomique. J’ai bien entendu, madame P�cresse, vos simulations et les cr�ations d’emploi que vous attendiez, mais j’aurais aim� en avoir le d�tail et comprendre comment vous parvenez � ces r�sultats. Pour avoir lu le rapport Besson en son temps, je n’y ai rien trouv� de tel, et les instituts qui se livrent � des simulations n’obtiennent pas non plus les m�mes r�sultats. Quoi qu’il en soit, il est un param�tre que vous oubliez totalement et qui pourtant doit �tre de temps en temps mentionn� par vos services : l’asym�trie compl�te entre la r�percussion d’une augmentation de co�t ou de taxe sur les prix et la r�percussion d’une baisse de co�t ou de taxe sur les prix. Du fait de cette asym�trie, et contrairement � ce que vous nous affirmez, la TVA, comme toujours, se r�percutera tr�s rapidement � la hausse sur les prix,…

M. Charles de Courson. De combien ?

M. Pierre-Alain Muet. …tandis que les all�gements de cotisation se r�percuteront, eux, tr�s lentement, voire pas du tout. Le r�sultat en sera un effet d�pressif sur l’�conomie. C’est en tout cas ce que traduisaient les simulations que pr�sentait en 2004 � la commission des finances du S�nat un ministre des finances qui s’appelait… Nicolas Sarkozy !

Apr�s l’erreur, l’injustice. La TVA, vous le savez, p�se trois fois plus dans le budget d’une famille modeste que dans celui d’une famille ais�e ; qui plus est, avec cette r�forme, vous allez faire fait payer une seconde fois aux retrait�s des cotisations qu’ils ont d�j� pay�es tout au long de leur vie active.

Si l’on prend enfin le total de vos hausses de TVA, soit 13 milliards d’euros, on atteint � peu pr�s le montant du paquet fiscal, ce qui r�sume cette l�gislature du d�but � la fin : vous avez commenc� par des cadeaux fiscaux aux plus fortun�s ; vous terminez par des hausses de taxe qui toucheront tous les Fran�ais !

Quant � votre pr�tendue taxation des transactions financi�res, elle n’est l� que pour faire oublier le vide sid�ral des r�sultats du pr�sident sortant dans le domaine international. Dans celui-l� comme dans beaucoup d’autres, il avait tout promis : la fin des paradis fiscaux, la r�gulation financi�re, les eurobonds, la taxation des transactions financi�res. Il n’aura pas tenu ni obtenu grand-chose ; je comprends d�s lors qu’il tente de faire oublier son bilan par un trait� qui ne r�gle rien et par le r�tablissement d’un imp�t de bourse qui existait depuis un si�cle et qu’il a supprim� en 2008.

Vous faites r�f�rence � la crise de 1929. Effectivement, cette crise a des points communs avec celle que nous traversons : les d�rives financi�res, mais aussi la formidable explosion des in�galit�s. Or quand Roosevelt arrive au pouvoir en 1933, il va prendre trois s�ries de mesures : le New Deal bien s�r, mais aussi la s�paration des banques d’affaires des banques de d�p�t et la cr�ation d’un taux dissuasif sur les plus hautes r�mun�rations – en fait, c’est Hoover qui avait commenc�. Roosevelt l’a port� � 79 % en 1936, puis � 91 % de 1941 jusqu’en 1964 ; jusqu’aux ann�es quatre-vingt, autrement dit pendant cinquante ans, ce taux marginal restera proche de 80 % en moyenne.

Et si l’�conomie mondiale et l’�conomie am�ricaine se sont aussi bien port�es dans l’apr�s-guerre, dans la p�riode de Bretton Woods, c’est qu’elles conjuguaient la mont�e en puissance de la protection sociale, une r�gulation financi�re effective et la r�duction des in�galit�s par la fiscalit�.

Conforter la protection sociale, r�guler r�ellement la finance en s�parant les activit�s de d�p�t des activit�s sp�culatives des banques, r�tablir la justice fiscale et instaurer un taux marginal dissuasif sur les r�mun�rations excessives, qui traduisent plus l’appropriation d’une rente que la r�mun�ration du talent : voil� trois mesures fortes qui tracent un chemin pour sortir de la crise. C’est ce chemin que propose aujourd’hui Fran�ois Hollande aux Fran�ais. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le pr�sident. La discussion g�n�rale est close.

Texte adopt� par l’Assembl�e nationale en nouvelle lecture

M. le pr�sident. J’appelle maintenant, conform�ment au troisi�me alin�a de l’article 114 du r�glement, le projet de loi dans le texte adopt� par l’Assembl�e nationale en nouvelle lecture.

Explication de vote

M. le pr�sident. La parole est � M. Pierre Gosnat, pour l’explication de vote du groupe GDR.

M. Pierre Gosnat. La ministre a centr� son discours introductif sur le co�t du travail. Mais sur les in�galit�s sociales, pas un mot. La fortune de M. Arnault �quivaut � un million de SMIC. Mais vous n’en avez pas parl�. Les patrons du CAC 40 ont obtenu une augmentation de 34 % de leurs revenus. On n’en a pas parl�. Le co�t du travail, il faut en discuter, mais il faut discuter aussi des in�galit�s.

De toute fa�on, que le travail ait un co�t, est-ce quelque chose de r�trograde ? Dans notre soci�t�, n’est-il pas n�cessaire, indispensable, que les salari�s obtiennent des augmentations qui leur permettent de se loger, se nourrir, avoir des loisirs, une automobile, bref de vivre correctement ?

M. Philippe Meunier. On est loin de l’�conomie.

M. Pierre Gosnat. Est-ce que vous n’�tes pas en train de cr�er une situation du type de la Gr�ce, dans laquelle les salari�s se retrouveront au ch�mage, ne pourront plus vivre normalement, ce qui conduira l’�conomie nationale dans l’impasse ?

Pour notre groupe, augmenter les salaires est absolument indispensable.

M. Philippe Vitel. Mais avec quoi ?

M. Pierre Gosnat. Et il faut lutter contre les injustices sociales dont je viens de parler. La protection sociale, il faut l’assurer. Aujourd’hui, des millions de gens ne peuvent plus se payer une mutuelle.

Il faut de l’investissement public. Nous allons payer cher la suppression de la taxe professionnelle. Ce sont des millions que nos villes ne pourront plus investir dans les travaux publics.

La route que vous empruntez est suicidaire pour notre pays. J’esp�re bien que dans quelques semaines, nous sortirons de cette impasse.

M. Philippe Vitel. La route suicidaire, c’est celle de la Gr�ce, de l’Espagne et du Portugal !

Vote sur l’ensemble

M. le pr�sident. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi tel qu’il r�sulte du texte de l’Assembl�e nationale en nouvelle lecture.

(L’ensemble du projet de loi est adopt�.)

2

Organisation du service et information des passagers dans les entreprises de transport a�rien

Lecture d�finitive

M. le pr�sident. L’ordre du jour appelle la discussion, en lecture d�finitive, de la proposition de loi relative � l’organisation du service et � l’information des passagers dans les entreprises de transport a�rien de passagers et � diverses dispositions dans le domaine des transports (n� 4425).

La parole est � M. Thierry Mariani, ministre charg� des transports.

M. Thierry Mariani, ministre charg� des transports. Monsieur le pr�sident, monsieur le rapporteur de la commission du d�veloppement durable et de l’am�nagement du territoire, mesdames, messieurs les d�put�s, je me r�jouis de vous retrouver aujourd’hui pour terminer enfin l’examen de la proposition de loi d�pos�e par �ric Diard, que je tiens � saluer pour le remarquable travail qu’il a effectu� sur ce texte.

Vous �tes appel�s � statuer d�finitivement, en vertu du dernier alin�a de l’article 45 de la Constitution, sur cette proposition de loi. Elle vise � am�liorer l’information des passagers a�riens en cas de mouvement social et � permettre aux compagnies a�riennes d’organiser leur service afin de garantir � nos concitoyens la possibilit� de circuler enfin librement tout en respectant le droit de gr�ve.

La France doit en effet pouvoir prendre des dispositions en ce sens, d’autant que celles que nous envisageons sont bien moins contraignantes que celles que l’on observe chez nos voisins europ�ens.

La r�ussite incontestable de la loi du 21 ao�t 2007 sur le dialogue social et la continuit� du service public dans les transports terrestres r�guliers de voyageurs a inspir� ce texte, alors m�me que les entreprises du transport a�rien exercent leur activit� dans un secteur concurrentiel. Le climat apais� de ces derniers jours montre d’ailleurs que les salari�s du transport a�rien ont bien compris que l’esprit de cette proposition de loi n’est en rien de remettre en cause leur droit de gr�ve.

S’agissant de l’accord sign� hier entre la direction d’Air France et le SNPL sur la stabilit� des plannings des personnels navigants, je tiens � indiquer qu’il s’agit d’une question d’organisation strictement interne � la compagnie. Il vise � mettre fin � une instabilit� juridique sur l’interpr�tation, en p�riode de gr�ve, des dispositions de l’accord en vigueur depuis 2006. Dans les faits, les vols continueront d’�tre normalement assur�s par des pilotes non gr�vistes volontaires, comme c’est d�j� le cas depuis longtemps.

Et sachez que cette clarification ne porte atteinte � aucun des avantages dont b�n�ficieront les passagers gr�ce � la pr�sente proposition de loi.

Lors de son examen en deuxi�me lecture le 22 f�vrier dernier, votre assembl�e a amend� ce texte de fa�on significative. Je me r�jouis � cet �gard de la qualit� des �changes et du travail qui a �t� conduit, et je souhaiterais insister sur trois de ces �volutions.

D’abord, la modification r�dactionnelle apport�e � la disposition sur le champ d’application de la proposition de loi a permis de mieux circonscrire celui-ci, en pr�cisant tr�s clairement que l’ensemble des entreprises ou des �tablissements œuvrant dans le transport a�rien ne sont concern�s que dans la mesure o� ils concourent directement � l’activit� de transport a�rien de passagers.

Ensuite, la port�e des obligations de d�claration vingt-quatre heures � l’avance a �t� clarifi�e afin de pr�venir les interpr�tations abusives que certains d’entre vous avaient d�nonc�es � juste titre.

M. Jean Mallot. Ah ! � juste titre !

M. Thierry Mariani, ministre. Il a donc �t� pr�cis� que l’obligation de d�clarer sa renonciation � la participation � la gr�ve n’a de sens qu’� la condition que la gr�ve ne soit pas achev�e. En effet, d�s lors qu’une gr�ve a pris fin, ou qu’elle n’a pas commenc�, il est l�gitime et utile d’affirmer que le salari� peut bien �videmment continuer son travail sans avoir � d�clarer qu’il renonce � faire gr�ve. De m�me, lorsqu’un salari� a particip� � la gr�ve et qu’il est mis un terme � celle-ci dans son entreprise, il peut reprendre imm�diatement son travail, sans avoir � d�clarer sa reprise vingt-quatre heures � l’avance. Cette modification permet de tenir compte de la r�alit� du terrain et de ne pas oublier les raisons qui avaient conduit M. Nicolin et M. Rochebloine � d�poser un amendement suite � certains abus constat�s, dans leur r�gion, � la SNCF.

Enfin, les dispositions qui pr�voient le recours � une sanction disciplinaire ont �t� adapt�es en coh�rence avec les pr�cisions apport�es au r�gime de d�claration de vingt-quatre heures � l’avance. En effet, non seulement il �tait pr�vu que la facult� de sanction s’exerce sous le contr�le vigilant du juge, mais il a �galement �t� pr�cis�, par amendement, qu’une sanction ne peut �tre encourue qu’en cas de manquement r�p�t� � l’obligation de d�claration de renoncement � la participation � la gr�ve ou � l’obligation de d�claration de reprise de service apr�s participation � la gr�ve.

Ainsi, ce qui pourrait �tre sanctionn� est le fait de chercher � contourner l’obligation de d�claration de renoncement ou de reprise de service dans le but d’emp�cher l’organisation du service, et ainsi, bien s�r, l’information des passagers.

Le texte tel qu’il vous est soumis aujourd’hui respecte v�ritablement les �quilibres indispensables entre le droit de gr�ve et la sauvegarde de l’ordre public, ce que chacun a compris, sauf certains qui, visiblement, n’ont pas envie de comprendre.

M. Jean Mallot. Soyez poli !

M. Thierry Mariani, ministre. Je ne vous visais pas, mais si vous vous reconnaissez…

Ce texte permettra un dialogue social apais� sans p�naliser des millions de Fran�ais.

M. Bernard Deflesselles. Absolument !

M. Thierry Mariani, ministre. Mesdames, messieurs les d�put�s, nous vivons aujourd’hui un moment important.

Cette proposition de loi constitue une avanc�e majeure pour le droit � une information fiable et pr�cise des passagers du transport a�rien en cas de mouvement social affectant ce secteur.

La loi du 21 ao�t 2007 instaurant un service minimum dans les transports terrestres de voyageurs constitue l’une des grandes r�formes de ce quinquennat, une r�forme que la gauche a combattue en 2007 mais que, d�sormais, son candidat trouve tellement bonne qu’il n’entend pas la remettre en cause. De m�me, je ne doute pas que ce texte portera ses fruits en permettant des progr�s ind�niables.

D�sormais les Fran�ais, qui aspirent l�gitimement � voyager ou � se d�placer, ne seront plus r�guli�rement laiss�s dans l’incertitude jusqu’au dernier moment et p�nalis�s au moment des grands d�parts. Et l’image de la France dans ce domaine en sortira grandie. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. le pr�sident. La parole est � M. ï¿½ric Diard, rapporteur de la commission du d�veloppement durable et de l’am�nagement du territoire.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur de la commission du d�veloppement durable et de l’am�nagement du territoire. Monsieur le pr�sident, monsieur le ministre, chers coll�gues, je rapporte de nouveau devant vous au nom de la commission du d�veloppement durable la proposition de loi relative � l’organisation du service et � l’information des passagers dans les entreprises de transport a�rien de passagers et � diverses dispositions dans le domaine des transports, que j’ai d�pos�e le 22 novembre 2011.

M. Jean Mallot. Comme titre, on ne fait pas plus long !

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Nous sommes en lecture d�finitive, apr�s que le S�nat a rejet� la proposition cet apr�s-midi en adoptant la question pr�alable.

M. Pierre Gosnat. Tr�s bien !

M. Bernard Deflesselles. Quelle erreur !

M. Daniel Goldberg. Nous allons faire de m�me !

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Du moins l’adoption de la question pr�alable a-t-elle eu le m�rite d’�viter l’adoption de tout amendement au S�nat.

Je reviens d’abord sur l’accord, m�diatis�, conclu entre la direction d’Air France et un syndicat de pilotes. Cet accord ne remet nullement en cause, comme je l’ai parfois lu, les dispositions de la proposition de loi.

M. Jean-Paul Chanteguet. Criez-le bien fort, pour vous en convaincre !

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Bien au contraire. C’est parce que, gr�ce � la nouvelle loi, elle pourra conna�tre le personnel gr�viste quarante-huit heures � l’avance que la direction d’Air France vient de mettre fin au contentieux qui l’opposait au syndicat majoritaire des pilotes � propos de la stabilit� des plannings.

M. Thierry Mariani, ministre. Nous favorisons le dialogue social !

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Gr�ce � cette loi, il est mis fin � un imbroglio juridique.

M. Daniel Goldberg. Un autre commence !

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. De surcro�t, chers coll�gues, en cas de gr�ve, Air France n’a jamais pr�vu, pour des raisons de s�curit� �videntes, d’affecter des pilotes qui ne seraient pas volontaires.

M. Thierry Mariani, ministre. Cela, ils ne l’ont jamais compris !

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Le secteur a�rien est tr�s conflictuel. Au cours de ces trois derni�res ann�es, le trafic a �t� perturb� pendant 176 jours,…

M. Pierre Gosnat. Et pourquoi ?

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. …suite � des mouvements de gr�ve. Dans une gr�ve, le personnel perd de l’argent, mais les compagnies �galement. Le dernier mouvement, entre le 6 et le 10 f�vrier, a co�t� 34 millions d’euros � Air France. M. Mariani a eu raison de rappeler que cette compagnie est dans une situation financi�re pr�caire. Elle ne peut plus se permettre, au cours des prochaines ann�es, autant de jours de conflit, au risque d’�tre condamn�e � moyen terme.

Le transport a�rien est particuli�rement fragile. Dans cette vaste cha�ne d’�l�ments interd�pendants, la d�faillance d’un maillon a immanquablement des r�percussions sur l’ensemble.

M. Pierre Gosnat. Il faut nationaliser !

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Les activit�s de transport a�rien ont un caract�re concurrentiel, � la diff�rence des transports terrestres. Il n’y a pas, ici, de service public, ni de service minimum.

Je rappelle les trois axes de cette proposition de loi.

D’abord, elle encourage le dialogue social et la pr�vention des conflits et incite employeurs et syndicats � conclure des accords cadre.

M. Jean Mallot. Pas besoin de loi pour cela !

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Ensuite, elle cr�e une obligation pour les compagnies a�riennes d’informer les passagers, vingt-quatre heures � l’avance, des perturbations dues � des gr�ves.

Enfin, elle cr�e une obligation, en cas de gr�ve, pour les seuls salari�s dont l’absence est de nature � affecter directement la r�alisation des vols, d’informer leur employeur, quarante-huit heures � l’avance, de leur intention de participer � la gr�ve.

M. Jean Mallot. C’est anticonstitutionnel.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Cette proposition s’inspire bien �videmment de la loi du 21 ao�t 2007 sur les transports terrestres r�guliers de voyageurs, que le candidat socialiste d�clare maintenant vouloir maintenir s’il est �lu,…

M. Jean Mallot. Alors, votez pour lui !

M. Pierre Gosnat. Pas M�lenchon !

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. …alors qu’en 2007, il parlait d’une � atteinte intol�rable au droit de gr�ve ï¿½ !

En premi�re lecture, le 24 janvier, nous avons ajout� un dispositif d’information de l’employeur par le salari� ayant d�clar� son intention de faire gr�ve ou �tant en gr�ve vingt-quatre heures avant de reprendre son travail, et ce afin de tenir compte de certains dysfonctionnements constat�s dans les transports terrestres.

Je souligne �galement que ce texte n’est pas une r�ponse � la gr�ve de d�cembre 2011, car il a �t� d�pos� auparavant. Le personnel gr�viste ne connaissait m�me pas son existence lors du mouvement.

M. Thierry Mariani, ministre. Ni la gauche !

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Sur ce texte, nous avons men� quinze heures d’audition et auditionn� vingt-huit personnes. C’est loin d’�tre n�gligeable pour un texte tr�s concis, bien plus concis que la loi de 2007 sur les transports terrestres.

Enfin, on ne peut �voquer, en l’esp�ce, l’article L. 1 du code du travail, qui pr�voit la consultation pr�alable des partenaires sociaux : il ne s’applique pas pour une proposition de loi, mais seulement pour un projet.

M. Jean Mallot. C’est bien pour cela que vous �tes pass�s par une proposition de loi : il s’agissait de contourner cette obligation !

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Il faudrait savoir. Lorsque le Gouvernement d�pose un projet, vous nous traitez de godillots, lorsque des parlementaires d�posent une proposition, vous regrettez que ce ne soit pas un projet !

M. Bernard Deflesselles. Eh oui !

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Cette proposition de loi ne limite en rien le droit de gr�ve, qui est constitutionnellement garanti. Les salari�s doivent informer leur employeur au pr�alable de leur intention de faire gr�ve afin que ce dernier puisse, � son tour, informer les passagers. Les d�clarations individuelles des salari�s sont couvertes par le secret professionnel…

M. Pierre Gosnat. C’est une plaisanterie !

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. …et les employeurs ind�licats sont passibles de sanctions pr�vues par le code p�nal.

Nous d�fendons le droit de gr�ve tout en prenant en compte d’autres principes, comme la libert� d’aller et de venir et la s�curit� publique.

Mes chers coll�gues de l’opposition, quand on vous parle de troubles � l’ordre public dans les a�roports, je vois que vous tiquez. N’avez-vous donc jamais vu les images d’a�roports bond�s o� se pressent des passagers � bout de nerfs ?

M. Thierry Mariani, ministre. Ils s’en moquent !

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Que faites-vous des personnes qui dorment � m�me le sol sans savoir si leur vol est maintenu ou annul� ?

M. Yves Nicolin. Ce sont parfois des familles enti�res avec des enfants !

M. Thierry Mariani, ministre. Ils ne sont pas humains ! (Sourires.)

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Pensez-vous aux personnels d�bord�s qui se font insulter par des passagers d�sempar�s ?

M. Bernard Deflesselles. Tout �a ne vous laisse pas insensibles, tout de m�me ?

M. Jean Mallot. Monsieur Deflesselles, vous en faites beaucoup ! L’Oscar du meilleur acteur a d�j� �t� attribu�. Cela dit, vous devriez vous en inspirer : il s’agissait d’un r�le muet !

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Puisque, pour vous, la crise n’existe pas et n’a jamais exist�, je comprends qu’il ne puisse pas y avoir non plus de troubles � l’ordre public dans les a�roports !

Le texte qui vous est soumis d�fend le droit de gr�ve. Il est fond� sur le respect d� aux salari�s, mais aussi aux passagers que nous sommes tous.

En nouvelle lecture, les sanctions dont sont passibles les salari�s ont �t� all�g�es pour pr�server les agents de bonne foi. Le dispositif de d�claration du salari� d�sireux de quitter le mouvement de gr�ve a �t� am�lior�. Cet apr�s-midi, j’ai entendu certains s�nateurs de gauche dire que la majorit� n’avait pas le monopole de l’empathie envers les passagers : sachez que l’opposition n’a pas plus celui de l’empathie envers les salari�s !

Cet apr�s-midi encore, un s�nateur de gauche avouait qu’un conflit n’avait pas le m�me impact si les passagers n’�taient plus concern�s. Vous voulez placer les passagers au centre du conflit. Nous voulons faire exactement le contraire ! Nous voulons que les passagers ne soient plus partie prenante de conflits auxquels ils sont �trangers.

M. Bernard Deflesselles. Et dont ils sont victimes !

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. J’ai la conviction profonde que ce texte est attendu par nos concitoyens. (� Oui ! ï¿½ sur les bancs du groupe NC.) Il permettra de garantir le droit de gr�ve et la continuit� de l’activit� de transport a�rien. Il permettra surtout de mieux respecter le passager. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Motion de rejet pr�alable

M. le pr�sident. J’ai re�u de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet pr�alable d�pos�e en application de l’article 91, alin�a 5, du r�glement.

La parole est � M. Daniel Goldberg.

M. Daniel Goldberg. Monsieur le pr�sident, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers coll�gues, la volont� du Gouvernement et de la majorit� de faire vite aboutit � mal r�gler des situations de conflit. Cette volont� est rest�e enti�re : co�te que co�te, il fallait avancer le plus rapidement possible, sans doute dans le dessein �lectoral de flatter une certaine partie de l’opinion. Finalement, un peu comme l’a dit �ric Diard, vous continuez d’opposer les salari�s et les passagers alors que, de notre point de vue, il faut faire tout le contraire. Nous voulons pouvoir combiner les int�r�ts l�gitimes des uns et des autres.

M. Jean Mallot. �videmment !

M. Daniel Goldberg. Pis encore, vous avez cr�� le conflit avec votre proposition de loi. Le mouvement d�clench� au d�but du mois de f�vrier a eu une certaine ampleur. Il a surtout concern� l’ensemble des professions du secteur a�rien qui se sont mobilis�es.

M. Thierry Mariani, ministre. Il n’y avait que les pilotes !

M. Daniel Goldberg. Vous avez m�me r�ussi � cr�er le � devoir de gr�ve ï¿½. Je dois avouer que le concept nous avait �chapp� lors de la premi�re lecture de la proposition de loi. Vous imposez au salari� de rester en gr�ve vingt-quatre heures apr�s qu’il a fait part de sa volont� de ne plus l’�tre. Ce � devoir de gr�ve ï¿½ n’existait m�me pas dans les r�gimes que vous vilipendez habituellement : vous faites tr�s fort !

M. Thierry Mariani, ministre. C’est notre c�t� social ! (Sourires.)

M. Yves Nicolin. Vous auriez d� passer deux mois dans le d�partement de la Loire. Vous auriez compris ce dont nous parlons !

M. Daniel Goldberg. Votre m�connaissance de la r�alit� du monde de l’a�rien nous stup�fie. Elle d�passe tout ce que nous pouvions imaginer.

Vous voulez d�calquer en mati�re de transport a�rien la loi du 21 ao�t 2007 sur le transport terrestre, mais nous avons d�j� �num�r� un certain nombre d’�cueils car il existe de nombreuses diff�rences entre les deux secteurs.

Dans l’a�rien, il n’y a pas de mission de service public. Alors qu’il n’existe pas de pr�avis syndical collectif, vous cr�ez un pr�avis individuel. L’a�rien est un secteur concurrentiel qui compte 120 000 salari�s, dont certains sont totalement pr�caris�s, et pr�s de 1 000 entreprises. Cela n’a rien � voir avec un secteur dans lequel �voluent deux entreprises publiques habitu�es au dialogue social. L’a�rien ce sont des personnels et des entreprises diversifi�s ainsi que de multiples cha�nes de sous-traitance.

Ce n’est pas moi, mais notre coll�gue Christian Blanc, fin connaisseur de la RATP et d’Air France, qui disait, le 24 janvier dernier, � cette tribune : � Je pense, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que ce texte ne r�gle en rien les probl�mes qui peuvent se poser et que vous voulez combattre. ï¿½

M. Thierry Mariani, ministre. Depuis, la proposition de loi a �t� am�lior�e !

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Vous n’avez m�me pas lu le texte dont vous parlez !

M. Daniel Goldberg. Des motifs constitutionnels justifient l’adoption de cette motion. J’en citerai quelques-uns.

Le l�gislateur peut limiter le droit de gr�ve en conciliant d’une part les int�r�ts professionnels, ceux des salari�s, et, de l’autre, l’int�r�t g�n�ral, repr�sent�, sans doute, par celui des passagers.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Pas � sans doute ï¿½ : c’est certain !

M. Daniel Goldberg. Pour notre part, nous d�fendons le droit de gr�ve. J’ai cru comprendre que le ministre, le rapporteur et l’ensemble des parlementaires le d�fendaient �galement. Il s’agit d’un droit de valeur constitutionnelle. Mais nous, nous allons plus loin : nous consid�rons qu’une gr�ve dans une entreprise est un �chec d� � une d�faillance du dialogue social.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Bien s�r !

M. Daniel Goldberg. Je ne connais aucun salari� heureux de perdre une journ�e de salaire pour exprimer ses revendications.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Personne n’est heureux : ni les salari�s, ni les voyageurs, ni les compagnies !

M. Daniel Goldberg. La Constitution nous donne mandat de permettre l’exercice du droit de gr�ve dans le cadre des lois qui le r�glementent, � condition toutefois que ce droit puisse s’exercer de fa�on suffisamment large. En effet, si une loi porte atteinte au droit de gr�ve, les restrictions en question doivent �tre justifi�es et �tre le plus mesur�es possible en fonction de l’objectif fix�.

En l’esp�ce, contrairement � l’argument que vous avez mis en avant, il n’y a aucun objectif � valeur constitutionnelle dont la sauvegarde justifierait les mesures propos�es.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Ah bon ?

M. Daniel Goldberg. Il s’agit l� de la premi�re des raisons pour lesquelles vous devez adopter la motion de rejet pr�alable.

L’argument de la continuit� du service, qui �tait utilis� dans l’expos� des motifs de la proposition de loi, a heureusement �t� abandonn� : il vaut pour les services publics, pas pour le transport a�rien.

La s�curit� des personnes et des biens n’est pas un objectif ayant valeur constitutionnelle. De plus, en mati�re de transport a�rien, il n’y a aucun danger particulier, comme il peut en exister pour d’autres activit�s �conomiques.

Les motifs d’ordre public ne sont pas des motifs � valeur constitutionnelle av�r�e. Quant � la libert� du commerce et de l’industrie qui a �t� invoqu�e en commission, elle a une valeur de constitutionnalit� douteuse. Elle est d’ailleurs loin de ne concerner que le seul secteur du transport a�rien. Un tel argument laisserait entendre que vous voulez �tendre la limitation du droit de gr�ve � d’autres secteurs concurrentiels du secteur priv�.

Donc, pas d’objectif � valeur constitutionnelle � sauvegarder.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Et la libert� d’aller et venir ?

M. Daniel Goldberg. Le deuxi�me motif qui doit vous pousser � adopter la motion de rejet pr�alable tient � la forte remise en cause du droit de gr�ve par ce texte. Il porte atteinte � un droit de valeur constitutionnelle.

Aucun des risques mis en avant n’est propre aux mouvements sociaux, y compris, si l’on allait dans votre sens, ceux li�s � l’ordre public ou � la s�curit� des personnes et des biens. Le transport a�rien peut �tre bloqu� tout � fait ind�pendamment des mouvements sociaux. M. le ministre se souvient de ce qui s’est pass� l’hiver dernier lorsque tout a �t� bloqu�. Les risques n’�tant pas propres � l’exercice du droit de gr�ve, ce dernier ne doit pas �tre r�glement� de ce seul fait.

Par ailleurs, vous vous opposez au droit de ne plus faire gr�ve. Vous emp�chez le salari� de travailler s’il veut quitter le mouvement social.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Non !

M. Daniel Goldberg. Ce n’est pas acceptable.

Le droit � l’information des passagers que vous avez mis en avant n’est pas constitutionnel. Dans votre texte, vous renvoyez � la seule responsabilit� des salari�s, jamais � celle des entreprises du secteur. Cela non plus n’est pas acceptable.

Une troisi�me raison de voter cette motion est li�e � la question suivante : � qui la proposition de loi s’applique-t-elle ?

La r�ponse a chang� � plusieurs reprises. Une premi�re version a consist� � dire que le texte ne s’appliquait � personne, ou � tout le monde, ce qui revient au m�me. Dans une seconde version, la r�ponse semblait �tre apport�e par un renvoi � l’article R 216-1 du code de l’aviation civile. Aujourd’hui, sont concern�s � les salari�s dont l’absence est de nature � affecter directement la r�alisation des vols ï¿½. Mais quels sont les salari�s en question ?

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Avez-vous lu la proposition de loi ?

M. Daniel Goldberg. Qui d�cidera quels seront les salari�s concern�s ? J’ai bien lu le texte qui nous est soumis : la question se pose. Mais, en fait, nous le savons parfaitement : ce seront les employeurs. L’employeur de chaque entreprise d�cidera si tel ou tel salari� pilote ou li� � l’escale concourt directement � la r�alisation des vols.

J’ajoute que l’on oublie trop facilement la dimension internationale de cette affaire qui n’est pas sans poser un certain nombre de questions.

Pour toutes ces raisons, voter la motion de rejet pr�alable semble �tre une n�cessit�.

M. Jean Mallot. C’est une n�cessit� !

M. Daniel Goldberg. Par ailleurs, le protocole du 16 f�vrier 2010, que nous avons tous vot� et qui oblige � la consultation pr�alable des partenaires sociaux, n’a pas �t� respect�. La commission des affaires sociales de notre assembl�e n’a pas �t� saisie de ce texte, et elle ne s’en est pas saisie elle-m�me.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. C’est son droit !

M. Daniel Goldberg. Le d�p�t d’une proposition de loi a permis de contourner l’obligation de recueillir l’avis du Conseil d’�tat.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. C’est comme cela, je n’y peux rien !

M. Daniel Goldberg. Il n’y a pas eu de dialogue social pr�ventif avant le d�p�t du texte. Et bien s�r, il n’y a pas eu d’�tude d’impact,…

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. C’est normal !

M. Jean Mallot. Ils avaient peur des r�sultats !

M. Daniel Goldberg. …qui n’est une obligation que pour les projets de loi. L� encore, c’est pour la contourner que vous avez d�cid� de passer par une proposition de loi.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Je suis parlementaire : je ne peux pas d�poser de projet de loi ! Je suis d�sol� !

M. Daniel Goldberg. Cela fait tout de m�me beaucoup d’�cueils pour le dialogue social quand on pr�tend vouloir faire de la pr�vention des conflits le centre de la proposition de loi.

Malgr� le rejet de S�nat, vous avez voulu avancer co�te que co�te pour faire passer une loi inapplicable.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Les s�nateurs n’ont m�me pas examin� le texte !

M. Daniel Goldberg. Parfois, la chance n’est pas de votre c�t� : � l’�poque de la sarkozye flamboyante, quand vous marchiez sur les flaques d’eau, cela vous donnait des airs de Mo�se. Aujourd’hui, cela vous donne des allures de Boudu, que l’on n’a m�me pas envie de sauver des eaux. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Yves Nicolin. Ce n’est pas Mo�se qui marchait sur l’eau !

M. Daniel Goldberg. Hier, un accord entre Air France et le syndicat des pilotes de ligne vient de mettre � bas votre texte.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Cela ne change rien !

M. Daniel Goldberg. Cela change tout, au contraire. Cela cr�e deux sortes de salari�s de l’a�rien : ceux dont le planning ne pourra pas �tre modifi� et ceux dont le planning pourra l’�tre.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. C’�tait d�j� le cas depuis 2009 !

M. Daniel Goldberg. Peut-�tre, mais, dans ce d�bat, cela change tout ! Cela cr�e deux cat�gories de salari�s pour l’application de votre texte, ce qui est, � notre sens, totalement anticonstitutionnel.

Chers coll�gues, renoncez � votre texte ! Votez notre motion de rejet ! Laissez le dialogue social s’installer et aboutir !

M. Philippe Meunier. Vous �tes le parti de l’immobilisme !

M. Daniel Goldberg. Nous vous soutiendrons si vous allez dans ce sens et, je peux m�me vous dire mieux que cela : � partir du 7 mai, nous, nous le ferons ! (Vives exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Philippe Meunier. Attendez le vote des Fran�ais !

M. le pr�sident. Dans les explications de vote sur la motion de rejet pr�alable, la parole est � M. Charles de Courson, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Charles de Courson. Il semble que nos coll�gues de l’opposition ne connaissent pas la Constitution fran�aise.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Ni la modestie !

M. Charles de Courson. Elle garantit le droit de gr�ve � dans le cadre des lois qui le r�glementent ï¿½.

Le droit de gr�ve est un droit constitutionnel, qui doit �tre articul� avec d’autres droits constitutionnels comme la libert� d’aller et venir, la libert� du travail et d’autres droits publics reconnus.

L’attitude constante de nos coll�gues de gauche, qui ont toujours refus� tout encadrement du droit de gr�ve, est absolument excessive. Le texte que l’on nous propose n’a rien � voir avec un service minimum : il s’agit de mettre en place un service garanti qui permettra de savoir quels avions vont d�coller ou atterrir. Vous parlez d’une affaire !

C’est donc sans aucune h�sitation que je vous invite � repousser cette motion. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

M. le pr�sident. La parole est � M. Jean-Paul Chanteguet, pour le groupe SRC.

M. Jean-Paul Chanteguet. Nous estimons que ce texte porte atteinte au droit constitutionnel qu’est le droit de gr�ve, car il n’y a pas d’objectif de valeur constitutionnelle � sauvegarder, qu’il s’agisse de la continuit� du service, de la s�curit�, de l’ordre public ou de la libert� du commerce.

Les raisons qui devraient vous conduire � voter cette motion de rejet pr�alable sont nombreuses ; j’en rappellerai quelques-unes. Tout d’abord, ce texte prend la forme d’une proposition de loi du groupe UMP, afin de permettre au Gouvernement de se soustraire aux obligations qui lui incombent lorsqu’il d�pose un projet de loi.

M. Yves Nicolin. C’est le r�glement !

M. Jean-Paul Chanteguet. Ensuite, ainsi que Daniel Goldberg l’a dit il y a quelques instants, cette proposition de loi, qui concerne pourtant le droit de gr�ve, n’a fait l’objet d’aucune concertation avec les partenaires sociaux. En outre, le Conseil d’�tat n’a pas rendu d’avis, en d�pit de s�rieux doutes quant � la constitutionnalit� du texte, et aucune �tude d’impact n’a �t� r�alis�e. Enfin, la commission des affaires sociales ne s’est pas saisie du texte,…

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. C’est son droit !

M. Jean-Paul Chanteguet. …ce qui n’a pas manqu� de nous surprendre, d�s lors qu’il relevait de son domaine de comp�tences.

Pour ces raisons et bien d’autres encore, qui ont d�j� �t� �voqu�es, le groupe SRC votera la motion de rejet pr�alable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le pr�sident. La parole est � M. Pierre Gosnat, pour le groupe GDR.

M. Pierre Gosnat. Les �lus communistes et du Parti de gauche voteront bien entendu la motion de rejet pr�alable.

Monsieur de Courson, vous opposez toujours des objections au droit de gr�ve : le droit de circuler, le droit de produire, le droit de ceci ou de cela. Mais, si l’on additionne ces diff�rentes objections, on aboutit � une situation dans laquelle le droit de gr�ve n’existe plus.

Mme Fran�oise Hostalier. Mais si. Le droit de gr�ve, c’est le droit de ne pas travailler, ce n’est pas le droit d’emp�cher les autres de circuler !

M. Bernard Deflesselles. Vous, vous �tes pour le devoir de gr�ve !

M. Pierre Gosnat. La question fondamentale qui nous est pos�e est donc bien celle de garantir constitutionnellement le droit de gr�ve � tous les salari�s.

Mme Fran�oise Hostalier. Ils l’ont !

M. Pierre Gosnat. Arr�tez donc de multiplier les objections ï¿½ l’exercice de ce droit ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le pr�sident. La parole est � M. Yves Nicolin, pour le groupe UMP.

M. Jean Mallot. Ah, �a va �tre subtil !

M. Yves Nicolin. Votre remarque est particuli�rement basse, monsieur Mallot. Mais ce n’est pas grave.

� une semaine de la suspension des travaux de l’Assembl�e, l’opposition tente, une fois de plus, de retarder l’adoption de textes utiles � nos concitoyens par des motions de proc�dure et autres subterfuges dilatoires. Mais la d�termination de la majorit� est totale : nous voterons cette proposition de loi.

Voulons-nous mettre en p�ril le droit de gr�ve dans notre pays ? Non.

M. Pierre Gosnat. Bien s�r que si !

M. Yves Nicolin. Chers coll�gues de l’opposition, une fois que cette proposition de loi sera vot�e, vous ne manquerez pas de saisir le Conseil constitutionnel. Une fois de plus, celui-ci rejettera vos griefs et vous serez bien oblig�s de constater qu’elle ne remet absolument pas en cause le droit de gr�ve dans notre pays.

Dans quelques mois, beaucoup de nos compatriotes souhaiteront, apr�s avoir beaucoup travaill�, profiter de leurs cong�s pay�s, qui sont un acquis de 1936. Ils ont le droit de partir en vacances. Or, pour cela, ils ont le droit d’utiliser des transports, qu’ils soient publics ou priv�s. Nos compatriotes ont, certes, le droit de faire gr�ve, mais ils ont aussi et surtout le droit d’�tre inform�s des cons�quences de ces gr�ves et de b�n�ficier d’un service minimum qui leur permettra de rejoindre leur famille et de passer quelques moments heureux avec leurs proches. Vous, vous leur d�niez ce droit. Nous, nous souhaitons concilier le droit de gr�ve avec la libert� de circulation, qui permet de partir en vacances, mais aussi de travailler. Car beaucoup de gens qui contribuent � la croissance du PIB de la France prennent les transports en commun. Nos transports publics doivent donc pouvoir fonctionner.

Cette proposition de loi doit �tre d�battue. C’est pourquoi le groupe UMP ne votera pas cette motion de rejet pr�alable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

(La motion de rejet pr�alable, mise aux voix, n’est pas adopt�e.)

Discussion g�n�rale

M. le pr�sident. Dans la discussion g�n�rale, la parole est � M. Charles de Courson, premier orateur inscrit.

M. Charles de Courson. Monsieur le pr�sident, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers coll�gues, j’entends dire, �a et l�, que la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui en lecture d�finitive devrait �tre enterr�e du fait de la signature d’un accord entre la direction d’Air France et le Syndicat national des pilotes de ligne. Il n’en est rien !

Tout d’abord, le texte de l’accord stipule qu’une fois fix�, le planning des pilotes restera stable. La direction ne pourra pas obliger un pilote ayant vol� tout derni�rement � reprendre du service. Quoi de plus naturel ? C’est une mesure de bon sens pour la s�curit� des vols et des passagers. Seuls les pilotes volontaires pourront se voir affecter de nouveaux programmes de vol alors qu’une gr�ve est annonc�e. R�affecter contre leur gr� ces professionnels ne saurait garantir la s�curit� n�cessaire au transport a�rien. D’o� l’accord sign� par la direction d’Air France, qui a bien conscience de ces enjeux.

Par ailleurs, le texte est loin d’�tre mort, car le compromis sign� entre la direction et les pilotes d’Air France prend acte de la volont� du Parlement et du Gouvernement d’assurer une meilleure information des passagers. Les gr�vistes devront ainsi, sous peine de sanction, se d�clarer quarante-huit heures � l’avance. L’objectif poursuivi par la proposition de loi est bien celui-l�. Les compagnies a�riennes pourront communiquer les pr�visions de trafic suffisamment t�t et mobiliser les personnels non gr�vistes et/ou volontaires afin d’assurer un service garanti.

Toute pol�mique est donc � proscrire en ce qui concerne l’organisation interne de cette compagnie, dans la mesure o� l’accord conclu entre la direction et les syndicats ne porte pas d’atteinte grave aux b�n�fices que nos concitoyens retireront de cette excellente proposition de loi.

Le groupe Nouveau Centre a soutenu cette excellente proposition de loi depuis son d�p�t et il s’associera � son adoption. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

M. le pr�sident. La parole est � M. Pierre Gosnat.

M. Pierre Gosnat. Mes chers coll�gues, l’agenda d�lirant de cette fin de mandature nous oblige � nous prononcer � nouveau sur cette proposition de loi quelques jours seulement apr�s son adoption en nouvelle lecture. C’est un coup de force. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Vous vous en doutez, les d�put�s communistes, r�publicains et du Parti de gauche n’ont pas chang� d’avis : ils sont r�solument oppos�s � cette proposition de loi de casse du droit de gr�ve. Du reste, mardi dernier, mes coll�gues et camarades Roland Muzeau et Andr� Chassaigne �taient avec les salari�s et le front syndical, tout pr�s de l’h�micycle, pour dire ensemble notre refus d’une telle r�forme. Il faudrait peut-�tre que vous l’entendiez !

Je voudrais, tout d’abord, revenir sur le calendrier absurde de cette navette parlementaire. Le texte dont nous d�battons a �t� examin� il y a quelques heures seulement au S�nat : ce n’est plus une navette, c’est un supersonique !

M. Philippe Meunier. Dans le domaine a�rien, cela n’a rien d’�tonnant !

M. Thierry Mariani, ministre. C’est le minist�re des transports, que voulez-vous !

M. Pierre Gosnat. Si je me f�licite du vote des s�natrices et des s�nateurs, je d�plore votre pr�cipitation, qui est d’autant plus absurde qu’entre-temps, un accord – certes, loin d’�tre exemplaire – sign� par les pilotes et la direction d’Air France est venu en quelque sorte remettre en cause l’utilit� de ce texte.

M. Thierry Mariani, ministre. Ce n’est pas vrai !

M. Yves Nicolin. Air France n’est pas la seule compagnie concern�e par le texte !

M. Pierre Gosnat. D�s lors, comment justifier votre pr�cipitation, si ce n’est par une sorte d’acharnement � faire passer un texte �lectoraliste, dont l’objectif est d’opposer les passagers des transports a�riens aux salari�s de ce secteur. La division, toujours la division : c’est votre fonds de commerce !

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. C’est le v�tre !

M. Pierre Gosnat. En faisant croire que les dysfonctionnements de l’a�rien sont le fait des gr�ves, vous cherchez � escamoter la cause premi�re des retards, des blocages, de la d�sorganisation et du manque d’information : la lib�ralisation du transport a�rien. En effet, le d�mant�lement des op�rateurs publics – rappelons-nous d’Air France et d’Air Inter – et la ru�e d’une multitude d’acteurs sur ce nouveau march� au titre de la r�gle de la concurrence dite libre et non fauss�e ont abouti � la cr�ation d’une v�ritable jungle. Les entreprises de ce secteur pr�carisent, licencient, sous-traitent, d�gradent les conditions de travail, acc�l�rent les rotations, d�localisent les contrats de travail et la maintenance des appareils, augmentent le temps de travail et sabrent dans les proc�dures de s�curit�. La qualit� du service en p�tit grandement, et vous en �tes d’ailleurs souvent les t�moins.

Ainsi, tout r�cemment, la compagnie fran�aise Air M�diterran�e a cr�� une filiale grecque et immatricul� ses appareils en Gr�ce. Les contrats de travail concern�s sont align�s sur le droit du travail grec, de sorte que l’entreprise profite de la diminution des cotisations et des salaires, qui sont divis�s par deux. Qu’avez-vous fait pour vous y opposer ? Quant � nous, nous nous insurgeons contre ces pratiques qui, de toute �vidence, deviennent la r�gle et sont �tendues aux dizaines de milliers de salari�s fran�ais du secteur a�rien.

Ce sont ces pratiques indignes qui cr�ent les dysfonctionnements que vous faites mine de d�plorer.

N’est-il pas temps de se poser les vraies questions ? Quand ferez-vous le bilan des politiques ultralib�rales men�es depuis trente ans ?

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Nous nous �loignons du sujet !

M. Pierre Gosnat. Quand rendra-t-on obligatoire un audit sur les privatisations, les ouvertures de capital et les filialisations ? Quel est le bilan du tout lib�ral, qui consiste dans la destruction syst�matique du service public ? Ce dogme a du plomb dans l’aile, comme le montre la crise actuelle. Pourtant, vous vous acharnez, et ce d�bat en est une nouvelle preuve.

Puisque nous sommes convoqu�s pour la deuxi�me fois en une semaine afin d’examiner cette proposition de loi absurde, j’exige, au nom de notre groupe et, plus g�n�ralement, du Front de gauche, que le Conseil constitutionnel soit saisi.

La semaine derni�re, mon coll�gue Andr� Chassaigne a �voqu� les multiples aberrations que comporte ce texte, qu’il s’agisse de sa d�marche r�actionnaire (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) – oui, r�actionnaire, puisqu’il marque un retour en arri�re – ou de son contenu technique. Pour ma part, j’insisterai sur le caract�re manifestement anticonstitutionnel de votre attaque contre le droit de gr�ve dans l’a�rien. En effet, chacun le sait, ce droit a valeur constitutionnelle. Pour le supprimer – puisque tel est votre objectif –, il vous faut donc vous fonder sur d’autres principes de m�me valeur. C’est ainsi que vous avez apport� des limitations au droit de gr�ve lorsqu’un service public est concern� ; il s’agissait d’une premi�re entaille. Or, elle est de nature � �tablir l’inconstitutionnalit� du pr�sent texte, puisque les entreprises du secteur des transports a�riens sont des entreprises priv�es qui ne sont pas charg�es de missions de service public.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Vous n’avez pas lu le texte !

M. Pierre Gosnat. Seule peut �tre invoqu�e l’exception des dessertes de la Corse, mais elle ne saurait justifier un bridage g�n�ralis� du droit de gr�ve en France.

Vous invoquez �galement la s�curit� des personnes et des biens. Mais, comme le remarquent MM. ï¿½ric Millard et Antoine Lyon-Caen, professeurs de droit � l’universit� de Paris-ouest, cette obligation n’a de valeur constitutionnelle que si les activit�s concern�es pr�sentent des dangers particuliers, comme c’est le cas de la production d’�nergie nucl�aire. Cet argument n’est donc pas valable pour le transport a�rien, dont les activit�s ne pr�sentent pas un tel danger.

Enfin, l’expos� des motifs de votre proposition de loi pr�tend justifier la suppression du droit de gr�ve par le fait qu’un mouvement social constituerait un � trouble � l’ordre public ï¿½. Tout est dit : pour vous, la gr�ve n’est pas un moyen de d�fense des droits des salari�s, c’est un d�sordre qu’il faut combattre. Pourquoi ? Parce que la gr�ve et les mouvements sociaux vous font peur : les rassemblements de travailleurs, l’action collective et la contestation d’un syst�me que vous servez quotidiennement vous sont insupportables !

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. C’est votre discours d�pass� qui est insupportable !

M. Pierre Gosnat. Prenons l’exemple de la mobilisation de la semaine du 6 f�vrier contre cette proposition de loi. A-t-elle troubl� l’ordre public, monsieur le ministre ? Non. Je cite � nouveau les repr�sentants de la doctrine juridique que j’ai mentionn�s : � L’utilisation d’un mot ne suffit pas � �tablir un objectif de valeur constitutionnelle ï¿½.

Ainsi, votre charge contre le droit de gr�ve n’est tout simplement pas fond�e en droit. C’est la raison pour laquelle il nous semble particuli�rement indispensable de saisir le Conseil constitutionnel.

Ce qui rendra impossible l’exercice du droit de gr�ve, c’est bien s�r le dispositif d’auto-d�claration de participation au mouvement quarante-huit heures � l’avance.

Le Syndicat national des pilotes de ligne note, � juste titre, qu’il s’agit l� de cr�er un pr�avis individuel, alors m�me que la loi n’impose pas de pr�avis collectif.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. �a a chang� !

M. Pierre Gosnat. D’autre part, avec la pression qui existe aujourd’hui sur les salari�s, les multiples plans sociaux, le nombre de personnels en CDD, selon le SNPL, � un salari� d�sireux de conserver son emploi n’aurait d’autre alternative que de ne pas faire gr�ve ï¿½. Vous le savez tr�s bien, et c’est la raison pour laquelle vous pr�sentez cette loi !

Alors qu’aujourd’hui, en p�riode de crise et d’explosion du ch�mage, se priver de journ�es de salaire en participant � un conflit social est d�j� un acte de courage, il deviendra bient�t impossible de le faire sans risquer de perdre son emploi ! Pourtant, les salari�s qui participent � ces mobilisations n’ont d’autre objectif que de d�fendre leurs droits, leurs emplois, leurs conditions de travail – particuli�rement malmen�es dans le domaine du transport a�rien. Plus g�n�ralement, c’est un outil de travail, une part de la richesse productive de la nation qu’ils veulent pr�server.

Le front syndical est totalement uni face � votre initiative. Les salari�s sont vent debout contre cette r�forme…

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. �a ne s’est pas tellement vu ! Ils ont oubli� de m’�crire !

M. Pierre Gosnat. …qui signifie, pour eux, la fin de leur pouvoir de revendication. Dans votre obsession antisociale, vous les maltraitez � coup de lois r�trogrades ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. C’est votre discours qui est r�trograde !

M. Pierre Gosnat. Sachez que nous, communistes, resterons toujours � leur c�t� sur le front des luttes pour l’emploi, les salaires et les droits. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Meunier. Il n’y a plus de communistes ! Vous ne le saviez pas ?

M. Pierre Gosnat. C’est la raison pour laquelle, une fois de plus, nous voterons r�solument contre ce texte. Nous d�fendons, pour notre part, une nouvelle constitution pour une VIe R�publique (� Ah ! ï¿½ sur les bancs du groupe UMP)...

M. Thierry Mariani, ministre. Voyez-vous �a !

M. Pierre Gosnat. Permettez que dans cette assembl�e, on parle de r�publique, mes chers coll�gues !

M. Philippe Meunier. Celle des soviets ?

M. Pierre Gosnat. Une VIe R�publique, disais-je, dans laquelle le droit de gr�ve serait inattaquable.

C’est pour promouvoir ce projet que le Front de gauche organise, le 18 mars, une grande marche � Paris jusqu’� la Place de la Bastille – � laquelle je vous invite, mes chers coll�gues de droite !

M. Yves Nicolin. Non merci ! Nous aurons mieux � faire !

M. Philippe Meunier. Il y en a qui travaillent, monsieur !

M. Pierre Gosnat. J’appelle l’ensemble de nos concitoyens � nous y rejoindre, avec notre candidat Jean-Luc M�lenchon !

M. Charles de Courson. Et le droit de gr�ve dans les r�gimes communistes, qu’est-ce que vous avez fait pour le d�fendre ?

M. Jean Mallot. Allons, mon cher coll�gue, n’en faites pas trop !

M. le pr�sident. La parole est � M. Yves Nicolin.

M. Yves Nicolin. Monsieur le pr�sident, monsieur le ministre, mes chers coll�gues, nous examinons aujourd’hui en derni�re lecture la proposition de loi relative � l’organisation du service et � l’information des passagers et � diverses dispositions dans le domaine des transports.

Je me r�jouis que nous puissions enfin voir l’aboutissement de ce texte. � l’issue de son rejet par le S�nat en deuxi�me lecture, il revient en effet � l’Assembl�e nationale de statuer d�finitivement sur ce texte majeur d�pos� par notre coll�ge �ric Diard, qui doit permettre aux passagers de circuler librement, tout en respectant le droit de gr�ve.

Au terme de son examen par le Parlement, permettez-moi de revenir bri�vement sur le contexte qui a pr�sid� � cette proposition de loi, ainsi que sur les modifications utiles et opportunes qui ont �t� apport�es � ce texte, tant en commission du d�veloppement durable qu’en s�ance publique.

Comme vous le savez, le secteur du transport a�rien de passagers est aujourd’hui marqu� par une conflictualit� assez forte. On d�nombre ainsi 176 jours de gr�ve dans ce secteur au cours des trois derni�res ann�es – nous avons d’ailleurs encore en m�moire plusieurs gr�ves r�centes. Or, ces gr�ves peuvent entra�ner des troubles � l’ordre public lorsque de nombreux passagers sont en attente, mais aussi provoquer des risques importants en mati�re d’exercice des missions de service public li�es � l’activit� portuaire. Enfin, la libert� d’aller et venir des passagers peut �tre mise en cause, ainsi que la libert� du commerce.

Aussi, la pr�sente proposition de loi vise � concilier le principe constitutionnel du droit de gr�ve avec la s�curit� publique, la continuit� du service et la libre circulation des personnes. Au terme de son examen par le Parlement, je tenais � saluer la r�daction �quilibr�e de ce texte, qui a b�n�fici�, � l’Assembl�e nationale, d’ajouts et de pr�cisions particuli�rement utiles – on ne peut pas en dire autant du S�nat.

La proposition de loi repose sur trois piliers essentiels permettant de renforcer l’organisation du service et l’information des passagers. Le premier axe de cette proposition de loi est l’instauration, pour les entreprises concourant directement � l’activit� de transport a�rien de passagers, d’un dispositif de dialogue social pr�ventif � l’exercice du droit de gr�ve.

L’employeur et les organisations syndicales repr�sentatives pourront donc engager des n�gociations en vue de la signature d’un accord-cadre organisant une proc�dure de pr�vention des conflits et tendant � d�velopper le dialogue social. Compte tenu du fait que le transport a�rien n’est pas tenu d’exercer une mission de service public, il s’agit l� d’un encouragement, et non d’une obligation semblable � celle existant dans le transport terrestre de voyageurs. En application de cet accord, l’exercice du droit de gr�ve ne pourra intervenir qu’apr�s une n�gociation pr�alable entre l’employeur et les organisations syndicales repr�sentatives envisageant de recourir au droit de gr�ve.

Le second axe de ce texte, c’est l’obligation de d�claration individuelle de participation au mouvement de gr�ve, faite quarante-huit heures � l’avance, pour le salari� dont l’absence affecte directement la r�alisation des vols. Cette d�claration permettra aux entreprises de conna�tre � l’avance l’�tat des effectifs et aux passagers de savoir si leur vol est assur� ou non la veille de leur d�part. Le non-respect r�p�t� de cette obligation pourra faire l’objet, sous le contr�le du juge, d’une �ventuelle sanction disciplinaire. Ce d�lai de pr�venance individuelle appara�t donc tout � fait �quilibr�.

Par ailleurs, notre assembl�e a souhait� introduire un d�lai de reprise de vingt-quatre heures qui semble particuli�rement bienvenu. Le salari� qui a d�clar� son intention de participer � la gr�ve et qui renonce � y participer, ou qui d�cide de reprendre son service, devra informer son employeur au plus tard vingt-quatre heures avant l’heure pr�vue de sa participation � la gr�ve ou de sa reprise, afin que l’employeur puisse l’affecter. Cette disposition, applicable dans le transport a�rien, le sera �galement, � mon initiative, dans les transports terrestres de voyageurs.

Dans le d�partement de la Loire, durant 75 jours d’affil�e, quelques dizaines de salari�s de la SNCF se sont d�clar�s gr�vistes quarante-huit heures � l’avance, comme le voulait la loi, avant de venir prendre leur service le matin, sans pr�venir qu’ils renon�aient � faire gr�ve. Personne ne pouvait remettre les trains en marche, mais ces personnes �taient pay�es, n’�tant plus en gr�ve ! Cette gr�ve perl�e a d�sorganis� l’ensemble des travailleurs du d�partement pendant 75 jours, avec, pour certaines des personnes concern�es, des cons�quences graves pouvant aller jusqu’au licenciement – plusieurs exemples nous en ont �t� rapport�s. C’est � cette pratique que nous avons voulu mettre fin avec le d�lai de reprise de vingt-quatre heures.

M. Jean Mallot. C’est une faille de la loi de 2007. Nous vous l’avions dit � l’�poque.

M. Yves Nicolin. Comme nous l’avons pr�cis� � l’initiative du rapporteur, cette information ne sera pas requise lorsque la gr�ve n’a pas lieu ou lorsque la reprise de service est cons�cutive � la fin de la gr�ve.

Je tenais �galement � souligner que nous avons souhait� introduire la possibilit� pour les parties au conflit de d�signer un m�diateur, afin de favoriser le r�glement amiable de leurs diff�rends. Nous avons �galement pr�vu qu’au-del� de huit jours de gr�ve, l’employeur, une organisation syndicale repr�sentative ou le m�diateur puisse d�cider de l’organisation par l’entreprise d’une consultation ouverte aux salari�s concern�s par les motifs de la gr�ve et portant sur la poursuite de celle-ci.

Enfin, le dernier axe de cette proposition de loi repose sur le droit de tout passager de disposer d’une information gratuite, pr�cise et fiable sur l’activit� assur�e. Les entreprises de transport a�rien devront d�livrer cette information vingt-quatre heures avant le d�but de la perturbation, afin que les passagers puissent s’organiser.

Pour l’ensemble de ces raisons, mes chers coll�gues, le groupe UMP votera avec conviction cette proposition de loi qui constitue une r�elle avanc�e. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Thierry Mariani, ministre. Tr�s bien !

M. le pr�sident. La parole est � M. Jean Mallot.

M. Thierry Mariani, ministre. �a, c’est moins bien !

M. Jean Mallot. Monsieur le pr�sident, monsieur le ministre – vous noterez que je vous salue en d�pit de votre remarque d�sobligeante –, mes chers coll�gues, la proposition de loi gr�ce � laquelle notre coll�gue �ric Diard compte bien entrer dans l’histoire (Rires et exclamations)

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Au minimum !

M. Thierry Mariani, ministre. C’est d�j� fait !

M. Jean Mallot. …poursuit, ce soir, son parcours chaotique.

Certes, la formule � lecture d�finitive ï¿½ figurant � l’ordre du jour de notre assembl�e peut donner � penser que ce parcours s’ach�ve, mais il n’en est rien. Si ce texte est adopt�, il devra �tre examin� par le Conseil constitutionnel, ce qui aboutira certainement, selon nous, � un d�saveu.

M. Yves Nicolin. C’est un pur fantasme !

M. Jean Mallot. Quand bien m�me une partie de ce texte survivrait au crible du juge constitutionnel, tout ce qui appara�t, jour apr�s jour, sur la v�ritable nature du dispositif et les professions et activit�s qu’il est cens� concerner montre que son application poserait plus de probl�mes qu’elle n’en r�soudrait.

Le 23 novembre 2011, �ric Diard, d�put�, fait innocemment enregistrer � la pr�sidence de l’Assembl�e une proposition de loi � visant � assurer la sauvegarde de l’ordre public et la continuit� du service dans les a�roports ï¿½.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. C’�tait le 22 novembre, mais peu importe !

M. Jean Mallot. Cette proposition de loi se fixe pour objectif � d’assurer aux passagers une information pr�cise et fiable sur l’�tat du trafic de la compagnie a�rienne concern�e par l’exercice du droit de gr�ve ï¿½. Elle pr�tend pour cela instaurer un dispositif de dialogue social pr�ventif, compl�t� par une obligation de d�claration individuelle confidentielle de participation � la gr�ve quarante-huit heures � l’avance. Elle affirme qu’une information des passagers vingt-quatre heures � l’avance sur l’�tat du trafic � garantira leur s�curit� ï¿½ – on se demande ce que la notion de s�curit� vient faire l�-dedans, mais passons.

Je note que la proposition de loi initiale ne fait pas r�f�rence � la loi du 21 ao�t 2007 sur le dialogue social et la continuit� du service public dans les transports terrestres r�guliers de voyageurs, dont elle d�calque pourtant le dispositif – comme si l’auteur du texte avait d�j� conscience que ce glissement lui faisait franchir la fronti�re de l’anticonstitutionnalit�.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Quelle interpr�tation !

M. Jean Mallot. Notre coll�gue �tait-il alors convaincu que sa proposition de loi, simple texte d’affichage, avait vraiment vocation � se trouver inscrite � l’ordre du jour et discut�e dans l’h�micycle ? Je n’en suis pas s�r.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Je n’en ai jamais dout� !

M. Jean Mallot. A-t-il, sans le vouloir, d�clench� les mouvements de gr�ve qui allaient le placer sous les feux de la rampe ? Toujours est-il que, lors des conflits sociaux de fin d�cembre 2011, le Gouvernement a saut� sur l’occasion et, retrouvant les accents de l’�t� 2007 – aid� en cela par le retour de l’ambiance de campagne �lectorale pr�sidentielle – a d�clar� vouloir � en finir avec les gr�ves � r�p�tition ï¿½, selon les termes employ�s par Thierry Mariani dans une tribune publi�e dans Les �chos du 24 janvier 2012.

M. Thierry Mariani, ministre. Bonne lecture !

M. Jean Mallot. La presse a observ� que le Gouvernement voulait � briser la gr�ve dans les a�roports ï¿½, � profiter des gr�ves dans l’a�rien pour imposer le service minimum ï¿½. Quelles que soient vos d�n�gations, monsieur le ministre, il est �vident que votre cible n’est autre que le droit de gr�ve – et votre rem�de affich�, le service minimum…

M. Thierry Mariani, ministre. Garanti !

M. Jean Mallot. …ce que vous avez d’ailleurs confirm� lors de la s�ance de questions au Gouvernement du 7 f�vrier dernier, ici m�me, d�clarant : � Nous avons instaur� un service minimum qui permet aux usagers de la SNCF et de la RATP de ne plus �tre p�nalis�s. C’est ce que nous voulons faire dans le secteur a�rien. ï¿½

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Il s’agit d’un service garanti !

M. Jean Mallot. Le bouc �missaire, comme diraient certains – ou le poumon du malade imaginaire, comme diraient d’autres –, c’est le gr�viste, cause suppos�e de tous les maux dans les transports a�riens, comme il l’avait �t� dans les transports terrestres de voyageurs en 2007 !

Pour autant, votre d�marche de transposition du dispositif de 2007 dans le secteur a�rien se heurte � de nombreuses difficult�s. D’abord, vous voulez appliquer ce dispositif � des salari�s qui ne sont pas charg�s d’une mission de service public, mais exercent dans un secteur lib�ralis� concurrentiel. Par ailleurs, vous voulez imposer un pr�avis de gr�ve individuel l� o� la loi n’impose pas de pr�avis collectif.

� l’occasion de la discussion de cette proposition de loi, vous pr�tendez �galement traiter et r�soudre l’une des failles de la loi de 2007 : le cas des salari�s qui, s’�tant d�clar�s gr�vistes quarante-huit heures � l’avance, viennent finalement travailler le jour J. Le service est d�sorganis�, ou r�organis�, mais ces salari�s ne sont pas gr�vistes. Vous avez, pour cela, invent� le � devoir de gr�ve ï¿½, en vertu duquel tout salari� qui s’est d�clar� gr�viste devrait attendre vingt-quatre heures avant de reprendre le travail ! Devant l’absurdit� de ce rem�de adopt� en premi�re lecture, vous avez tent�, en nouvelle lecture, de colmater la br�che en pr�voyant que le d�lai de vingt-quatre heures ne serait pas obligatoire lorsqu’il est � mis fin � la gr�ve ï¿½. Ce faisant, vous retombez sur une difficult� que vous rencontrez depuis le d�but, � savoir la n�cessit� de concilier d�marche collective de gr�ve et pr�avis individuel. Un salari� d�clar� gr�viste pourra parfaitement, pour une raison ou pour une autre, de bonne foi, d�cider de reprendre le travail ou, tout simplement, de ne pas faire gr�ve, alors que le mouvement collectif n’aura pas cess�. Il sera alors bel et bien oblig� de ne pas reprendre son travail avant vingt-quatre heures, sous peine de sanctions. C’est ubuesque !

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Non, �a a chang� !

M. Jean Mallot. Dans le domaine du transport a�rien, on pense en premier lieu aux personnels navigants. Or, la loi du 8 d�cembre 2009 interdit d�j�, de fait, � ces personnels de faire gr�ve en escale, disposant que � le personnel navigant est tenu d’assurer son service tel qu’il a �t� programm� entre deux passages � l’une des bases d’affectation ï¿½. Lorsque l’on rapproche cette interdiction de la nouvelle obligation d’un pr�avis individuel de quarante-huit heures, on ne peut que constater la quasi-impossibilit�, pour les personnels navigants, de recourir � la gr�ve – mais peut-�tre est-ce l� ce que souhaitent le Gouvernement et sa majorit� ?

L’affaire s’est s�rieusement compliqu�e ces derniers jours. La direction d’Air France – compagnie qui assure une part pr�dominante des vols int�rieurs fran�ais et une part importante des vols vers les destinations europ�ennes – vient de signer, avec le Syndicat national des pilotes de ligne, un accord qui met � mal l’application effective de la loi dont nous d�battons ce soir.

M. Thierry Mariani, ministre. �a ne change rien !

M. Jean Mallot. Aux termes de cet accord, � le planning du personnel navigant et technique est stable en toutes circonstances et en toutes p�riodes, et ce sans exception ï¿½.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Le principe de stabilit� date de 2009 !

M. Jean Mallot. � Toute modification du planning, dit le texte, doit faire l’objet d’un accord entre la compagnie et le navigant concern�. ï¿½ Bonjour l’adaptation du service apr�s collecte des pr�avis de gr�ve individuels confidentiels quarante-huit heures � l’avance ! C’est impossible.

D�cid�ment, ce gouvernement a du mal avec la n�gociation sociale. Il est vrai qu’avec sa majorit� UMP, il a tout fait pour ignorer et contourner le dialogue social. Au lieu de recourir � l’artifice de la proposition de loi pour �viter l’application de la loi Larcher de janvier 2007, qui faisait obligation de proposer une n�gociation sociale sur ce sujet avant de l�gif�rer, et au lieu de vous asseoir, mes chers coll�gues de l’UMP, sur le protocole dont s’est dot�e notre assembl�e pour appliquer un traitement analogue aux propositions de loi, n’aurait-il pas �t� plus simple et plus efficace de faire confiance � la d�mocratie sociale et � l’esprit de responsabilit� des partenaires sociaux ?

Le plus probable est qu’ils auraient trouv� un accord permettant de concilier l’exercice du droit de gr�ve avec une information satisfaisante des passagers,…

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Pourquoi voulez-vous changer la r�gle du jeu en cours de route ?

M. Jean Mallot. …puisque tel �tait, para�t-il, votre objectif ?

Rappelez-vous qu’� l’�poque de l’examen de ce qui allait devenir la loi du 21 ao�t 2007, les syndicats consult�s avaient tous soulign� le caract�re inutile du dispositif envisag�…

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Non, pas tous !

M. Jean Mallot. …et les risques qu’il comportait, sans pour autant cr�er les conditions d’une meilleure pr�vention des conflits.

Mais, � d�faut d’accord, la r�daction d’un projet de loi vous aurait permis, d’abord, de r�aliser une �tude d’impact, dont l’utilit� appara�t manifeste � chaque moment de nos d�bats, et ensuite, de b�n�ficier de l’avis du Conseil d’�tat,…

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Pourquoi �liminer les partenaires sociaux ?

M. Jean Mallot. …lequel vous aurait �videmment rappel� que toute disposition visant � limiter et encadrer l’exercice du droit de gr�ve – car c’est bien de cela qu’il s’agit, monsieur de Courson –, libert� constitutionnellement prot�g�e, ne doit pas �tre disproportionn�e.

Or, on le voit bien, votre proposition de loi et son dispositif ne se justifient pas au regard des objectifs que vous avez annonc�s successivement, et de fa�on fort impr�cise. Reprenons-les l’un apr�s l’autre.

Le droit � l’information. Depuis quand est-ce un droit ayant valeur constitutionnelle ?

La continuit� du service. Nous ne sommes pas dans un service public.

La s�curit� des biens et des personnes. Quelle est, � cet �gard, la sp�cificit� du transport a�rien ?

L’ordre public. Quel risque sp�cifique peut-on avancer ?

Pourquoi, par glissements progressifs, ne pas en venir � limiter le droit de gr�ve dans les boulangeries ?

M. Daniel Goldberg. C’est vrai !

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Ben voyons !

M. Jean Mallot. Le Conseil d’�tat vous aurait �galement rappel� que le Conseil constitutionnel, � propos de la loi de 2007, avait consid�r� que � l’obligation de d�claration pr�alable […], qui ne saurait �tre �tendue � l’ensemble des salari�s, n’est opposable qu’aux seuls salari�s dont la pr�sence d�termine directement l’offre de services ï¿½. Il vous aurait donc conseill� de ne pas retenir ce p�rim�tre particuli�rement large et relativement flou que vous d�crivez s’agissant des activit�s, des entreprises et des salari�s qui seraient concern�s par votre proposition de loi.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Toutes les professions concern�es figurent dans le texte !

M. Jean Mallot. En r�alit�, le Gouvernement et sa majorit� UMP sont dans une d�marche purement �lectoraliste. Ils prennent les gr�vistes en otage, au service d’une op�ration suppl�mentaire de division des Fran�ais. Ils oublient que les salari�s ne font pas gr�ve par plaisir ou par jeu.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. On l’a dit !

M. Jean Mallot. La gr�ve est toujours la reconnaissance implicite d’un �chec du dialogue social…

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. �a aussi, on l’a dit !

M. Jean Mallot. …et de toute tentative d’am�lioration des conditions de travail et de r�mun�ration des salari�s.

C’est sur les sujets suivants que, si elle �tait responsable, la majorit� devrait se pencher : comment r�duire les causes de la gr�ve ? Comment rendre meilleures les conditions de vie et de travail des salari�s ? Pour rechercher le point d’�quilibre entre les int�r�ts des uns et des autres, comment faire vivre et aboutir le dialogue social ? Mais de tout cela, le Gouvernement et l’UMP ne se soucient gu�re ; c’est bien ce que nous leur reprochons. Ce soir encore, nous voterons donc contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le pr�sident. La parole est � M. Jean-Paul Chanteguet.

M. Jean-Paul Chanteguet. Monsieur le pr�sident, monsieur le ministre, mes chers coll�gues, apr�s l’adoption par le S�nat d’une seconde motion opposant la question pr�alable � la d�lib�ration sur la proposition de loi relative � l’organisation du service et � l’information des passagers dans les entreprises de transport a�rien de passagers, ce texte nous revient pour une lecture d�finitive ; c’est la troisi�me fois que nous l’examinons.

Pour justifier sa proposition de loi, notre rapporteur invoque la sauvegarde de l’ordre public, de la s�curit� et de la sant� des personnes, puisque, par exemple, sur la plateforme a�roportuaire de Roissy-Charles-de-Gaulle, 60 % des passagers effectuent des vols en correspondance, ce qui peut, en cas de mouvement de gr�ve important, cr�er des troubles, dans la mesure o� les capacit�s d’h�bergement ne permettraient pas de r�pondre aux besoins.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Bien s�r ! Vous n’avez jamais vu cela ?

M. Jean-Paul Chanteguet. Nous ne pouvons entendre cette justification, d’une part, parce que, contrairement � ce que l’on veut nous faire croire, la conflictualit� dans le secteur du transport a�rien de voyageurs s’est sensiblement r�duite au cours de ces derni�res ann�es,…

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Elle n’existe pas pour vous ! Vous �tes comme Hollande, vous vivez dans le monde des Bisounours !

M. Jean-Paul Chanteguet. …et, d’autre part, parce que les salari�s des soci�t�s de s�curit� a�rienne, qui ont d�clench� cet important mouvement social � la fin de l’ann�e 2011, ce qui a d’ailleurs suscit� la col�re de Nicolas Sarkozy et l’inscription de cette proposition � notre ordre du jour, sont r�gis par une convention collective qui les oblige � d�poser un pr�avis de cinq jours avant le d�but de toute gr�ve.

Avec cette proposition de loi, le Gouvernement, tr�s attach� � l’instauration d’un service minimum dans les transports, aura trouv� le v�hicule l�gislatif appropri� lui permettant de faire adopter son propre texte, au travers de sa r��criture compl�te.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Il s’agit d’une transcription et non d’une r��criture !

M. Jean-Paul Chanteguet. Si de nombreux parall�les sont faits avec la loi de 2007, ils sous-estiment la sp�cificit� du transport a�rien, qui n’est pas r�gi par un grand op�rateur int�gr�, mais pour lequel, de l’agent de s�ret� au commandant de bord, toute une cha�ne d’intervenants contribue � la bonne r�alisation des vols.

De plus, la situation dans les transports terrestres est bien diff�rente, puisque les entreprises assurent une mission de service public, contrairement au secteur a�rien,…

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Nous avons bien distingu� les deux !

M. Jean-Paul Chanteguet. …� l’exception de l’exploitation des lignes OSP, comme celles avec les Antilles ou la Corse.

La principale disposition de ce texte, qui oblige les salari�s � informer le chef d’entreprise de leur intention de participer � un mouvement de gr�ve au plus tard quarante-huit heures � l’avance, concerne essentiellement des salari�s d’entreprises priv�es, qui n’ont, � ce jour, aucun pr�avis de gr�ve � respecter, n’�tant soumis en la mati�re qu’au droit du travail.

En s’engageant dans cette voie, nous risquons de cr�er un grave pr�c�dent, puisque nous encadrons le droit de gr�ve par une d�claration individuelle pr�alable au conflit, ce qui constituerait une premi�re dans le secteur priv�. Celle-ci peut-elle constituer une atteinte au droit de gr�ve ? La question se pose l�gitimement. En effet, dans sa d�cision n� 2007-556 du 16 ao�t 2007, le Conseil constitutionnel n’a pas consid�r� que la d�claration pr�alable faite quarante-huit heures avant le d�but d’un mouvement portait au droit de gr�ve une atteinte disproportionn�e, au motif qu’elle ne concerne que les salari�s � dont la pr�sence d�termine directement l’offre de service ï¿½,…

M. Jean Mallot. Eh oui !

M. Jean-Paul Chanteguet. …que sa m�connaissance � ne conf�re pas � l’exercice du droit de gr�ve un caract�re licite ï¿½ et qu’elle � ne s’oppose pas � ce qu’un salari� rejoigne un mouvement de gr�ve d�j� engag� et auquel il n’avait pas initialement l’intention de participer, ou auquel il aurait cess� de participer, d�s lors qu’il en informe son employeur au plus tard quarante-huit heures � l’avance ï¿½.

Cependant, le Conseil constitutionnel a pos� le principe selon lequel l’obligation de d�claration individuelle ne saurait �tre �tendue � l’ensemble des salari�s.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Tout � fait ! Elle ne l’est pas dans ce texte !

M. Jean-Paul Chanteguet. Les r�dactions retenues, tant pour les entreprises que pour les salari�s concern�s, rendent ce risque d’inconstitutionnalit� tout � fait plausible.

En votant ce texte, nous risquerions de cr�er un grave pr�c�dent, puisque nous encadrerions le droit de gr�ve, ce qui constituerait une premi�re dans le secteur priv�. D’ailleurs, notre rapporteur, qui a compris que le principe de continuit� du service ne pouvait �tre utilis�, invoque celui de la libert� de circulation, que le Conseil constitutionnel ne retiendra certainement pas, dans la mesure o� le transport a�rien est en concurrence sur toutes les dessertes avec d’autres modes de transport. � l’int�rieur m�me de l’a�rien, plusieurs compagnies assurent les m�mes lignes.

Comme l’ont d�j� not� plusieurs autres intervenants, il est une information qui, si elle est confirm�e, limitera grandement les effets de la loi que la majorit� va d�finitivement voter dans quelques minutes. En effet, nous avons appris par la presse que la compagnie Air France avait sign� la semaine derni�re un accord avec le Syndicat national des pilotes de ligne qui pr�voit que � le planning du personnel navigant technique est stable en toutes circonstances et en toutes p�riodes, et ce sans exception ï¿½.

Air France s’interdit donc de r�affecter les pilotes non gr�vistes en cong� pour am�liorer le trafic, sauf � obtenir au cas par cas l’accord de chaque pilote concern�.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Cela concerne seulement les pilotes en dispersion, pas ceux qui sont en cong� ou en r�serve ! Il faut �tre pr�cis !

M. Jean-Paul Chanteguet. Il sera alors plus difficile pour Air France d’assurer les vols les plus charg�s, en particulier aux heures de pointe, et donc de r�pondre � l’un des objectifs de cette proposition de loi, en l’occurrence minimiser les perturbations engendr�es par un mouvement social.

Plut�t qu’un encadrement du droit de gr�ve, le r�cent conflit dans les a�roports appelle � un renouveau du dialogue social. Nous voterons donc contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le pr�sident. La discussion g�n�rale est close.

La parole est � M. le ministre.

M. Thierry Mariani, ministre. Monsieur le pr�sident, je r�pondrai bri�vement aux orateurs.

Comme vous l’avez affirm�, monsieur Nicolin, cette proposition de loi est un texte indispensable qui r�pond aux demandes et aux pr�occupations de nos concitoyens. Il est essentiel de reconna�tre le droit � une information fiable et pr�cise des passagers du transport a�rien. Ce texte organise bien, comme l’a reconnu M. de Courson, un service garanti aux passagers, et non un service minimum impos� aux salari�s.

M. Jean Mallot. Ah bon ? Vous avez donc chang� d’avis ?

M. Thierry Mariani, ministre. C’est pourquoi ce texte vise l’ensemble des entreprises qui concourent directement au transport a�rien de passagers. Cette proposition n’est en rien, monsieur Mallot, un texte de circonstance. Il n’a aucun lien avec le r�cent conflit ayant affect� la s�ret� a�roportuaire. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Ce texte n’est donc en rien une d�marche �lectoraliste pour contourner le droit, notamment le droit de gr�ve, auquel nous sommes tous ici particuli�rement attach�s. Il n’ouvre en rien la voie � un encadrement g�n�ralis� du droit de gr�ve pour tous les salari�s. Il ne s’agit pas davantage de soumettre � l’obligation de d�claration individuelle d’intention de gr�ve l’ensemble des salari�s du champ des transports a�riens. Comme vous le savez tr�s bien, seuls sont concern�s ceux dont l’absence serait de nature � affecter directement la r�alisation des vols.

M. Jean Mallot. Mais le texte est trop large !

M. Thierry Mariani, ministre. Je vous r�p�te la m�me chose � chaque fois et je ne d�sesp�re pas que vous saisissiez enfin l’objet de cette proposition de loi, que vous avez h�las mal compris.

Nous n’avons donc pas l’intention d’entraver le droit de gr�ve, monsieur Chanteguet.

M. Jean Mallot. C’est pourtant ce que vous faites !

M. Thierry Mariani, ministre. Nous voulons au contraire affirmer, s’il en �tait besoin, la primaut� du dialogue social et de la pr�vention des conflits, pr�occupation que nous pouvons tous partager et qui trouve justement son illustration dans l’accord qui vient d’�tre sign� � Air France.

M. Pierre Gosnat. Il n’y avait pas besoin de la loi, alors !

M. Thierry Mariani, ministre. C’est aussi l’un des r�sultats de cette proposition de loi que d’avoir favoris� le dialogue social. Ce probl�me attendait d’�tre r�solu depuis plusieurs ann�es. Eh bien, gr�ce � la proposition de M. Diard, c’est fait, m�me si vous ne l’avez toujours pas compris.

L’objectif de ce texte, monsieur Gosnat, est non pas de diviser, mais d’apaiser. Ce projet, on l’a dit, a fait l’objet de nombreuses consultations par le rapporteur ; j’ai moi-m�me re�u l’intersyndicale. Bref, cette proposition de loi permettra aux entreprises de conna�tre � l’avance l’�tat de leur effectif disponible, et donc aux passagers de savoir enfin, la veille de leur d�part, si leur vol est assur�.

Cette proposition de loi me para�t donc concilier le respect du droit de gr�ve avec la l�gitime pr�occupation d’assurer la libert� de se d�placer, de pr�server la n�cessaire s�curit� publique dans les a�roports, de ne pas mettre en danger la sant� des passagers malades et de donner enfin aux clients des compagnies a�riennes une information fiable, pr�cise et gratuite. C’est pourquoi le Gouvernement ne partage bien s�r pas les critiques de constitutionnalit� que vous avez formul�es, messieurs Mallot et Goldberg.

En conclusion, au moment o�, en France, nos compagnies a�riennes sont dans une situation fragile et tr�s fortement concurrentielle, c’est peut-�tre aussi un moyen – parmi d’autres – de leur donner un peu plus de s�curit� et de favoriser un d�veloppement de leur activit� dans un climat de confiance et de mani�re aussi sereine que possible. Tel est l’un des buts de cette proposition de loi d�pos�e par �ric Diard et qui, je n’en doute pas, sera adopt�e dans quelques minutes, pour l’ensemble des passagers qui b�n�ficieront d�sormais d’un service garanti.

Je prends date, monsieur Mallot : si par malheur il arrivait, en un jour forc�ment lointain, que vous vous retrouviez dans la majorit�, je suis persuad� que vous ne changerez pas cette loi, pas davantage, d’ailleurs, que celle de 2007, parce que vous en aurez d�couvert les b�n�fices qui, pour le moment, vous sont toujours cach�s. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Texte adopt� par l’Assembl�e nationale en nouvelle lecture

M. le pr�sident. J’appelle maintenant, conform�ment au troisi�me alin�a de l’article 114 du r�glement, la proposition de loi dans le texte adopt� par l’Assembl�e nationale en nouvelle lecture.

Explication de vote

M. le pr�sident. La parole est � M. Daniel Goldberg, pour l’explication de vote du groupe SRC.

M. Daniel Goldberg. Beaucoup de choses ont d�j� �t� dites � cet instant du d�bat…

M. Jean Mallot. Mais pas tout !

M. Daniel Goldberg. …mais j’ai �cout� les arguments qui viennent d’�tre apport�s par M. le ministre comme par les intervenants dans la discussion g�n�rale.

On nous dit que ce ne sont pas tous les salari�s du monde de l’a�rien qui seront concern�s par cette proposition de loi.

M. Thierry Mariani, ministre. C’est vrai !

M. Daniel Goldberg. Peut-�tre, mais le texte dispose : � Sont consid�r�s comme salari�s dont l’absence est de nature � affecter directement la r�alisation des vols ï¿½…

M. Thierry Mariani, ministre. Oui, directement !

M. Daniel Goldberg. …� les salari�s des exploitants d’a�rodrome et des entreprises, �tablissements ou parties d’�tablissement mentionn�s � l’article L. 1114-1 qui occupent un emploi de personnel navigant ou qui assurent personnellement l’une des op�rations d’assistance en escale mentionn�e au m�me article L. 1114-1, de maintenance en ligne des a�ronefs, de s�ret� a�roportuaire, de secours et de lutte contre l’incendie ou de lutte contre le p�ril animalier. ï¿½

C’est donc l’ensemble des personnels qui travaillent dans l’une de ces entreprises qui entrent dans le champ de cet article, et non pas simplement ceux qui concourent directement au d�part d’un vol. Cet argument prouve donc que cette proposition de loi est anticonstitutionnelle.

M. Thierry Mariani, ministre. Mais non !

M. Daniel Goldberg. En effet, un salari� qui ne participerait pas � l’organisation et au d�part direct d’un vol tel jour serait contraint de se soumettre � votre dispositif.

Comme vous ne d�finissez pas pr�cis�ment le champ de cette future loi, cette derni�re ne s’appliquera qu’avec difficult�. Mais elle ne s’appliquera pas, puisque le Conseil constitutionnel la censurera, � moins que vous ne nous rejoigniez en votant contre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Vote sur l’ensemble

M. le pr�sident. Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi telle qu’elle r�sulte du texte vot� par l’Assembl�e nationale en nouvelle lecture.

(L’ensemble de la proposition de loi est adopt�.)

3

Ordre du jour de la prochaine s�ance

M. le pr�sident. Prochaine s�ance, jeudi 1er mars 2012 � neuf heures trente :

Discussion du projet de loi, adopt� par le S�nat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la R�publique fran�aise et le Gouvernement de la R�publique slovaque relatif � la coop�ration en mati�re administrative ;

Discussion du projet de loi autorisant la ratification de l’accord de partenariat �conomique entre la Communaut� europ�enne et ses �tats membres, d’une part, et les �tats du CARIFORUM, d’autre part ;

Discussion du projet de loi autorisant la ratification de la convention relative � l’Agence pour la s�curit� de la navigation a�rienne en Afrique et � Madagascar ;

Discussion du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la R�publique fran�aise et le Gouvernement de la R�publique libanaise relatif � la mobilit� des jeunes et des professionnels ;

Ces quatre textes faisant l’objet d’une proc�dure d’examen simplifi�e en application de l’article 103 ;

Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi relatif � l’acc�s � l’emploi titulaire et � l’am�lioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, � la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives � la fonction publique ;

Discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi tendant � faciliter l’organisation des manifestations sportives et culturelles ;

Discussion de la proposition de loi sur l’enfance d�laiss�e et l’adoption ;

Discussion de la proposition de loi tendant � renforcer l’effectivit� de la peine compl�mentaire d’interdiction du territoire fran�ais et visant � r�primer les d�linquants r�it�rants.

La s�ance est lev�e.

(La s�ance est lev�e, le jeudi 1er mars 2012, � z�ro heure quinze.)

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