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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assembl�e nationale
XIIIe l�gislature
Session ordinaire de 2011-2012

Compte rendu
int�gral

Deuxi�me s�ance du mercredi 22 f�vrier 2012

SOMMAIRE �LECTRONIQUE

SOMMAIRE


Pr�sidence de Mme Laurence Dumont

1. Modification de l’ordre du jour

2. Organisation du service et information des passagers dans les entreprises de transport a�rien

M. Thierry Mariani, ministre charg� des transports

M. ï¿½ric Diard, rapporteur de la commission du d�veloppement durable et de l’am�nagement du territoire

Motion de rejet pr�alable

M. Jean Mallot

M. Thierry Mariani, ministre, M. ï¿½ric Diard, rapporteur, M. Charles de Courson, M. Andr� Chassaigne, M. Jean-Paul Chanteguet

Discussion g�n�rale

M. Charles de Courson

M. Andr� Chassaigne

M. Yanick Paternotte

M. Jean-Paul Chanteguet

M. Thierry Mariani, ministre

Discussion des articles

Article 1er

Article 2A

Article 2

M. Didier Gonzales

Amendements nos 1, 8, 9, 2, 6, 3, 7

Article 2 bis

Article 2 ter

Article 2 quater

M. Jean Lassalle

Amendements nos 4, 11, 10

Articles 3 et 4

Explications de vote

M. Charles de Courson, M. Andr� Chassaigne, M. Jean Mallot

Vote sur l’ensemble

3. Exploitation num�rique des livres indisponibles du xxe si�cle

M. Christian Kert, suppl�ant M. Herv� Gaymard, rapporteur de la commission mixte paritaire

M. Fr�d�ric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Discussion g�n�rale

M. Andr� Chassaigne

M. Fr�d�ric Reiss

Mme Monique Boulestin

M. Marcel Rogemont

Vote sur l’ensemble

4. Ordre du jour de la prochaine s�ance

Pr�sidence de Mme Laurence Dumont,
vice-pr�sidente

Mme la pr�sidente. La s�ance est ouverte.

(La s�ance est ouverte � vingt et une heures trente.)

1

Modification de l’ordre du jour

Mme la pr�sidente. M. le pr�sident a re�u une lettre de M. le ministre charg� des relations avec le Parlement l’informant que le Gouvernement propose de compl�ter l’ordre du jour de la semaine du 27 f�vrier de la mani�re suivante :

Mardi 28 f�vrier, le soir, � la suite de l’ordre du jour : proposition de loi relative aux mesures conservatoires en mati�re de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires ;

Jeudi 1er mars, � neuf heures trente : trois conventions internationales puis texte de la commission mixte paritaire sur la proposition tendant � faciliter l’organisation des manifestations sportives et culturelles.

Il n’y a pas d’opposition ?...

L’ordre du jour est ainsi modifi�.

2

Organisation du service
et information des passagers
dans les entreprises de transport a�rien

Nouvelle lecture

Mme la pr�sidente. L’ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, de la proposition de loi relative � l’organisation du service et � l’information des passagers dans les entreprises de transport a�rien de passagers et � diverses dispositions dans le domaine des transports. (n�s 4388, 4362)

La parole est � M. Thierry Mariani, ministre charg� des transports.

M. Thierry Mariani, ministre charg� des transports. Madame la pr�sidente, mesdames, messieurs les d�put�s, nous sommes � nouveau r�unis aujourd’hui pour poursuivre l’examen de la proposition de loi d�pos�e par votre coll�gue �ric Diard, suite � l’absence d’accord de la commission mixte paritaire qui s’est r�unie hier. Nous allons pouvoir continuer nos travaux dans un climat apais�. Comme vous le savez, les membres de l’intersyndicale du transport a�rien, � l’origine du mouvement de gr�ve au d�but du mois, ont d�cid� � l’unanimit�, face � la d�termination tant de la repr�sentation nationale que du Gouvernement sur ce texte, de ne pas poursuivre leur mouvement. Je tiens, � cet �gard, � saluer l’esprit de responsabilit� qui, de leur part, a conduit � cette d�cision. Dans ces conditions, et alors que les vacances scolaires viennent de commencer, les familles pourront, en toute s�r�nit�, b�n�ficier des vacances auxquelles elles ont l�gitimement droit. Je vois l� un premier effet b�n�fique du texte.

Je crois tr�s sinc�rement que les salari�s du transport a�rien, qui ont globalement peu suivi l’appel des organisations syndicales, ont bien compris que l’esprit de la pr�sente proposition de loi, je le r�p�te, n’est en rien de remettre en cause leur droit de gr�ve. Elle vise, comme vous le savez, � am�liorer l’information des passagers a�riens en cas de mouvement social et � permettre aux compagnies a�riennes d’organiser leur service, afin de garantir � nos concitoyens la possibilit� de circuler librement tout en respectant le droit de gr�ve.

Comme je l’ai d�j� indiqu�, le transport a�rien est marqu� par une conflictualit� importante dont les cons�quences sont d�sastreuses pour ce secteur. Pour ne parler que de ceux-l�, les quatre jours de gr�ve men�s d�but f�vrier par cinq organisations syndicales du transport a�rien, et en particulier par le Syndicat national des pilotes de ligne, ont entra�n� l’annulation d’un millier de vols � l’avance, et de 183 vols � la derni�re minute, alors que les passagers avaient parfois d�j� enregistr� leurs bagages. Il s’agit, chacun en convient, d’une situation inacceptable. Les Fran�ais, qui aspirent l�gitimement � voyager pour rejoindre leurs familles ou pour affaires, ne peuvent pas continuer � �tre r�guli�rement laiss�s dans l’incertitude jusqu’au dernier moment et p�nalis�s lors des grands d�parts. Les clients d’une compagnie a�rienne doivent �tre en mesure de b�n�ficier de la prestation qu’ils ont achet�e sans avoir � se reporter sur d’autres transporteurs, a�riens ou terrestres, pour �tre s�rs de pouvoir partir.

En plus de perturber plusieurs dizaines de milliers de passagers, cette nouvelle gr�ve de f�vrier a, une fois encore, engendr� pour Air France des pertes lourdes, estim�es entre 8 et 10 millions d’euros par jour. Par ailleurs, vous le savez, ces paralysies fr�quentes donnent une image d�plorable de la France aux touristes ou aux professionnels �trangers.

Pour toutes ces raisons, l’�conomie fran�aise ne peut plus se permettre de subir ces gr�ves � r�p�tition. Notre pays doit pouvoir donner des gages de dynamisme �conomique, et d’autant plus dans le contexte de crise majeure que nous traversons.

Pourquoi la France serait-elle, en Europe, le seul pays dans lequel il serait interdit de l�gif�rer sur le sujet qui nous occupe aujourd’hui ? Quand je rencontre mes coll�gues ministres des transports des �tats de l’Union europ�enne, que puis-je observer ? En Su�de, pays du dialogue social, le niveau de service est garanti par les conventions collectives ; au Royaume-Uni, le droit de gr�ve est tr�s encadr� et le Gouvernement dispose d’un pouvoir de r�quisition depuis 1920 ; en Italie, la gr�ve est interdite aux heures de pointe et lors des vacances scolaires, en particulier dans le transport a�rien ; en Espagne, le principe m�me de niveau de service est inscrit dans la Constitution depuis 1978. Et je ne parle pas de l’Allemagne, de l’Autriche et de nombreux autres pays. La France doit pouvoir prendre des dispositions en ce sens, d’autant que celles que nous envisageons sont bien moins contraignantes que celles que l’on observe chez nos voisins europ�ens.

Par ailleurs, les passagers doivent pouvoir �tre inform�s sur l’�tat du trafic en cas de mouvement social affectant le transport a�rien. C’est l’objet m�me de la proposition de loi qui vous est soumise aujourd’hui. Elle vise � permettre la mise en place rapide d’un dispositif favorisant la n�gociation collective pour pr�venir les conflits en imposant simplement aux gr�vistes une d�claration pr�alable de leur intention de faire gr�ve.

M. Fran�ois Rochebloine. Et � respecter le droit de gr�ve.

M. Thierry Mariani, ministre. Tout � fait.

Je vous le redis, cette proposition de loi n’a en aucun cas, comme vient de le signaler M. Rochebloine, pour objectif de remettre en cause le droit de gr�ve, droit de valeur constitutionnelle. Il s’agit d’organiser et de reconna�tre le droit � une information fiable et pr�cise des passagers du transport a�rien.

La proposition de loi s’inspire du dispositif mis en place dans le cadre de la loi du 21 ao�t 2007 sur le dialogue social et la continuit� du service public dans les transports terrestres r�guliers de voyageurs. Cette loi, valid�e par le Conseil constitutionnel, a port� ses fruits en permettant des progr�s ind�niables en mati�re de dialogue social et d’information des passagers dans les transports ferroviaires et urbains.

Il est tout � fait possible de s’inspirer de cette r�ussite tant pour les organisations syndicales que pour les passagers, alors m�me que les entreprises du transport a�rien exercent leur activit� dans un secteur concurrentiel. L’une des missions r�galiennes de l’�tat est en effet de veiller au respect du principe de libre circulation des personnes. L’information du passager en temps de gr�ve vise � r�pondre � d’imp�rieux motifs d’int�r�t g�n�ral, tels que la s�curit� et la sant� publiques, qui peuvent �tre menac�es dans les a�roports paralys�s. Dans ces situations, les a�roports accueillent en effet, parmi les passagers, des personnes �g�es, des nouveaux-n�s ou encore des personnes porteuses d’une affection qui ne pr�sente aucune difficult� en temps normal mais peut devenir dramatique en cas d’attente interminable.

Ce texte entend avant tout donner la primaut� au renforcement du dialogue social et � la n�gociation entre les entreprises et les organisations syndicales repr�sentatives. L’employeur et les organisations syndicales auront en effet la facult� de n�gocier un accord-cadre visant � pr�venir les conflits. En cas de conclusion d’un tel accord fixant les r�gles d’organisation et de d�roulement de la n�gociation, le recours � la gr�ve ne pourra intervenir qu’apr�s une n�gociation pr�alable. Contrairement � ce que pr�voit la loi de 2007, il s’agit l� d’une facult� et non d’une obligation, puisque le transport a�rien n’est pas tenu, comme les transports terrestres, d’assurer une mission de service public.

Les salari�s dont l’absence est de nature � affecter directement la r�alisation des vols en cas de gr�ve auront l’obligation d’informer leur chef d’entreprise ou son repr�sentant au plus tard quarante-huit heures avant de participer au conflit. Je tiens � souligner que ce d�lai de pr�venance individuelle de quarante-huit heures est raisonnable et a �t� valid� par le Conseil constitutionnel lors de l’examen de la loi de 2007, et qu’en aucun cas cette d�claration n’emp�chera les personnels concourant � l’activit� de transport a�rien de passagers de faire gr�ve pour porter leurs revendications. En revanche, elle permettra aux entreprises de conna�tre � l’avance l’�tat de leurs effectifs et aux passagers de savoir si leur vol est assur� ou non la veille de leur d�part.

En cas de non-respect de cette obligation, une sanction disciplinaire pourra �tre prise � l’encontre du salari�. � ce sujet, je tiens � rappeler que l’objectif n’est, bien s�r, pas de renforcer le pouvoir disciplinaire de l’employeur, comme je l’ai dit � de multiples reprises aux organisations syndicales. La proposition de loi ne pr�voit qu’une possibilit� de sanction, qui ne pourra �tre exerc�e que dans le cadre de droit commun du pouvoir disciplinaire de l’employeur. Il n’est pas question de d�roger � ce cadre, et les craintes que j’ai entendues sur d’�ventuelles sanctions sans rapport avec la port�e du non-respect de l’obligation d�clarative sont infond�es. La facult� de sanction s’exercera en outre sous le contr�le vigilant du juge, et uniquement en cas d’absence r�p�t�e de d�claration, comme votre rapporteur �ric Diard a tenu � le pr�ciser, � juste titre, par amendement.

Mesdames, messieurs les d�put�s, la proposition qui vous est soumise aujourd’hui est une r�elle opportunit� pour nous permettre d’accomplir de v�ritables progr�s.

M. Fran�ois Rochebloine. Tout � fait !

M. Thierry Mariani, ministre. Elle respecte les �quilibres indispensables entre le droit de gr�ve, la sauvegarde de l’ordre public et la continuit� du service dans les a�roports, et permettra un dialogue social apais�, sans p�naliser des millions de Fran�ais ou de touristes venus d�couvrir notre pays.

Aussi, je forme le vœu que votre assembl�e prenne conscience de ces enjeux d�terminants pour les Fran�ais et pour l’image de la France dans le monde. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

M. Jean Mallot. Le ministre a parl� si vite qu’il a pass� le mur du son !

Mme la pr�sidente. La parole est � M. �ric Diard, rapporteur de la commission du d�veloppement durable et de l’am�nagement du territoire.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur de la commission du d�veloppement durable et de l’am�nagement du territoire. Madame la pr�sidente, monsieur le ministre, mes chers coll�gues, je suis charg� par la commission du d�veloppement durable et de l’am�nagement du territoire, dont la comp�tence s’�tend aux questions de transport a�rien,…

M. Jean Mallot. La commission du d�veloppement durable saisie sur le droit de gr�ve ! Vive la commission des affaires sociales !

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. …de pr�senter � nouveau un rapport sur la proposition de loi relative � l’organisation du service, � l’information des passagers dans les entreprises de transport a�rien de passagers et � diverses dispositions dans le domaine des transports,…

M. Fran�ois Rochebloine. Sans oublier la SNCF !

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. …que j’avais moi-m�me d�pos�e le 22 novembre 2011.

Je voudrais, devant vous, �voquer trois points : tout d’abord, rappeler ce que nous avons voulu faire ; ensuite, r�pondre � certaines critiques que j’ai entendues sur le contenu de cette proposition de loi ; enfin, vous pr�senter les conclusions auxquelles est parvenue la commission du d�veloppement durable lors de l’examen du texte en nouvelle lecture.

Qu’avons-nous voulu faire ?

Nous sommes confront�s, dans le secteur du transport a�rien, � trois r�alit�s incontournables. D’abord, c’est un secteur d’activit� o� la conflictualit� reste forte : M. le ministre l’a rappel�, au cours des trois derni�res ann�es, le transport a�rien a �t� perturb� pendant 176 jours par des mouvements de gr�ve. Nous avons tous en m�moire plusieurs gr�ves r�centes : celle des personnels navigants commerciaux en novembre 2011, celle des personnels de s�ret� a�roportuaire en d�cembre dernier et, plus proche de nous, le mouvement du 6 au 10 f�vrier 2012.

M. Fran�ois Rochebloine. N’oubliez pas la SNCF de novembre � janvier !

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Ensuite, le transport a�rien constitue une vaste cha�ne d’�l�ments interd�pendants. Un cha�non d�faillant du fait d’une gr�ve aura des r�percussions sur l’ensemble du secteur, qui appara�t ainsi comme particuli�rement fragile. Enfin, les activit�s de transport a�rien sont lib�ralis�es et ont un caract�re largement concurrentiel, � la diff�rence de celles du transport terrestre, qui constituent un service public.

Tenant compte de ces diff�rentes caract�ristiques, j’ai pr�sent� une proposition de loi, examin�e par l’Assembl�e nationale le 24 janvier, comportant elle-m�me trois axes : un encouragement au dialogue social et � la pr�vention des conflits par des dispositions incitant les repr�sentants des employeurs et des organisations syndicales repr�sentatives � conclure des accords-cadres en ce sens ; une obligation pour les compagnies a�riennes d’informer les passagers des perturbations des vols dues � des gr�ves vingt-quatre heures avant le d�but de la perturbation ; une obligation, en cas de gr�ve, pour les seuls salari�s dont l’absence est susceptible d’affecter directement la r�alisation des vols, d’informer leur employeur, au plus tard quarante-huit heures � l’avance, de leur intention de participer � la gr�ve.

Ces trois grands axes �taient aussi ceux de la loi du 21 ao�t 2007 sur les transports terrestres r�guliers de voyageurs, que le candidat socialiste d�clare maintenant vouloir maintenir. Je rappelle que les d�put�s socialistes, qui �taient hostiles au texte sur les transports terrestres de voyageurs en 2007, l’�taient beaucoup moins en 2009, lorsque nous avons dress� le bilan de cette loi.

S’agissant du texte que nous discutons ce soir, nous avons ajout� un dispositif d’information de l’employeur en premi�re lecture, le 24 janvier. Le salari� gr�viste, ou qui aurait pr�c�demment d�clar� son intention de faire gr�ve, et qui reviendrait sur cette position et d�ciderait de reprendre le travail, devra en informer son employeur au plus tard vingt-quatre heures auparavant. Ceci afin de tenir compte des dysfonctionnements constat�s dans le transport terrestre, comme nous avons pu en parler plusieurs fois ici m�me, � l’Assembl�e nationale.

Ce texte que nous avons adopt� a fait l’objet de plusieurs critiques que je voudrais rapidement examiner avec vous.

Il s’agirait tout d’abord d’un texte de circonstance, pr�sent� en r�ponse � la gr�ve des personnels de la s�ret� a�rienne survenue en d�cembre 2011.

M. Jean Mallot. C’est clair !

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. C’est inexact, monsieur Mallot, puisque j’avais d�pos� ma proposition de loi d�s le 22 novembre 2011, et que c’est seulement lors du mouvement de gr�ve que le personnel gr�viste en a pris connaissance.

Autre critique adress�e � ce texte : les discussions � l’Assembl�e nationale se seraient faites sans v�ritable concertation. M. le ministre charg� des transports a lui-m�me fait remarquer lors des d�bats au S�nat qu’en tant que rapporteur du texte � l’Assembl�e nationale, j’avais auditionn� vingt-huit personnes, soit quinze heures d’audition pour un texte bien plus concis que celui du 21 ao�t 2007.

M. Thierry Mariani, ministre. Absolument !

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. On invoque ensuite parfois l’article L. 1 du code du travail, dont les dispositions n’auraient pas �t� appliqu�es en l’esp�ce. L� encore, M. le ministre charg� des transports a rappel� que le dispositif de consultation des partenaires sociaux pr�vu � cet article n’�tait pas applicable en l’esp�ce, puisque nous sommes en pr�sence non d’un projet, mais d’une proposition de loi, et que ce texte rel�ve de la n�gociation de branche, et non interprofessionnelle.

Il a �galement �t� dit que la proposition de loi adopt�e par l’Assembl�e nationale porterait atteinte au droit de gr�ve. Elle ne le limite en rien, mais oblige simplement certains salari�s du secteur ayant l’intention de faire gr�ve � le faire savoir � l’employeur, pour que ce dernier organise l’activit� et informe les passagers dans ce nouveau contexte. Les d�clarations individuelles des salari�s sont couvertes de surcro�t par le secret professionnel et les employeurs sont passibles de peines pr�vues par le code p�nal s’ils utilisent irr�guli�rement ces informations.

Enfin, la proposition de loi serait d�s�quilibr�e, limitant le droit de gr�ve des salari�s tout en �tant exag�r�ment favorable aux employeurs.

M. Jean Mallot. C’est �vident !

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Je rappelle qu’un important dispositif d’encouragement au dialogue social et � la pr�vention des conflits, tenant compte du caract�re concurrentiel du secteur du transport a�rien, est pr�vu � l’article 2.

J’ajoute, et c’est un point sur lequel j’insiste particuli�rement, que les conditions de travail de nombreux personnels du secteur de la s�ret� a�roportuaire restent insatisfaisantes et parfois pr�caires. J’ai bien entendu les propositions du ministre � ce sujet.

Ce droit de gr�ve, nous le d�fendons �videmment, tout en prenant en compte dans le m�me temps d’autres principes, notamment la libert� d’aller et venir et la s�curit� publique.

Enfin, je voudrais tr�s bri�vement rendre compte des d�bats en commission en nouvelle lecture.

Apr�s le rejet de la proposition de loi par le S�nat le 15 f�vrier, puis l’�chec de la commission mixte paritaire r�unie hier, la commission du d�veloppement durable a maintenu les dispositions de ma proposition de loi. Elle vous demande aujourd’hui d’adopter ce texte fond� sur un respect profond du droit de gr�ve, constitutionnellement garanti. Ce respect est �galement d� tant aux nombreux salari�s de ce secteur, dont certains, je veux le r�p�ter, sont dans des situations difficiles voire pr�caires, qu’aux passagers que nous sommes tous.

La commission du d�veloppement durable a retenu hier ma suggestion d’all�ger les sanctions disciplinaires �ventuellement applicables aux salari�s en gr�ve, qui doivent informer l’employeur vingt-quatre heures � l’avance de leur reprise de service.

M. Thierry Mariani, ministre. Le rapporteur est trop bon !

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Dans le d�bat que nous aurons dans quelques instants, je vous pr�senterai plusieurs amendements, tenant compte des commentaires et des remarques que j’ai entendus et permettant de faire face aux probl�mes �ventuels de coh�rence que peut susciter l’application de l’obligation faite aux salari�s d’informer vingt-quatre heures � l’avance leur employeur de leur retour � l’activit� en cas de gr�ve.

M. Jean Mallot. C’est l’obligation de faire gr�ve !

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Ce texte, soyons-en s�rs, mes chers coll�gues, est attendu par nos concitoyens.

M. Jean Mallot. Et surtout par les nombreux d�put�s qui prennent l’avion !

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Il permettra de garantir le droit de gr�ve, la continuit� de l’activit� de transport a�rien et de mieux respecter les passagers.

Motion de rejet pr�alable

Mme la pr�sidente. J’ai re�u de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet pr�alable, d�pos�e en application de l’article 91, alin�a 5, du r�glement.

La parole est � M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Madame la pr�sidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers coll�gues, la proposition de loi qui revient devant nous en nouvelle lecture ce soir affiche un objectif : � am�liorer l’information des passagers par une meilleure organisation du service dans les entreprises de transport a�rien en cas de gr�ve. ï¿½

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Jusqu’ici, tout va bien.

M. Jean Mallot. J’observe en premier lieu que si tel est votre objectif – am�liorer l’information des passagers –, il n’est pas besoin d’une loi.

M. Thierry Mariani, ministre. Ah bon ?

M. Jean Mallot. J’ajoute que l’obligation d’informer les passagers qui s’imposerait aux entreprises, d’apr�s votre texte, ne s’appliquerait qu’en cas de gr�ve, alors qu’elle pourrait, et qu’elle devrait, s’appliquer � toutes les situations et � toutes les perturbations, notamment m�t�orologiques.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. C’est monsieur m�t�o qui s’en charge !

M. Jean Mallot. Vous avez compris, monsieur le rapporteur, et je vois que vous faites droit � ma remarque.

Si vous vouliez vraiment am�liorer le service aux usagers, vous vous int�resseriez aux vraies causes de dysfonctionnement, les plus nombreuses provenant d’incidents techniques et d’al�as climatiques. En r�alit�, le gr�viste a bon dos. Allez-vous demander aux volcans islandais qui, tels l’Eyjafj�ll en 2010, ont des vell�it�s d’�ruption, de vous en informer 48 heures � l’avance ?

En r�alit�, l’UMP et son gouvernement veulent plus directement faire croire aux Fran�ais qu’ils vont instaurer un service minimum…

M. Thierry Mariani, ministre. Garanti !

M. Jean Mallot.…dans le transport a�rien de voyageurs. Alors bien s�r, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous jouez sur les mots. Je viens de l’entendre � l’instant : service minimum, service garanti, et ainsi de suite.

Mais, cher monsieur Mariani, vous avez crach� le morceau ici m�me, dans cet h�micycle, mardi 7 f�vrier, lors de la s�ance des questions au Gouvernement. En r�ponse � l’interrogation de notre excellente coll�gue Fran�oise Branget, � propos de la SNCF et de la RATP et du droit de gr�ve dans ces deux �tablissements depuis 2007, vous avez d�clar� : � Nous avons instaur� un service minimum […] qui permet aujourd’hui aux usagers de ne plus �tre p�nalis�s. C’est ce que nous voulons faire dans le secteur a�rien […] ï¿½

M. Fran�ois Rochebloine. Et heureusement !

M. Jean Mallot. Ce sont les propos du ministre, je vous renvoie au compte rendu.

Depuis le d�but votre op�ration, les observateurs ne s’y �taient d’ailleurs pas tromp�s. Citons le journal Les �chos du 20 d�cembre dernier : � Le gouvernement veut profiter des gr�ves dans l’a�rien pour imposer le service minimum. ï¿½ Et le m�me journal titrait le 21 d�cembre : � Le gouvernement veut briser la gr�ve dans les a�roports. ï¿½ Car tel est bien votre cible : le droit de gr�ve.

M. Thierry Mariani, ministre. Vous avez cit� L’Humanit� ?

M. Jean Mallot. D’ailleurs, vous-m�me, monsieur le ministre, vous l’avez �crit dans une tribune publi�e le 24 janvier 2012 : � Transport a�rien : pour en finir avec les gr�ves � r�p�tition ï¿½.

En fait, notre coll�gue Diard, sauf le respect que je lui dois, n’aura �t�, sa proposition de loi � la main, que l’instrument de cette volont� de s’attaquer au droit de gr�ve.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Zut ! Je suis d�couvert !

M. Jean Mallot. Vous ne cherchez pas � am�liorer le confort des usagers, pas m�me � pr�venir les conflits sociaux, vous voulez emp�cher que les conflits sociaux ne d�bouchent sur une gr�ve.

Pour ce faire, dans une d�marche qui remet en cause le principe constitutionnel du droit de gr�ve, vous proc�dez � un d�calque inappropri� des dispositifs de la loi du 21 ao�t 2007 sur le dialogue social et la continuit� du service public dans les transports terrestres r�guliers de voyageurs.

Je rel�ve au passage que le recours � une proposition de loi au lieu d’un projet de loi vous dispense de produire une �tude d’impact, obligatoire pour les projets de loi depuis 2009.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. J’en regretterais presque cette initiative !

M. Jean Mallot. Cette �tude d’impact aurait pourtant �t� int�ressante. Elle vous aurait oblig� � faire l’�valuation de la loi du 21 ao�t 2007, apr�s quatre ans et demi d’existence. Elle vous aurait aussi oblig� � justifier le recours � la loi au regard des objectifs poursuivis. Car si vos objectifs �taient ceux que vous proclamez, vous n’auriez pas besoin d’une loi.

En �valuant la loi du 21 ao�t 2007, vous auriez fait le constat que, contrairement � vos affirmations, elle n’a pas instaur� un service minimum, mais, comme l’a dit Alain Vidalies lors d’un d�bat ici m�me en 2010, elle recherche une organisation optimale du service avec les personnels non gr�vistes.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Ce n’est pas l’avis de notre coll�gue Patrick Beaudouin !

M. Jean Mallot. Car s’il y a 100 % de gr�vistes, vous l’avez vous-m�me reconnu, il n’y a pas de service. La loi n’a donc pas chang� grand-chose.

Notamment, elle n’a pas trait� les vraies causes des dysfonctionnements. La plupart du temps, ceux qui prennent le train le savent bien, elles sont dues � des d�faillances du mat�riel sur les grandes lignes ferroviaires ou au mauvais �tat des voies sur les lignes r�gionales.

Mais votre glissement d’un secteur � l’autre, des transports terrestres de voyageurs au transport a�rien de passagers, se heurte � une difficult� de taille qui vous am�ne � franchir la fronti�re de l’anticonstitutionnalit�. C’est d’ailleurs pourquoi nous saisirons le Conseil constitutionnel d�s l’adoption �ventuelle de cette proposition de loi, si par malheur vous n’adoptiez pas ma motion de rejet. Car contrairement aux salari�s vis�s par la loi de 2007, les salari�s du secteur priv� � qui vous voulez imposer des contraintes de pr�avis ne sont pas charg�s d’une mission de service public. Le transport a�rien est un secteur lib�ralis�, concurrentiel, qui n’est quasiment jamais soumis � des obligations de service public.

Je rappelle que, dans sa d�cision du 16 ao�t 2007 sur le projet de loi qui allait devenir la loi du 21 ao�t 2007, le Conseil constitutionnel avait consid�r� : � L’obligation de d�claration pr�alable institu�e par le [projet de loi], qui ne saurait �tre �tendue � l’ensemble des salari�s, n’est opposable qu’aux seuls salari�s dont la pr�sence d�termine directement l’offre de services. ï¿½ Le champ d’application de la proposition de loi que nous �tudions ce soir pose probl�me, car il comprend des salari�s qui accomplissent des t�ches p�riph�riques au vol lui-m�me.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Pas du tout !

M. Jean Mallot. Le traitement des bagages, la fourniture de nourriture en vol, sont-ce l� des activit�s dont les salari�s sont tous en situation de d�terminer directement l’offre de services ? Non.

Par extension, pourquoi ne pas interdire la gr�ve aux fournisseurs de glycol en cas de grand froid ?

M. Thierry Mariani, ministre. Parce qu’il y a des stocks !

M. Jean Mallot. Cela dit, votre retour sur la loi de 2007 vous donne l’occasion de traiter une de ses failles, que nous avions d’ailleurs mise en �vidence � l’�poque, � savoir la situation cr��e par les salari�s qui se d�clarent gr�vistes 48 heures � l’avance, et qui finalement, le jour venu, se pr�sentent � leur poste de travail. Dans ce cas, le salari� n’est pas gr�viste, mais le service est d�sorganis�.

Alors, pour r�soudre cette difficult�, et peut-�tre pour faire pi�ce au droit de gr�ve, vous avez invent� le devoir de gr�ve, l’obligation de gr�ve. Le salari� qui, ayant annonc� son intention de faire gr�ve 48 heures � l’avance, changerait d’avis, devrait en informer l’entreprise 24 heures avant de reprendre le travail. Singuli�re disposition.

Apr�s r�flexion, et � la suite de nos observations en s�ance, vous avez compris que cette disposition �tait absurde, voire anticonstitutionnelle. M. le ministre a reconnu qu’elle reviendrait � ï¿½ prolonger la gr�ve de 24 heures ï¿½ et il a jug� qu’il fallait donc trouver autre chose. Pourtant, la proposition de loi a �t� examin�e en nouvelle lecture en commission du d�veloppement durable hier apr�s-midi, et M. le rapporteur n’a pas �t� en mesure de formuler une quelconque proposition alternative.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Je l’ai fait cet apr�s-midi !

M. Jean Mallot. Nous �tions en commission hier, c’�tait le moment.

M. Thierry Mariani, ministre. Nous allons d�battre d’un amendement pour y rem�dier.

M. Jean Mallot. Vous avez quand m�me mis du temps pour r�parer une pareille b�vue, et nous allons voir tout � l’heure ce qu’il en est. Le travail de commission aurait m�rit� d’�tre complet, s’agissant d’une disposition d�terminante de ce texte de loi, et d’une absurdit� qu’il fallait corriger, le ministre l’a lui-m�me reconnu.

Sous r�serve des amendements que nous d�couvrirons tout � l’heure en s�ance, nous restons donc dans l’absurde !

Comme nous l’avons vu, votre cible est bien le droit de gr�ve, vous l’avez d’ailleurs reconnu par vos r�actions tout � l’heure. Or la mise au point de cette proposition de loi n’a fait l’objet � aucun moment de la moindre concertation formelle avec les partenaires sociaux. Vous avez ainsi foul� aux pieds tant l’esprit que la lettre de la loi Larcher du 31 janvier 2007 sur le dialogue social.

Cette proposition de loi, notamment dans son article 2, pr�tend imposer le dialogue social pour �viter les conflits sociaux ; pourtant, elle commence par contourner ledit dialogue social.

J’ai mentionn� le contournement de l’article L. 1 du code du travail, par le biais du recours � une proposition de loi plut�t qu’� un projet de loi.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Que faites-vous de l’initiative parlementaire ?

M. Jean Mallot. Je veux �galement noter l’attribution de cette proposition de loi � la commission du d�veloppement durable, pour contourner l’application du protocole dont s’est dot�e la commission des affaires sociales afin de soumettre � concertation pr�alable les propositions de loi qui interviennent dans ce champ.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. C’est un argument r�chauff� !

M. Jean Mallot. J’observe enfin que, contrairement � la logique et � tous les usages, la commission des affaires sociales, sur un sujet qui traite pourtant du droit de gr�ve, ne s’est m�me pas saisie pour avis.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. C’est son droit !

M. Jean Mallot. Il est vrai que ces pratiques de contournement du dialogue social deviennent monnaie courante.

Nous avons examin� ici m�me, il y a quelques jours, une proposition de loi relative au fonctionnement des comit�s d’entreprise, sans attendre le r�sultat, � quelques semaines pr�s, de la n�gociation sociale en cours sur ce sujet.

De m�me, le Pr�sident de la R�publique sortant ayant lanc� une n�gociation sociale nationale sur son intention de d�velopper les contrats dits � comp�titivit� emploi ï¿½, les d�put�s du groupe UMP, via l’article 40 d’une proposition de loi sur la pr�tendue simplification du droit, ont vot� ici m�me, il y a quelques jours, une disposition qui porte atteinte � la valeur des contrats de travail et qui anticipe sur ce que la droite voudrait obtenir � travers les contrats comp�titivit� emploi.

Cette proposition de loi est une illustration suppl�mentaire de cette � conception autoritaire de la d�mocratie ï¿½, relev�e par le secr�taire g�n�ral de la CFDT dans la presse, pas plus tard que ce matin.

Apr�s avoir feint d’encourager la n�gociation collective pendant cinq ans, notamment avec les accords sur la formation professionnelle, sur le march� du travail ou encore sur la repr�sentativit� syndicale, le pr�sident sortant et l’UMP fustigent les � corps interm�diaires ï¿½.

Nous le voyons, � l’approche d’une �ch�ance �lectorale difficile pour elle, la droite est confront�e � une situation �conomique et sociale d�sastreuse.

Le ministre du travail fait pression sur les entreprises pour qu’elles reportent leurs plans sociaux apr�s la pr�sidentielle. Nous avons maints exemples de cette pratique. Le t�l�phone fonctionne beaucoup au minist�re du travail !

L’UMP joue la strat�gie de la tension. Elle veut dresser les Fran�ais les uns contre les autres, les gr�vistes contre les usagers des transports a�riens.

La d�cision de recourir � la proc�dure acc�l�r�e pour l’examen de cette proposition de loi en est une preuve suppl�mentaire. Nous avons d’ailleurs vu que l’UMP n’a m�me pas pris la peine de rechercher un consensus en commission mixte paritaire ! (M. le rapporteur s’exclame.)

Le pr�sident de la CMP, qui est d’ailleurs le pr�sident de la commission du d�veloppement durable de notre assembl�e, apr�s avoir � peine donn� la parole aux deux rapporteurs, a d�cid� qu’un texte commun ne pourrait pas �tre r�dig�. Et il a sans d�lai mis fin aux travaux de la commission mixte paritaire.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Il n’y a pas eu de texte adopt� par le S�nat !

M. Thierry Mariani, ministre. Il a �t� rejet� !

M. Jean Mallot. La majorit� de droite est provocatrice, monsieur le ministre. Pour des raisons �lectoralistes, elle va jusqu’� s’attaquer au droit de gr�ve, sans am�liorer en rien les services de transport.

C’est ce que nous d�non�ons. Voil� pourquoi, mes chers coll�gues, je vous invite � voter cette motion de rejet pr�alable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Jean Proriol. Certainement pas !

Mme la pr�sidente. La parole est � M. le ministre.

M. Thierry Mariani, ministre. Je serai tr�s bref, parce que les d�bats se suivent et que les arguments de M. Mallot se ressemblent.

M. Jean Mallot. Et les v�tres, ils changent ?

M. Thierry Mariani, ministre. Non, ce qui prouve que nous sommes constants. Et, au moins, lorsque nous votons une loi, nous la d�fendons. Car je constate par exemple, comme l’a rappel� �ric Diard, que le parti socialiste a compl�tement chang� d’avis pour la loi sur le service minimum de 2007. Et je suis persuad� que, le jour lointain o� vous reviendrez aux affaires, vous ne changerez pas cette loi !

Vous nous avez fait deux reproches essentiels. D’abord, vous regrettez que cette loi ne concerne qu’une obligation, et qu’elle se limite aux gr�ves ; c’est vrai, elle ne concerne pas les volcans…

Si, au parti socialiste, vous avez un moyen, quarante-huit heures � l’avance, de pr�venir de mani�re tr�s s�re de l’�volution des volcans ou de la m�t�o, je suis preneur ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

Vous semblez dire que, si l’on n’est pas capable de pr�voir l’activit� des volcans, alors il vaut mieux ne rien faire. C’est votre doctrine permanente pendant cette campagne : � Ne bougeons surtout pas, nous risquerions de faire un progr�s ! ï¿½

Votre deuxi�me reproche me semble assez curieux de la part de quelqu’un comme vous, qui a l’habitude du Parlement. Vous affirmez que nous sommes pass�s par une proposition de loi, donc par l’initiative parlementaire, au lieu de recourir � un projet de loi d’initiative gouvernementale.

M. Jean Mallot. Oui, pour contourner les contraintes li�es � un projet de loi !

M. Thierry Mariani, ministre. D’abord, souffrez qu’�ric Diard, d�put� de Marignane, ait d�pos� ce texte avant la gr�ve de No�l.

M. Jean Mallot. Il l’a d�clench�e ! (Sourires.)

M. Thierry Mariani, ministre. Cette proposition de loi datait en effet du mois de novembre dernier.

En affirmant que les propositions de loi nous permettent d’�viter les �tudes d’impact, vous semblez regretter qu’il existe des textes d’initiative parlementaire. C’est un raisonnement un peu pernicieux…

M. Jean Mallot. Non, je regrette qu’il n’y ait pas d’�tudes d’impact sur les propositions de loi !

M. Thierry Mariani, ministre. Par cons�quent, madame la pr�sidente, je souhaite le rejet de cette motion.

Mme la pr�sidente. La parole est � M. le rapporteur.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Monsieur Mallot, vous exag�rez. Comment osez-vous dire que nous n’avons pas trouv� d’accord en commission mixte paritaire, entre une Assembl�e nationale qui d�bat et qui vote un texte, et un S�nat qui rejette la proposition de loi en votant la motion de rejet pr�alable et qui se pr�sente en commission mixte paritaire sans aucun texte ?

M. Jean Mallot. Nous aurions fort bien pu d�battre !

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Malgr� le tr�s bon pr�sident Grouard, qui �tait pr�sent, comment voulez-vous trouver un accord entre un S�nat qui a tout rejet� et une Assembl�e nationale qui a d�battu et vot� un texte ?

Mme la pr�sidente. Dans les explications de vote sur la motion de rejet pr�alable, la parole est � M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je le dirai gentiment � notre coll�gue Mallot : mauvaise foi et erreur d’analyse juridique.

Tout le monde sait que notre coll�gue Diard n’a jamais voulu r�organiser un service minimum. D’ailleurs, tout le monde sait que, constitutionnellement, vous ne pourrez pas le faire, quand bien m�me vous le voudriez.

M. Jean Mallot. Pourquoi a-t-il dit le contraire ?

M. Charles de Courson. �coutez-moi, monsieur Mallot !

Sa proposition a pour objet d’essayer d’encadrer, dans l’int�r�t du service priv� rendu aux usagers.

M. Jean Mallot. D’encadrer quoi ?

M. Charles de Courson. Car, en �conomie, il faut des clients. Vous faites donc preuve de mauvaise foi, monsieur Mallot, en affirmant que ce texte cr�e un service minimum. Vous savez parfaitement que c’est faux. C’est de la d�sinformation et de la mauvaise foi.

M. Jean Mallot. Ce n’est pas exactement ce que j’ai dit. J’ai simplement lu ce que le ministre a dit et �crit !

M. Charles de Courson. Vous faites semblant de croire � ce que vous dites, mais vous n’en croyez pas un mot !

Mme la pr�sidente. Veuillez ne pas interrompre M. de Courson, monsieur Mallot.

M. Charles de Courson. J’en viens au probl�me de la constitutionnalit� que vous avez soulev�. Ce n’est pas s�rieux. Vous avez pourtant d�j� pris l’avion, monsieur Mallot : fait-on partir un avion quand les bagages ne sont pas charg�s ?

Appliquer aux bagagistes la r�gle selon laquelle il faut annoncer son intention de faire gr�ve quarante-huit heures � l’avance est un principe de bonne organisation. Cela �vite, comme disait Maurice Thorez, de galvauder la gr�ve. Les gr�ves surprises et toutes les formes de d�gradation du droit de gr�ve ne sont pas dans l’int�r�t du dialogue social.

Par cons�quent, le groupe Nouveau Centre rejettera votre motion de rejet, qui est totalement infond�e.

M. Fran�ois Rochebloine. Tr�s bien !

Mme la pr�sidente. La parole est � M. Andr� Chassaigne.

M. Andr� Chassaigne. Bien �videmment nous voterons cette motion de rejet pr�alable. J’aurai d’ailleurs l’occasion de rappeler dans la discussion g�n�rale la justification de cette opposition.

Je souligne d’ores et d�j� que votre objectif, qui justifie par lui-m�me le rejet de ce texte et sa non-discussion, a un caract�re anticonstitutionnel. Vous avez la volont� de vous attaquer � une libert� fondamentale, le droit de gr�ve.

M. Fran�ois Rochebloine. C’est faux !

M. Andr� Chassaigne. Vous l’avez dit, vous l’avez l�ch�, vous l’avez r�p�t�. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Nous cherchons � assurer un service garanti !

M. Andr� Chassaigne. Bien s�r, vous le dites en catimini, mais, en s�ance publique, vous essayez de l’occulter.

Votre m�thode peut faire sourire. Vous pratiquez la mise en cause de nos libert�s sous forme de contrebande : un petit paquet par-ci, un autre par-l�. Mais vous avez un objectif et vous ne d�viez pas.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Quelle imagination !

M. Andr� Chassaigne. Le plus grave, dans les propos que vous tenez – mais vous allez peut-�tre vous rattraper d’ici la fin de notre discussion –, c’est que pas une fois vous ne mettez le doigt sur les raisons qui ont conduit les salari�s � faire gr�ve.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. J’en ai parl� !

M. Andr� Chassaigne. Les difficult�s ont pourtant �t� soulign�es devant notre assembl�e, dans le rapport de Daniel Goldberg et Didier Gonzales sur la s�ret� a�roportuaire et le d�fi de l’adaptation aux risques. J’en ai relu des extraits.

M. Didier Gonzales. Bonne lecture !

M. Andr� Chassaigne. Il y a un manque de dialogue, et l’on peut comprendre que des salari�s fassent gr�ve. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Je trouve inacceptable que l’on s’attaque � ce droit fondamental.

Mme la pr�sidente. La parole est � M. Jean-Paul Chanteguet.

M. Jean-Paul Chanteguet. Nous voterons cette motion de rejet pr�alable.

M. Fran�ois Rochebloine. Ah bon !

M. Jean-Paul Chanteguet. Diff�rents arguments ont d�j� �t� avanc�s et nous aurons l’occasion, dans la discussion g�n�rale, de revenir � certains points.

Nous voterons cette motion de rejet pr�alable tout d’abord parce qu’il s’agit d’une proposition de loi qui permet au Gouvernement de se soustraire aux obligations qui lui incombent lorsqu’il d�pose un projet de loi.

Ensuite, cette proposition de loi concerne le droit de gr�ve, qui sera ainsi encadr�. Or elle n’a fait l’objet d’aucune concertation avec les partenaires sociaux.

M. Mallot l’a indiqu�, il y a quelques instants, le Conseil d’�tat n’a pas rendu d’avis, malgr� de s�rieuses questions de constitutionnalit�. Aucune �tude d’impact n’a �t� regrettable.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. C’est normal, c’est une proposition de loi !

M. Jean-Paul Chanteguet. Enfin, Jean Mallot l’a dit � plusieurs reprises, la commission des affaires sociales ne s’est pas saisie de ce texte, ce qui est particuli�rement regrettable.

Pour toutes ces raisons, et d’autres, nous voterons la motion de rejet pr�alable.

(La motion de rejet pr�alable, mise aux voix, n’est pas adopt�e.)

Discussion g�n�rale

Mme la pr�sidente. Dans la discussion g�n�rale, la parole est � M. Charles de Courson.

M. Andr� Chassaigne. Il faut s’attendre � un �talage r�actionnaire !

M. Charles de Courson. Madame la pr�sidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers coll�gues, am�liorer la pr�visibilit� du transport a�rien en cas de gr�ve constitue le cœur de la proposition de loi pr�sent�e par notre coll�gue �ric Diard.

La majorit� s�natoriale a balay� ce texte d’un revers de main, et la CMP a constat� son d�saccord.

On ne peut que regretter que la majorit� socialiste du S�nat n’ait pas daign� examiner ce texte d’importance au regard des pr�s de 150 millions de passagers que re�oivent les a�roports fran�ais tous les ans. � croire que ces enjeux ne vous concernent pas...

Au contraire, le groupe du Nouveau Centre a conscience des blocages existant aujourd’hui dans le secteur a�rien. Aussi les parlementaires centristes soutiennent-ils cette proposition de loi.

Nous soutenons ce texte car il reprend en les adaptant les quatre mesures phares de la loi de 2007 sur les transports terrestres, � savoir une n�gociation pr�alable, la d�claration individuelle et confidentielle des gr�vistes quarante-huit heures avant le d�but du mouvement, la possible r�affectation des personnels et la publication des pr�visions de trafic vingt-quatre heures � l’avance.

Dans les transports terrestres, ces mesures ont fait leurs preuves. La loi de 2007 sur le service garanti, � laquelle le Nouveau Centre s’�tait associ�, a permis des avanc�es significatives.

� la SNCF, d�sormais, tous les pr�avis sont pr�c�d�s d’une demande de concertation imm�diate. L’information et le service assur� aux usagers ont ainsi �t� significativement am�lior�s.

Les �carts entre les intentions de faire gr�ve et la r�alit� des mouvements de gr�ve s’av�rent d�sormais beaucoup plus faibles et le travail de r�affectation des hommes et des moyens est � pr�sent possible.

La proposition de loi aujourd’hui examin�e reprend clairement les objectifs d’efficacit� r�clam�s par nos concitoyens, afin de ne plus conna�tre les �pisodes de blocages de milliers de passagers dans les enceintes des a�roports, comme nous l’avons encore v�cu � No�l dernier.

Concernant l’information aux usagers, si une obligation de d�claration est faite aux salari�s quant � leur participation � la gr�ve, nous continuons de penser qu’une obligation d’information doit �tre requise des compagnies a�riennes envers leurs passagers.

En effet, nous estimons que les entreprises de transport a�rien doivent �tre responsables de la bonne communication des conditions de trafic a�rien aux passagers.

Monsieur le ministre, la cr�ation d’une autorit� de la qualit� des services de transport dans les transports terrestres et a�riens aidera probablement � progresser dans ce sens.

� cette r�serve s’ajoute le constat de la mauvaise sant� du dialogue social dans notre pays, bien lacunaire dans plusieurs secteurs de notre �conomie.

Nous devons travailler � renforcer ce m�canisme pr�ventif indispensable au bon fonctionnement de l’�conomie. L’article 2 de ce texte pr�voit des discussions. C’est un gage donn� � l’espoir de plus de dialogue � l’avenir entre les acteurs �conomiques du secteur a�rien. J’exprime au nom du groupe Nouveau Centre le souhait que la prochaine l�gislature travaille � encourager partout le dialogue social dans toutes les branches professionnelles.

M. Jean Mallot. Il faut l’inscrire dans la Constitution !

M. Charles de Courson. Au-del� de ces consid�rations, les d�put�s du Nouveau Centre voteront en faveur de cette proposition de loi, qui permettra de d�passer les blocages actuels. Comme dans les transports terrestres, nous observerons dans quelques mois, les bienfaits de l’application d’un service garanti dans le secteur a�rien. (Applaudissements sur les bancs des groupes NC et UMP.)

Mme la pr�sidente. La parole est � M. Andr� Chassaigne.

M. Andr� Chassaigne. Madame la pr�sidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers coll�gues, les d�put�s communistes, r�publicains et du parti de gauche renouvellent leur opposition totale � cette proposition de loi visant � emp�cher l’exercice du droit de gr�ve dans le transport a�rien. Ce texte constitue une entaille de plus dans le droit de gr�ve. Il rev�t une gravit� particuli�re car, en rabotant le droit de gr�ve de salari�s du secteur priv�, il ouvre la voie � un encadrement g�n�ralis� de ce droit pour l’ensemble des salari�s de notre pays.

M. Jean Mallot. C’est clair !

M. Andr� Chassaigne. C’est une provocation pour les travailleurs du secteur a�rien, dont la pr�carit� et les difficiles conditions de travail sont connues de tous. Comme le signale la CGT, et avec elle tout le front syndical, uni, ce midi, � proximit� de notre h�micycle, � C’est notre pouvoir de revendication nationale qui est en jeu ï¿½ !

Avant de cr�er des entraves l�gislatives au droit de cesser le travail, vous �tes-vous une seconde demand� pourquoi les salari�s d�brayaient ? Vous �tes-vous interrog�s sur les motivations de ces personnels qui font le sacrifice de plusieurs journ�es de salaire en p�riode de crise ?

M. Jean Mallot. Exactement !

M. Andr� Chassaigne. Vous versez de grosses larmes sur les cons�quences des gr�ves mais vous ne vous interrogez jamais sur leurs causes. C’est pour d�fendre leurs conditions de travail, leur emploi, leurs salaires, leurs droits qu’ils se mobilisent !

M. Jean Mallot. Tout � fait !

M. Andr� Chassaigne. Nous avons d�j� eu l’occasion d’affirmer, en premi�re lecture, que les pr�textes avanc�s par la majorit� et le Gouvernement pour justifier cette r�forme �taient totalement infond�s.

M. Jean Mallot. Totalement !

M. Andr� Chassaigne. Avec les salari�s, nous pouvons demander : y a-t-il aujourd’hui un probl�me de pr�visibilit� des conflits sociaux dans les transports a�riens ? Non !

M. Didier Gonzales. Si !

M. Andr� Chassaigne. Chacun sait que c’est non ! Nombre de professions du secteur sont d�j� tenues de d�poser un pr�avis de gr�ve, ce qui permet de rendre public tout conflit : les agents de s�ret�, les contr�leurs a�riens, les personnels d’A�roports de Paris... Les compagnies a�riennes n’ont en r�alit� aucune difficult� � pr�voir et anticiper les mouvements sociaux, vous le savez tr�s bien. Cette proposition de loi instaurerait le dispositif de l’alarme sociale visant � obliger les partenaires sociaux � se mettre autour d’une table pour n�gocier en cas de d�claration de gr�ve. Mais, ici encore, y a-t-il un blocage du dialogue social dans les entreprises du secteur du transport a�rien ? Non ! Les organisations repr�sentatives des salari�s et des employeurs se rencontrent r�guli�rement. Le secteur des transports a�riens n’est pas une bulle isol�e o� le droit du travail n’aurait pas cours. Permettez-moi de citer une nouvelle fois la f�d�ration CGT des transports : � La gr�ve est la cons�quence d’un long processus de n�gociation de plusieurs semaines qui n’aboutit pas, et ce n’est pas en ajoutant une p�riode de huit jours dans le transport a�rien, d�j� mise en place dans les transports terrestres avec l’inefficacit� que l’on conna�t, que l’on changera quoi que ce soit.� Le plus souvent, lorsqu’il y a gr�ve, c’est, en quelque sorte, que la direction l’a voulu !

M. Charles de Courson. C’est la faute du patron !

M. Fran�ois Rochebloine. Vous tenez le m�me langage lorsque vous �tes sur le terrain ?

Mme la pr�sidente. Monsieur Rochebloine, s’il vous pla�t ! Vous avez seul la parole, monsieur Chassaigne !

M. Andr� Chassaigne. Monsieur Rochebloine, �vitez d’aboyer de cette fa�on quand vous �tes en difficult�, ou allez aboyer avec les salari�s de votre circonscription !

M. Fran�ois Rochebloine. C’est de l’agression !

Mme la pr�sidente. M. Chassaigne a la parole et lui seul !

M. Andr� Chassaigne. Existe-t-il des dysfonctionnements dans le transport a�rien en France ? Oui ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) L’observatoire des retards, dans ses rapports annuels, a �tabli que les retards constat�s �taient dus, dans l’�crasante majorit� des cas, � des d�faillances techniques, � des probl�mes structurels. Cela n’a donc rien � voir avec le vieux mythe de salari�s qui voudraient prendre les gens en otages !

La mobilisation des personnels contre ce projet de loi dans la semaine du 6 f�vrier a d’ailleurs �t� l’illustration de l’inutilit� absolue de votre dispositif. En d�pit de son ampleur, le mouvement a donn� lieu � tr�s peu d’annulations de vol � ï¿½ chaud ï¿½. Le programme de vols d’Air France a �t� r�alis� � hauteur de 75 %. La direction a affirm� avoir envoy� des centaines de milliers de mails et de SMS pour informer les voyageurs. Est-ce cela que vous appelez � un trouble � l’ordre public ï¿½ ? En r�alit�, les dysfonctionnements que conna�t le secteur du transport a�rien sont le r�sultat �vident du dogme de la concurrence libre et non fauss�e. Pression sur les co�ts, sur les salaires, sur les conditions de travail, pr�carisation, acc�l�ration effr�n�e des rotations : les retards, les blocages et le manque d’information des voyageurs ne sont pas le r�sultat des gr�ves, mais celui des privatisations et de la lib�ralisation ! Aucun bilan n’a �t� tir� du d�mant�lement de l’op�rateur public, de la multiplication des entreprises accourues sur le march� apr�s sa d�r�glementation totale.

Sur le plan de l’emploi, le bilan est en tout cas tr�s n�gatif. Les plans sociaux se multiplient, � Air France comme ailleurs.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Il n’y a pas de licenciements � Air France !

M. Andr� Chassaigne. � ces licenciements s’ajoutent les op�rations de filialisation et de recours massif � la sous-traitance. C’est � ce d�p�rissement des conditions et des outils de travail qu’il faut imputer les difficult�s.

Venons-en au cœur de l’affaire. Ce texte de loi n’a qu’un but : casser la gr�ve, emp�cher les salari�s de se d�fendre, emp�cher les salari�s de revendiquer des droits, emp�cher les salari�s de prot�ger leur emploi ! (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.) Cette proposition de loi poursuit le vieux r�ve du patronat d’emp�cher les mouvements sociaux. Nicolas Sarkozy, que vous connaissez peut-�tre encore, s’est fait fort de rendre invisibles les gr�ves et les revendications des travailleurs,…

M. Fran�ois Rochebloine. C’est vous qui vous moquez des travailleurs !

M. Andr� Chassaigne. …et ce texte est la continuation d’un projet r�actionnaire dont on a d’ailleurs mesur� les effets particuli�rement r�ussis ! La preuve en est que nous discutons d’un tel texte aujourd’hui !

L’arme de destruction massive des mobilisations, c’est l’obligation de se d�clarer gr�viste quarante-huit heures � l’avance.

M. Charles de Courson. L’arme atomique !

M. Andr� Chassaigne. Cette obligation, vous le savez tr�s bien, va � l’encontre du droit de gr�ve, qui a valeur constitutionnelle et doit exister jusqu’� la derni�re minute, comme l’a tr�s bien expliqu� mon coll�gue Jean Mallot. Je cite l’excellent rapport du S�nat, r�dig� par la commission des affaires sociales que pr�side par ma coll�gue Annie David : � Le fait est qu’il n’est pas possible de transposer toutes les dispositions de la loi de 2007 [sur le service minimum dans les transports] � un secteur lib�ralis�, hautement concurrentiel et o� la plupart des acteurs sont priv�s.� Faut-il vous rappeler que, dans les entreprises priv�es, la l�gislation ne pr�voit ni pr�avis de gr�ve ni dates de d�but et de fin pr�d�termin�es ?

Avec votre texte, les salari�s sont d�sormais oblig�s de � se d�noncer ï¿½ � leur patron. En effet, cette autod�claration de participation au mouvement de gr�ve ne pourra pas �tre � confidentielle ï¿½, contrairement � ce que pr�cise le texte de la proposition de loi. De toute �vidence, les services de comptabilit� des entreprises doivent n�cessairement conna�tre le nom des personnels gr�vistes pour effectuer les retenues sur salaires correspondant au nombre de jours non travaill�s.

M. Charles de Courson. C’est d�j� le cas !

M. Andr� Chassaigne. Alors, arr�tez avec vos r�p�titions et cessez d’inscrire des �normit�s dans les textes de loi que vous nous proposez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

� l’heure o� les compagnies a�riennes r�duisent leurs effectifs � tour de bras, qui pourra se d�clarer gr�viste sans courir le risque du licenciement ? Quel salari� en contrat � dur�e d�termin�e pourra le faire ? � l’heure o� les contrats de travail et la maintenance des appareils des compagnies fran�aises sont d�localis�s � l’�tranger pour �tre moins co�teux, tout le monde comprend que cette forme de fichage des salari�s gr�vistes signifie dans les faits la fin du droit de gr�ve.

� cette obligation de se d�clarer � l’avance, vous en avez ajout� une autre en premi�re lecture : celle, dans les transports terrestres, de ne pas aller travailler lorsqu’on s’est d�clar� gr�viste.

M. Fran�ois Rochebloine. Eh oui, c’est le minimum !

M. Andr� Chassaigne. En voulant �viter que le m�canisme de votre service minimum soit d�tourn� – ce qui, au passage, en d�montre la stupidit� – par des gr�vistes qui se d�diraient, vous inventez une sorte de sanction pour � d�lit de travail � !

M. Fran�ois Rochebloine. Heureusement ! C’est le minimum !

Mme la pr�sidente. Monsieur Rochebloine !

M. Andr� Chassaigne. En effet, si un salari� ne souhaite plus poursuivre la gr�ve, il doit en informer sa hi�rarchie vingt-quatre heures � l’avance, sans quoi il s’expose � des sanctions disciplinaires !

M. Fran�ois Rochebloine. Les usagers vous int�ressent-ils ?

M. Andr� Chassaigne. �a ne manque pas de piquant, chers coll�gues, pour un gouvernement qui se targue de valoriser le travail...

M. Jean Mallot. Bravo !

M. Fran�ois Rochebloine. Eh oui !

M. Andr� Chassaigne. C’est une disposition d’autant plus ubuesque qu’en r�gle g�n�rale, lorsqu’une n�gociation aboutit, la gr�ve s’arr�te imm�diatement.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. C’est le cas !

M. Andr� Chassaigne. Nous en arriverions au r�sultat paradoxal d’une prolongation artificielle et administrative de la dur�e des mobilisations !

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. C’est faux ! Il y a des arrangements !

M. Andr� Chassaigne. En outre, est-il possible, vingt-quatre heures � l’avance, de r�affecter des pilotes ou des agents de maintenance dont l’absence avait �t� programm�e ? Ce n’est pas s�rieux !

Pour terminer, je voudrais aborder la question de l’am�lioration de l’information des voyageurs. Vous utilisez cet objectif l�gitime pour nous refourguer votre projet de loi de destruction du droit de gr�ve. Alors, parlons-en ! Puisque vous �tes adeptes de la transparence et de la meilleure information, pourquoi ne pas exiger des compagnies qu’elles publient syst�matiquement les temps de repos des pilotes qui assurent chaque vol ? Pourquoi ne pas afficher � l’attention des passagers, avant qu’ils montent dans l’avion, le nombre d’heures de pilotage du commandant dans les quarante-huit heures qui pr�c�dent, par exemple ?

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Quel est le rapport ?

M. Fran�ois Rochebloine. C’est n’importe quoi !

Mme la pr�sidente. Veuillez conclure, monsieur Chassaigne.

M. Andr� Chassaigne. Peut-�tre que certains citoyens refuseraient de monter dans un appareil dont le pilote vient d’effectuer trois navettes, dont une internationale, sans discontinuer et qui est aux manettes depuis plus de quinze heures ?

M. Jean Mallot. C’est assez pertinent !

M. Andr� Chassaigne. Au lieu de vous attaquer � la d�gradation des conditions de travail, de l’emploi et de l’organisation de nos transports a�riens, vous montrez du doigt les salari�s ! Eh bien nous, nous sommes � leurs c�t�s sur le front des luttes !

Mme la pr�sidente. Je vous remercie...

M. Andr� Chassaigne. Les d�put�s communistes, r�publicains et du parti de gauche, partie prenante du Front de gauche, comme la totalit� du front syndical, sont vent debout contre ce texte inique ! Ils voteront �videmment contre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la pr�sidente. La parole est � M. Yanick Paternotte.

M. Yanick Paternotte. Madame la pr�sidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteure, mes chers coll�gues, nous voici � nouveau amen�s � examiner cette proposition de loi qui, adopt�e par notre assembl�e le 24 janvier dernier, a �t� rejet�e en bloc par le S�nat le 15 f�vrier. Celui-ci a, semble-t-il, consid�r� que ce texte n’�tait pas une r�ponse adapt�e. Et pourtant ce texte r�pond � une r�elle attente de nos concitoyens et � un v�ritable besoin de notre �conomie. Ce texte est utile tant pour les usagers, qui ont p�ti des derni�res gr�ves intempestives dans les transports a�riens, que pour notre �conomie mondialis�e, dont les a�roports sont les portes d’�changes modernes. J’ajouterai que de telles dispositions ont largement montr� leur efficacit�. J’en veux pour preuve les suites de la loi du 21 ao�t 2007, qui vient d’�tre �voqu�e, relative au service garanti dans les transports ferroviaires. Ce texte conciliait d�j� droit de gr�ve, alarme sociale, pr�visibilit� et information des voyageurs. Aujourd’hui, c’est la grande majorit� des syndicats de la RATP et de la SNCF qui jugent cette loi de 2007 �quilibr�e et positive !

M. Thierry Mariani, ministre. Absolument !

M. Yanick Paternotte. Il ne semble donc pas irr�aliste d’appliquer au secteur a�rien ce qui marche bien dans le ferroviaire !

� l’opposition, je le dis avec gravit� – et en particulier � mon coll�gue Chassaigne, qui vient d’atterrir –, ce texte ne bafoue nullement le droit de gr�ve, il d�fend le droit de valeur constitutionnelle qui est celui de la libert� de circulation. Ce texte r�pond � l’int�r�t g�n�ral, � l’int�r�t des consommateurs, qui ont �galement des droits : droit au respect, droit � l’information et, surtout, droit de travailler et de circuler ! (� Tr�s bien ! ï¿½ sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Cessons de croire et d’essayer de faire croire que les gr�ves sont n�cessaires au dialogue social et qu’elles en sont un pr�alable indispensable, alors qu’elles ne sont que la marque de son �chec.

Cessons de parler des droits sans aucun devoir.

Ce texte contribue manifestement au besoin de revaloriser les valeurs de dialogue, de n�gociation, de m�diation et, surtout, c’est un texte d’�quilibre entre droit de gr�ve et droit de circuler librement.

Ce texte remet tr�s clairement chaque acteur de la cha�ne face � ses responsabilit�s, car il y va de l’image de la France et de la comp�titivit� de la place a�roportuaire de Paris.

Je le soulignais d�j� lors de la premi�re lecture, les images de la gr�ve ayant paralys� en d�cembre l’a�roport de Roissy ont montr� des usagers d�sempar�s, n’apprenant souvent l’annulation de leur vol qu’une fois les contr�les de s�curit� et l’enregistrement des bagages effectu�s. Fait aggravant pour les passagers en transit, les gr�vistes choisissent de pr�f�rence les p�riodes de vacances, ou tout au moins les choisissaient.

Par ailleurs, ces �v�nements mettent souvent en jeu, m�me si c’est contest�, la s�curit� publique, et donnent une mauvaise image de notre pays.

M. Jean Mallot. Quelle image donnez-vous ? Celle de briseurs de gr�ve !

M. Yanick Paternotte. Or nous ne pouvons nous payer le luxe de n�gliger l’impact �conomique et social de nos a�roports.

J’appuierai ici mon propos sur le rapport � ï¿½valuation des impacts �conomique et social des a�roports Paris-Charles-de-Gaulle, Paris-Orly, Paris-Le Bourget pour l’ann�e 2010 ï¿½ que vient de publier le BIPE.

Les chiffres de ce rapport sont particuli�rement �loquents. Le syst�me a�roportuaire parisien produit une valeur ajout�e directe de 13,5 milliards d’euros et profite ainsi largement � l’�conomie locale, r�gionale et nationale. L’a�roport Roissy-Charles-de-Gaulle, par exemple, est g�n�rateur de 248 000 emplois. Le syst�me a�roportuaire francilien g�n�re quant � lui 340 290 emplois directs et indirects.

Le rapport du BIPE souligne notamment que la croissance des emplois sur l’emprise de Paris-Charles-de-Gaulle est sept fois plus dynamique que dans l’ensemble de la r�gion �le-de-France.

Je profite de cette analyse, monsieur le ministre, pour vous redire � quel point il est urgent que, pour alimenter cette dynamique, le m�tro automatique du Grand Paris ou tout autre moyen connecte Roissy et Paris intra-muros si nous voulons profiter de cette d�marche �conomique li�e au tourisme et au tourisme d’affaires, et urgent �galement de mieux relier les salari�s de ma circonscription habitant dans les cantons de Luzarches-Survilliers, Goussainville-Louvres, Roissy-Gonesse, qui n’ont pas facilement acc�s aux emplois de la plateforme en raison des horaires d�cal�s.

Aujourd’hui, les a�roports repr�sentent une immense force �conomique et contribuent fortement � l’attractivit� de notre pays. Reste � ma�triser le bruit et la pollution support�s par les riverains. Il y va de l’avenir de nos r�gions, de notre pays.

J’ajoute que c’est un texte tr�s abouti,…

M. Jean Mallot. Il n’est pas tr�s abouti puisqu’il y a des amendements !

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. On peut toujours faire mieux !

M. Yanick Paternotte. ...et je f�licite le rapporteur qui va nous faire de nouvelles propositions. Il a r�ussi le tour de force d’assurer un �quilibre r�el entre le droit de gr�ve, constitutionnellement garanti, et le droit des usagers, des clients, pourraient dire certains, d’aller et venir librement.

Je parlais d’un travail de fond. Cette proposition a d�j� �t� beaucoup am�lior�e en commission et en premi�re lecture, gr�ce notamment aux amendements tendant � renforcer le droit des consommateurs, en conformit� avec le droit europ�en et la circulaire de septembre 2008.

Hier, en commission, de nouvelles am�liorations ont �t� apport�es avec un assouplissement de l’article 2 par l’ajout d’une pr�cision visant � ce que les sanctions disciplinaires ne soient prises � l’encontre du salari� que si celui-ci n’informe pas l’employeur de son intention de faire gr�ve � de fa�on r�p�t�e ï¿½. Il faudrait que vous nous donniez un chiffre, monsieur le rapporteur.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. � partir de deux !

M. Yanick Paternotte. Ce n’est pas neutre. Il pourrait y avoir des jurisprudences n�gatives.

Cette proposition, mes chers coll�gues, a atteint un parfait �quilibre, m�me si certains d’entre nous regrettent, comme notre coll�gue corse, que ce v�hicule l�gislatif n’ait pas permis de trouver une solution � d’autres difficult�s de transport, comme la continuit� territoriale entre le continent et la Corse. Nous le ferons lors de la prochaine l�gislature, chaque chose en son temps. Pour l’heure, certain de la justesse et de la n�cessit� de ce texte, le groupe UMP le votera sans r�serve. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la pr�sidente. La parole est � M. Jean-Paul Chanteguet.

M. Jean-Paul Chanteguet. Madame la pr�sidente, monsieur le ministre, mes chers coll�gues, � l’occasion de l’examen en deuxi�me lecture du texte portant organisation du service et information des passagers dans les entreprises de transport a�rien de passagers, je tiens � rappeler que son inscription � l’ordre du jour de notre assembl�e n’a pas constitu� pour nous une surprise.

Nous y avions �t� pr�par�s par l’instrumentalisation par Nicolas Sarkozy de la gr�ve des agents de s�ret� � l’approche des f�tes de fin d’ann�e Il avait d�clar� en effet : � L’ann�e 2011 a �t� rude pour les Fran�ais et nous ne pouvons pas accepter que qui que ce soit soit pris en otage au moment de partir en vacances ï¿½. Nous y �tions �galement pr�par�s par la descente en force � Roissy d’une d�l�gation gouvernementale qui conduisit le ministre de l’int�rieur, Claude Gu�ant, � affirmer que, s’il avait d�cid� de faire appel � des policiers et � des gendarmes, c’�tait non pour casser la gr�ve mais pour assurer la continuit� du service.

M. Thierry Mariani, ministre. C’est vrai !

M. Jean-Paul Chanteguet. Nous le savons, ce conflit a constitu� une belle opportunit� pour tous ceux qui, dans la majorit�, attendaient, l’arme au pied, que l’on d�batte de la mise en place de dispositions permettant de limiter les d�sagr�ments dont sont victimes les passagers lors de mouvements de gr�ve dans les transports a�riens.

Pour nous, ce dernier conflit et les difficult�s g�n�r�es auraient pu �tre �vit�s, d’une part, parce que la convention collective qui r�git les salari�s des soci�t�s de s�ret� a�rienne exer�ant une mission de service public les oblige � d�poser un pr�avis de gr�ve cinq jours avant le d�but du mouvement, et, d’autre part, parce que, compte tenu de leurs conditions de travail et de leur niveau de r�mun�ration, ils avaient de bonnes raisons d’exiger une v�ritable n�gociation de la part de leurs employeurs qui, s’ils en avaient eu la r�elle volont�, aurait d� conduire � un accord.

Une fois de plus, nous pouvons avoir le sentiment que le Gouvernement a profit� d’une proposition de loi pour y introduire subrepticement son propre texte. Celle-ci n’a-t-elle pas �t� totalement r��crite puisque les articles 1er, 3 et 4 vont �tre supprim�s, que l’article 2 cr�e un nouveau chapitre du code des transports regroupant toutes les dispositions relatives au droit � l’information des passagers du transport a�rien et � l’exercice du droit de gr�ve, que l’article 2 A n’a qu’un lien t�nu avec l’objet de la proposition de loi, puisqu’il concerne la ratification de deux ordonnances ayant cr�� le code des transports, et que les articles 2 bis et 2 ter ont �t� ajout�s en s�ance � l’Assembl�e nationale, dans des conditions n’ayant pas permis leur expertise, et portent sur l’habilitation des agents � contr�ler les manquements aux dispositions d’un r�glement europ�en de 2008 sur le transport a�rien ?

Les nombreux parall�les qui sont faits avec la loi d’ao�t 2007 sous-estiment la sp�cificit� du transport a�rien, qui n’est pas r�gi par un grand op�rateur int�gr�, mais pour lequel, de l’agent de s�ret� au commandant de bord, toute une cha�ne d’intervenants contribue � la bonne r�alisation des vols.

Des dizaines de m�tiers et d’entreprises sont concern�es. Le dialogue social et les statuts des salari�s sont loin d’�tre homog�nes et si, � Air France, la n�gociation avec les pilotes est permanente, ce n’est pas le cas pour tous les autres sous-traitants de l’assistance en escale.

La principale disposition de ce texte, qui oblige les salari�s � informer le chef d’entreprise de leur intention de participer � un mouvement de gr�ve au plus tard quarante-huit heures avant, concerne essentiellement des salari�s d’entreprises priv�es, qui n’ont � ce jour aucun pr�avis de gr�ve � respecter, n’�tant soumis en la mati�re qu’au code du travail.

En s’engageant dans cette voie, nous risquons de cr�er un grave pr�c�dent puisque nous encadrons le droit de gr�ve par une d�claration individuelle pr�alable au conflit, ce qui constituerait une premi�re dans le secteur priv�.

De plus, l’Assembl�e nationale a instaur� un second d�lai. En effet, les salari�s ayant fait part de leur intention de faire gr�ve devront informer leur employeur vingt-quatre heures � l’avance soit de leur renoncement � faire gr�ve, soit de leur volont� de reprendre le travail. Ces dispositions portent atteinte � la capacit� de libre d�termination des salari�s, comme ont tenu � le rappeler les organisations syndicales.

Ce texte n’instaure pas un service minimum dans le transport a�rien, ni m�me un service garanti, puisqu’il n’est pas pr�vu de r�quisition des salari�s gr�vistes. Il ne constitue pas la r�ponse adapt�e aux difficult�s que rencontrent les voyageurs en cas de perturbation du trafic a�rien cons�cutive � un conflit social. Il s’inscrit dans la longue liste des atteintes � ce droit constitutionnel et fondamental qu’est le droit de gr�ve.

Ce n’est pas en opposant droits des usagers et droits des salari�s que l’on apaisera la situation sur les plateformes a�roportuaires. C’est en soutenant les efforts entrepris par tous les acteurs, pouvoirs publics, donneurs d’ordres et employeurs, pour revaloriser les statuts, am�liorer les conditions de travail et mieux reconna�tre tous ceux dont l’action est parfois invisible ou mal comprise du passager.

Pour nous, la faiblesse actuelle du dialogue social ne saurait justifier l’encadrement du droit de gr�ve, comme le propose la majorit�.

C’est pourquoi, comme en premi�re lecture, nous voterons contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme la pr�sidente. La discussion g�n�rale est close.

La parole est � M. le ministre.

M. Thierry Mariani, ministre. Mesdames, messieurs, cette proposition de loi est un texte indispensable qui r�pond, vous l’avez dit, monsieur Paternotte, � la demande et aux pr�occupations de nos concitoyens.

Comme vous l’avez affirm�, monsieur de Courson, il s’agit d’organiser et de reconna�tre le droit � une information fiable et pr�cise des passagers du transport a�rien. Il s’agit bien d’un service garanti, et non d’un service minimum impos� aux salari�s. C’est bien pourquoi ce texte vise l’ensemble des entreprises, qui sont nombreuses, du transport a�rien.

Vous avez raison de rappeler que cette proposition n’est en rien un texte de circonstance, et qu’elle n’a aucun lien avec le r�cent conflit ayant affect� la s�ret� a�roportuaire.

M. Marcel Rogemont. �a, c’est un scoop !

M. Thierry Mariani, ministre. En t�moigne la date de d�p�t, le 22 novembre, de la proposition de M. Diard, dont je salue le gros travail, le conflit des agents de s�ret� a�roportuaires ayant d�but� en d�cembre.

M. Marcel Rogemont. C’est l’inscription � l’ordre du jour qui est importante !

M. Thierry Mariani, ministre. Ce texte n’est pas une mise en sc�ne pour contourner le droit, notamment le droit de gr�ve, auquel je suis, comme tous les membres de cet h�micycle, particuli�rement attach�.

Il n’ouvre en rien la voie, monsieur Chassaigne, � un encadrement g�n�ralis� du droit de gr�ve pour tous les salari�s, comme vous avez essay� de le laisser croire. Il ne s’agit pas non plus de dupliquer int�gralement le dispositif de la loi de 2007 ni de mettre en place un service minimum dans les transports a�riens. Il ne s’agit pas davantage de soumettre � l’obligation de d�claration individuelle d’intention l’ensemble des salari�s du champ du transport a�rien ; cela concerne seulement ceux dont l’absence serait de nature � affecter directement la r�alisation des vols.

Nous n’avons pas non plus l’intention, monsieur Gonzales, d’entraver le droit de gr�ve, nous voulons au contraire affirmer, s’il en �tait besoin, la primaut� du dialogue social et de la pr�vention des conflits, pr�occupation que nous pouvons tous partager.

L’objectif de ce texte n’est pas de jeter le discr�dit sur les organisations syndicales…

M. Fran�ois Brottes. Bien s�r que si !

M. Thierry Mariani, ministre. …ni d’opposer les salari�s aux passagers du transport a�rien, encore moins de r�former les r�gles relatives � la r�quisition.

Bref, vous l’avez compris, sauf si vous refusez de comprendre, l’objectif de ce texte n’est pas de diviser, c’est d’apaiser.

M. Fran�ois Rochebloine. Tr�s bien !

M. Thierry Mariani, ministre. Monsieur Chanteguet, ce projet a fait l’objet de nombreuses consultations par les rapporteurs du projet de l’ensemble des partenaires sociaux qui l’ont souhait�, tant syndicaux que patronaux. J’ai moi-m�me re�u l’intersyndicale et rappel� � plusieurs reprises que j’�tais disponible pour recevoir tous ceux qui le souhaitaient. Le rapporteur a re�u plus de vingt-huit interlocuteurs, comme en t�moignent les annexes de son rapport.

Monsieur Mallot, l’article L.1 du code du travail ne s’applique pas au pr�sent texte dans la mesure o� c’est une proposition de loi…

M. Marcel Rogemont. Ce n’est pas tr�s courageux de la part du Gouvernement !

M. Thierry Mariani, ministre. …et o� elle ne rel�ve pas du champ de la n�gociation nationale et interprofessionnelle.

Cette proposition de loi, nous le savons tous, monsieur Chassaigne, n’emp�chera en aucun cas les personnels concourant � l’activit� des transports a�riens de faire gr�ve, s’ils le souhaitent, pour porter leurs revendications. Vous pourrez ainsi, comme d’habitude, aller les soutenir ! En revanche, leurs d�clarations permettront aux entreprises de conna�tre � l’avance l’�tat de leur effectif disponible, et donc aux passagers de savoir enfin, la veille de leur d�part, si leur vol est assur�.

Il est l�gitime de chercher � prot�ger les clients des compagnies a�riennes. L’une des missions r�galiennes de l’�tat est de veiller au respect de la libert� d’aller et venir en assurant sa conciliation avec le droit de gr�ve.

J’observe une fois de plus que de nombreux pays europ�ens ont pris des dispositions en ce domaine, y compris d’ordre l�gislatif, la Su�de, le Royaume-Uni, l’Espagne, mais aussi l’Italie.

Je ne vois pas au nom de quel principe, dans notre pays, il nous serait interdit de prendre les dispositions juridiques qui nous semblent les plus appropri�es, dans le respect, comme je l’ai d�j� dit, du droit de gr�ve.

La r�forme propos�e respecte les �quilibres indispensables entre le droit de gr�ve et la sauvegarde de l’ordre public.

Comme l’a dit M. Paternotte, cette proposition de loi me para�t donc concilier le respect du droit de gr�ve avec la l�gitime pr�occupation d’assurer la libert� de se d�placer, de pr�server la n�cessaire s�curit� publique dans les a�roports.

Au moment o� nos compagnies a�riennes, notamment la premi�re d’entre elles, sont dans une situation fragile et tr�s fortement concurrentielle, c’est peut-�tre aussi un moyen, parmi d’autres, de leur apporter un peu plus de s�curit�, de favoriser le d�veloppement de leur activit� et de concourir au maintien de l’emploi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Discussion des articles

Mme la pr�sidente. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

Article 1er

Mme la pr�sidente. La commission a maintenu la suppression de l’article 1er.

Article 2A

(L’article 2A est adopt�.)

Article 2

Mme la pr�sidente. La parole est � M. Didier Gonzales, inscrit sur l’article 2.

M. Marcel Rogemont. Il ne pourrait pas faire gr�ve ? (Sourires.)

M. Didier Gonzales. C’est le service minimum ! (Sourires.)

La gr�ve des agents de s�ret� qui a eu lieu en d�cembre dernier est venue apporter un �clairage difficile � la proposition de loi de notre coll�gue �ric Diard. Ce conflit est intervenu juste apr�s le d�p�t de notre rapport sur la s�ret� a�roportuaire. Avec Daniel Goldberg, nous nous sommes efforc�s de travailler dans un esprit constructif,…

M. Jean-Paul Chanteguet. C’est vrai !

M. Didier Gonzales. …et, oui, monsieur Chassaigne, nous avons constat� des difficult�s dans cette profession.

Cette proposition de loi a vocation, non pas � r�soudre les probl�mes de la profession des agents de s�ret�, mais � �viter les cons�quences dramatiques des crises graves que cette derni�re a connues. Cela n’exclut pas, bien s�r, une r�flexion sur la s�ret� dans son ensemble.

Cependant, cette �ni�me gr�ve, touchant les voyageurs en p�riode de vacances scolaires, est la gr�ve de trop. Les prises d’otages � r�p�tition sont particuli�rement mal v�cues par les voyageurs.

M. Marcel Rogemont. � Prises d’otages ï¿½, c’est excessif !

M. Didier Gonzales. Le transport a�rien, c’est soixante-trois jours de gr�ve en 2011, et souvent pendant les vacances scolaires. Mes chers coll�gues, aux commandes d’un bus, on doit faire une d�claration pr�alable pour se mettre en gr�ve et aux commandes d’un Airbus, on ne le devrait pas ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Thierry Mariani, ministre. C’est beau !

M. Didier Gonzales. Je n’en attendais pas moins !

Si les difficult�s sociales et professionnelles doivent entrer en ligne de compte, on ne doit pas prendre en otages les voyageurs, qui n’ont pas � �tre pi�g�s par la gr�ve.

Les trois objectifs de la loi sont la mise en place d’un m�canisme de pr�vention des conflits, l’obligation de d�claration individuelle de participation au mouvement de gr�ve quarante-huit heures � l’avance, et l’obligation pour les compagnies a�riennes d’informer vingt-quatre heures � l’avance les passagers de l’�tat du trafic. Qu’y a-t-il de si d�rangeant � se d�clarer gr�viste quarante-huit heures � l’avance pour permettre aux transporteurs d’organiser au mieux le transport des voyageurs et au moins de mieux les informer ? Est-il si d�rangeant de permettre aux voyageurs de circuler librement ? Si le droit de gr�ve est un droit fondamental � valeur constitutionnelle,…

M. Jean Mallot. Vous le foulez aux pieds !

M. Didier Gonzales. …le droit de circuler librement l’est aussi.

Quand on pense aux r�actions suscit�es par cette proposition ! Ne parlons pas de certains de nos voisins qui interdisent les gr�ves pendant les vacances ou les heures de pointe. Nous n’en sommes pas l�, tant s’en faut.

Cette proposition de loi �quilibr�e et raisonnable, qui, encore une fois, n’a pas vocation � r�soudre les dysfonctionnements r�els constat�s, notamment au sein des entreprises de s�ret�, vise � �viter des situations d’abus et le blocage de nos a�roports.

En conclusion, monsieur le rapporteur, cher �ric Diard, permettez-moi de vous f�liciter pour la qualit� de votre travail. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Mme la pr�sidente. Nous en venons aux amendements sur l’article 2.

La parole est � M. Jean Mallot, pour soutenir l’amendement n� 1, tendant � supprimer l’article.

M. Jean Mallot. Nous souhaitons en effet supprimer l’article 2, qui comprend la totalit� du dispositif, lequel �tait dans le texte initial r�parti entre plusieurs articles. J’ai eu l’occasion, dans la discussion g�n�rale, de m�me que Jean-Paul Chanteguet et Andr� Chassaigne, d’expliquer le pourquoi de cette volont� de suppression.

En ce qui concerne le champ d’application, ce texte devrait normalement porter sur les activit�s qui concourent directement � l’activit� de transport a�rien de passagers. Dans l’�num�ration de l’article, il est question de l’assistance aux bagages, de l’assistance au nettoyage et au service de l’avion, et m�me de la lutte contre le p�ril animalier. De proche en proche, le p�rim�tre devient si vaste que vous r�duisez en fait le droit de gr�ve dans des entreprises qui n’ont qu’un lien tr�s indirect avec le transport a�rien, et en tout cas n’en conditionnent pas l’effectivit�.

Dans la section � Dialogue social et pr�vention des conflits ï¿½, le texte pr�tend imposer – paradoxe supr�me – le dialogue social alors m�me qu’il a �t� �labor� en dehors de tout dialogue social.

Lorsque nous avons auditionn� les partenaires sociaux, notamment les syndicats de salari�s, sur le texte de 2007 relatif au transport terrestre de voyageurs, je me souviens que tous les syndicats avaient soulign� le caract�re inutile du dispositif propos� ainsi que les risques qu’il faisait courir � l’exercice effectif du droit de gr�ve, sans pour autant cr�er les conditions d’un meilleur dialogue social ni d’une meilleure pr�vention des conflits. La concertation aurait permis de mettre ces �l�ments en �vidence.

Enfin, c’est dans la troisi�me section, sur l’exercice du droit de gr�ve, que le texte avoue son v�ritable objectif de limitation de ce droit, avec le pr�avis de quarante-huit heures, sur lequel nous aurons l’occasion de revenir. Quant � l’information des usagers, en quatri�me section, elle n’est pr�vue, comme je l’ai signal� tout � l’heure, qu’en cas de gr�ve, alors qu’elle serait souhaitable, voire n�cessaire, dans tous les cas, en particulier les cas les plus fr�quents que sont les perturbations dues � des incidents techniques ou � des al�as climatiques.

Mme la pr�sidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. D�favorable, bien �videmment. Cet amendement avait d�j� �t� rejet� en premi�re lecture. L’article 2 contient les trois piliers de la proposition de loi : le m�canisme de pr�vention des conflits, avec le dialogue social, l’information des passagers vingt-quatre heures � l’avance par les compagnies et l’obligation de se d�clarer personnellement gr�viste quarante-huit heures � l’avance.

Mme la pr�sidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thierry Mariani, ministre. M. Mallot a l’honn�tet� de nous dire la totalit� de sa pens�e puisque, s’il �tait adopt�, cet amendement supprimerait purement et simplement le texte. L’avis du Gouvernement est bien s�r d�favorable.

Mme la pr�sidente. La parole est � M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Je remercie M. le ministre d’avoir implicitement justifi� notre amendement puisqu’il vient d’indiquer que, si l’on ne voulait pas de ce texte, il fallait adopter notre proposition.

Le rapporteur a �voqu�, peut-�tre m�me invoqu�, trois piliers. Pour le premier, le dialogue social et la pr�vention des conflits, il n’y a pas besoin de loi : le dialogue social peut parfaitement s’organiser dans le cadre des textes actuels. Pour l’information des usagers, le dispositif n’apporte rien de nouveau ; il est m�me tr�s insuffisant par rapport � ce qui serait souhaitable, comme je viens de l’indiquer. Quant au deuxi�me pilier, au milieu, l’exercice du droit de gr�ve, c’est le seul qui appelle une disposition l�gislative. Il s’agit ni plus ni moins d’une r�duction, d’une limitation du droit de gr�ve des salari�s concern�s. Nous y sommes oppos�s et c’est pourquoi nous vous demandons de voter cet amendement de suppression.

(L’amendement n� 1 n’est pas adopt�.)

Mme la pr�sidente. La parole est � M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n� 8.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de r�daction globale relatif au champ d’application de la loi, pr�voyant que les entreprises ou �tablissements ne sont concern�s que dans la mesure o� ils concourent directement � l’activit� de transport a�rien de passagers.

Mme la pr�sidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thierry Mariani, ministre. Tr�s favorable.

Mme la pr�sidente. La parole est � M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Le rapporteur a pr�sent� son amendement de fa�on fort succincte. J’ai �voqu� les activit�s �num�r�es dans le texte de la commission. En les comparant avec celles qui sont �num�r�es dans l’amendement n� 8, je ne vois pas de diff�rence sensible. J’aimerais donc que le rapporteur nous pr�cise quelles activit�s figurent dans un texte et pas dans l’autre, et en quoi son amendement am�liore le caract�re direct du lien entre l’activit� de transport a�rien et les activit�s �num�r�es dans l’amendement. Il me semble que, dans votre tentative de limiter le droit de gr�ve, sont comprises des activit�s p�riph�riques qui n’ont pas lieu de l’�tre.

M. Charles de Courson. Lesquelles ?

M. Jean Mallot. Je les ai d�j� �voqu�es.

Mme la pr�sidente. La parole est � M. le rapporteur.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. C’est un amendement de r�daction globale. Il n’y a pas de profession en plus ou en moins,…

M. Marcel Rogemont. C’est juste une profession de foi !

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. …mais la pr�cision � lorsqu’ils concourent directement ï¿½.

M. Jean Mallot. Le vice demeure donc !

(L’amendement n� 8 est adopt�.)

Mme la pr�sidente. La parole est � M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n� 9.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Il s’agit simplement de corriger une erreur de r�f�rence dans le code du travail.

M. Marcel Rogemont. Si c’�tait la seule erreur !

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Au lieu de � L. 2512-1 ï¿½, il faut �crire � L. 2512-2 ï¿½.

(L’amendement n� 9, accept� par le Gouvernement, est adopt�.)

Mme la pr�sidente. La parole est � M. Jean Mallot, pour soutenir l’amendement n� 2.

M. Jean Mallot. Il s’agit de supprimer les alin�as 19 � 29 de l’article 2, le deuxi�me pilier, selon notre rapporteur, � savoir la limitation du droit de gr�ve par une obligation de se d�clarer quarante-huit avant la participation au mouvement. Nous consid�rons, comme c’est d�montr� – et je pense que le Conseil constitutionnel y fera droit –, que ce dispositif est gravement attentatoire au droit fondamental qu’est le droit de gr�ve dans des entreprises qui appartiennent, pour la grande majorit� d’entre elles, au secteur priv�, ne sont pas soumises � pr�avis et ne remplissent pas de missions de service public.

Si les salari�s de ces entreprises font gr�ve, ce n’est pas pour emb�ter M. Mariani ou les passagers du transport a�rien, mais parce que, dans la discussion ou le rapport de force avec leur direction, ils n’ont pas d’autre issue. Mme Jouanno, s�natrice, indiquait il y a quelque temps sur une cha�ne de t�l�vision qu’exercer le droit de gr�ve pour faire pression sur les n�gociations, � il n’y a qu’en France qu’on voit �a ï¿½. Eh bien non, faire pression pour ouvrir des n�gociations et obtenir des am�liorations des conditions de travail, c’est justement � quoi sert le droit de gr�ve. Quand les salari�s y recourent, ils savent ce que cela leur co�te, ils ne le font pas par plaisir. Au lieu de s’attaquer aux gr�vistes et � leurs droits, le Gouvernement et sa majorit� feraient mieux de s’int�resser aux causes de la gr�ve, c’est-�-dire aux conditions de vie et de travail des salari�s. C’est pourquoi nous proposons la suppression de ces alin�as.

Mme la pr�sidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. D�favorable. Nous sommes bien d’accord que, dans une gr�ve, personne n’a � y gagner, les salari�s comme les compagnies perdent de l’argent. La philosophie du texte, c’est d’extraire du conflit les passagers, qui n’ont rien � voir avec.

Supprimer les alin�as 19 � 29, c’est supprimer un des trois piliers de cette proposition, � savoir la d�claration individuelle quarante-huit heures � l’avance, c’est donc remettre le texte en cause et lui faire perdre son �quilibre.

M. Andr� Chassaigne. C’est fait pour !

Mme la pr�sidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thierry Mariani, ministre. Les alin�as dont la suppression est propos�e sont au cœur de la proposition de loi, et il s’agit de supprimer le dispositif de d�claration pr�alable. Ces alin�as pr�cisent �galement les modalit�s de renonciation � la gr�ve, les salari�s concern�s par le dispositif, les conditions d’utilisation des informations issues des d�clarations individuelles des salari�s, les possibilit�s de sanction disciplinaire, le recours possible � un m�diateur et enfin la possibilit� d’une consultation des salari�s concern�s.

La commission du d�veloppement durable a d�j� modifi� le r�gime de sanction dans le sens d’un all�gement. Le Gouvernement est tout � fait ouvert � l’am�lioration de la r�daction d’autres alin�as qui ont parfois pr�t� � des interpr�tations erron�es, �loign�es de l’objet des dispositions en cause. Or M. le rapporteur propose plusieurs amendements qui r�pondent aux craintes exprim�es. Le Gouvernement souhaite que votre assembl�e puisse en d�lib�rer. Son avis est donc d�favorable sur l’amendement n� 2.

Mme la pr�sidente. La parole est � M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Il y a malentendu. Nous n’excluons pas que, par la discussion, la n�gociation sociale, les partenaires puissent aboutir � des accords, comme on a pu en voir � la SNCF, � la RATP ou ailleurs, en vue d’am�nager l’exercice du droit de gr�ve au sein de l’entreprise en fonction de l’organisation du service. En revanche, nous refusons que la loi oblige, y compris dans des entreprises ayant des activit�s p�riph�riques au transport de passagers, � une d�marche de pr�avis de quarante-huit heures, ce qui limite abusivement le droit de gr�ve des salari�s concern�s.

(L’amendement n� 2 n’est pas adopt�.)

Mme la pr�sidente. Je suis saisie d’un amendement n� 6.

La parole est � M. le rapporteur.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Cet amendement �tait bien �videmment attendu puisqu’il pr�cise que l’obligation de d�clarer la renonciation � faire gr�ve vingt-quatre heures � l’avance ne p�se pas sur le salari� lorsque la gr�ve n’a pas lieu ou lorsqu’il y est mis fin dans l’entreprise concern�e. Il s’agit d’�viter une application du dispositif qui conduirait �ventuellement � prolonger la gr�ve de vingt-quatre heures. La m�me pr�cision sera apport�e par l’amendement n� 7, puis par les amendements nos 11 et 10 � l’article 2 quater.

M. Yanick Paternotte. Tr�s bien !

Mme la pr�sidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thierry Mariani, ministre. Lors de l’application de la loi de 2007, on s’est aper�u que plusieurs mesures �taient contourn�es dans leur esprit. Monsieur Rochebloine et monsieur Nicolin, vous qui aviez pr�sent� l’amendement initial, nous voulons �viter que des personnes ne se d�clarent gr�vistes, puis reprennent le travail, que le service en devienne inexistant ou soit totalement d�sorganis�, et que ces salari�s soient tout de m�me pay�s en ayant expliqu� qu’ils �taient en gr�ve mais ne la faisaient pas.

M. Fran�ois Rochebloine. Eh oui !

M. Thierry Mariani, ministre. Votre amendement visait tr�s pr�cis�ment les manœuvres de certains salari�s du syndicat SUD, totalement contraires � l’esprit de la loi. Ceux pr�sent�s par la commission permettent � la fois de r�pondre � votre pr�occupation en emp�chant le contournement du texte, et de trouver une solution pour que les salari�s qui font gr�ve et d�clarent vouloir reprendre le travail ne se livrent pas quotidiennement � des manoeuvres � r�p�tition – d�p�t de pr�avis individuel tout en travaillant chaque jour. Il faut r�tablir des relations de travail normales. L’avis est donc bien s�r favorable.

Mme la pr�sidente. La parole est � M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. L’amendement n� 6 ne me para�t pas r�ellement r�pondre au probl�me. L’alin�a 22 dispose : � Le salari� qui a d�clar� son intention de participer � la gr�ve et qui renonce � y participer en informe son employeur au plus tard vingt-quatre heures avant l’heure pr�vue de sa participation � la gr�ve afin que celui-ci puisse l’affecter. ï¿½ L’amendement ajouterait la phrase suivante : � Cette information n’est pas requise lorsque la gr�ve n’a pas lieu ou lorsque la prise du service est cons�cutive � la fin de la gr�ve. ï¿½ Mais il ne supprime pas l’alin�a 23 et ne r�gle donc pas le probl�me puisqu’une des difficult�s r�side dans cet alin�a – que nous proposons plus loin de supprimer.

Il faut surtout bien comprendre que d’autres cas possibles ne sont pas pris en compte. Imaginons qu’une n�gociation ait lieu pendant la gr�ve, qu’elle aboutisse � un accord et que celui-ci soit d�sapprouv� par 80 % des salari�s, 20 % �tant d’accord pour reprendre le travail : l’accord est rejet� puisque la majorit� n’en veut pas, mais les 20 % qui, eux, consid�rent que l’�quilibre propos� leur convient, voudraient reprendre le travail. Or, du fait que la gr�ve se poursuit, ils sont oblig�s d’attendre vingt-quatre heures de plus pour reprendre le travail, comme s’ils �taient eux-m�mes en gr�ve.

M. Marcel Rogemont. Ce serait scandaleux !

M. Jean Mallot. Bref, votre dispositif ne r�gle pas le probl�me.

Mme la pr�sidente. La parole est � M. Fran�ois Rochebloine.

M. Fran�ois Rochebloine. Je remercie le rapporteur et le ministre de cette proposition. Je vais donner un exemple tr�s simple : nous avons v�cu, sur la ligne Lyon-Saint-�tienne-Firminy, une gr�ve qui a dur� de novembre � janvier, plus de trois mois.

M. Marcel Rogemont. Et alors ?

M. Fran�ois Rochebloine. Les usagers de la SNCF partant de Saint-�tienne, Saint-Chamond ou Rive-de-Gier pour se rendre � Lyon, allaient tous les matins � la gare en se demandant : � Y aura-t-il un train ? ï¿½ ; le train �tait annonc�, puis supprim�. La SNCF a d� faire face � une situation vraiment impossible. La gr�ve est un droit, on doit le respecter, et il n’est pas question pour ma part de le remettre en cause en quoi que ce soit. Par contre, quand on annonce qu’on est en gr�ve, on fait gr�ve !

M. Marcel Rogemont. On a le droit de revenir sur sa d�cision !

M. Fran�ois Rochebloine. Faire gr�ve, ce n’est pas s’annoncer gr�viste quarante-huit heures avant et, au moment de commencer la gr�ve, se d�clarer non gr�viste. Comment pourrait-on d�s lors organiser un service minimum ? Certes, il y a le personnel, mais les usagers, qu’en faites-vous, mesdames, messieurs les d�put�s de l’opposition ? Des gens ont perdu leur emploi � cause de ce qui s’est pass�, c’est absolument inadmissible ! Cet amendement est indispensable et r�pond � une demande. Je ne peux qu’y �tre tr�s favorable, ainsi qu’� ceux qui vont le compl�ter. Je remercie une nouvelle fois le rapporteur et le ministre d’avoir pris en consid�ration la demande des usagers tout en permettant au personnel de faire gr�ve.

M. Andr� Chassaigne. Il faut tirer les cons�quences de cette loi tordue, monsieur Rochebloine !

M. Fran�ois Rochebloine. C’est peut-�tre vous qui l’�tes, mon cher coll�gue !

Mme la pr�sidente. Je vous redonne la parole, monsieur Mallot, mais pour une tr�s br�ve intervention.

M. Jean Mallot. Madame la pr�sidente, j’insiste sur le point que j’ai �voqu� parce que je ne voudrais pas qu’il y ait de malentendu. Nous avons nous-m�mes d�tect� d�s le d�part le dysfonctionnement de la loi de 2007, c’est-�-dire cette faille qui permet en effet aux salari�s de se d�clarer gr�vistes et finalement de ne pas l’�tre, donc de perturber le service.

M. Fran�ois Rochebloine. SUD-Rail !

M. Jean Mallot. Nous l’avons dit avant vous, monsieur Rochebloine, reprenez les d�bats de 2007.

La d�claration pr�alable de vingt-quatre heures avant la reprise du travail ne r�glait pas le probl�me, c’�tait une disposition que le ministre lui-m�me avait trouv�e ridicule et absurde et qu’il fallait modifier. Mais l’amendement n� 6 ne le r�gle pas non plus puisqu’il y a des situations o� les salari�s ne pourront pas reprendre le travail sans d�claration pr�alable et seront donc de fait gr�vistes vingt-quatre heures de plus.

M. Fran�ois Rochebloine. Eh bien, ils seront en gr�ve, point barre !

(L’amendement n� 6 est adopt�.)

Mme la pr�sidente. Je suis saisie d’un amendement n� 3.

La parole est � M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. La bonne mani�re de r�soudre le dysfonctionnement que nous avons d�tect� est de supprimer l’alin�a 23, dont je rappelle les termes : ï¿½ Le salari� qui participe � la gr�ve et qui d�cide de reprendre son service en informe son employeur au plus tard vingt-quatre heures avant l’heure de sa reprise afin que ce dernier puisse l’affecter. ï¿½ La difficult�, je l’ai dit, vient de l�. C’est le dysfonctionnement num�ro deux : la disposition oblige le salari� � rester en gr�ve vingt-quatre heures de plus alors m�me qu’il voudrait reprendre le travail. Cette obligation de faire gr�ve soul�ve une difficult�, y compris d’ordre constitutionnel.

Mme la pr�sidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Avis d�favorable. La commission veut maintenir l’obligation d’information de vingt-quatre heures avant la reprise du service. Je pense que le vote de l’amendement n� 7 permettra d’�viter la prolongation artificielle de la gr�ve vingt-quatre heures de plus.

Mme la pr�sidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thierry Mariani, ministre. D�favorable. M. le rapporteur vient de le dire : l’amendement n� 7 pr�cise l’alin�a 23 et r�pond � vos pr�occupations, monsieur Mallot.

Mme la pr�sidente. La parole est � M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je ne comprends pas bien l’argument de M. Mallot.

M. Thierry Mariani, ministre. Il n’y a rien � comprendre.

M. Charles de Courson. On voit qu’il n’a jamais travaill� dans un a�roport.

M. Jean Mallot. Vous non plus !

M. Charles de Courson. Si, monsieur Mallot, parce que je les ai contr�l�s pendant des semaines, et je sais donc un peu comment ils fonctionnent. C’�tait l’heureux temps o� j’�tais magistrat � la Cour des comptes.

M. Fran�ois Brottes. Ah, le contr�le a�rien, c’�tait donc vous ! (Sourires.)

M. Charles de Courson. Il y a un probl�me de programmation et d’affectation. La solution n’est pas simple parce qu’il y a des sp�cialit�s et qu’il faut au moins trouver un non-gr�viste correspondant au poste. La reprise du travail ne s’improvise pas. Il faut la programmer et donc donner un minimum de temps � l’entreprise pour qu’elle puisse organiser le service, sinon cela ne peut pas fonctionner.

M. Fran�ois Rochebloine. Eh oui !

M. Charles de Courson. Si le gr�viste qui veut reprendre ne le peut pas tout de suite, c’est la cons�quence du fait qu’il s’est mis en gr�ve en sachant qu’il avait un pr�avis de reprise de vingt-quatre heures. Il avait pris sa d�cision en connaissance de cause.

La r�gle du jeu est pr�cis�e � l’amendement suivant, qui r�sout le probl�me.

M. Marcel Rogemont. Mais la majorit� des salari�s peut d�sapprouver un accord pr�voyant la reprise imm�diate du travail ! Et si une partie des salari�s seulement veulent reprendre le travail, que se passe-t-il ?

M. Charles de Courson. Les salari�s ne sont pas interchangeables, monsieur Rogemont, et il faut bien au moins un d�lai de vingt-quatre heures pour pouvoir affecter les personnels dans le planning, en fonction de la programmation.

M. Andr� Chassaigne. C’est l’approche d’un bureaucrate stalinien !

M. Charles de Courson. Oh !

Mme la pr�sidente. La parole est � M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. Je pense que M. de Courson fait semblant de ne pas comprendre. On peut parfaitement se trouver dans une situation o�, sans que la gr�ve soit termin�e, un certain nombre de salari�s, consid�rant que l’avanc�e des n�gociations leur convient, souhaitent, m�me s’ils sont minoritaires, reprendre le travail, mais ne le peuvent pas puisqu’ils doivent attendre vingt-quatre heures. Le dispositif propos� ne corrige pas le dysfonctionnement initial.

M. Fran�ois Rochebloine. Vous parlez de gr�ve perl�e, mon cher coll�gue !

(L’amendement n� 3 n’est pas adopt�.)

Mme la pr�sidente. Nous en venons � l’amendement n� 7, monsieur le rapporteur.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Cet amendement pr�cise que l’obligation de d�clarer la reprise du service vingt-quatre heures � l’avance ne p�se �videmment pas sur le salari� lorsqu’il est mis fin � la gr�ve dans son entreprise.

Mme la pr�sidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thierry Mariani, ministre. Favorable puisque cet amendement r�pond exactement au probl�me que nous avions soulev�.

Mme la pr�sidente. La parole est � M. Jean Mallot.

M. Jean Mallot. M�me argumentation que pr�c�demment. La phrase par laquelle l’amendement propose de compl�ter l’alin�a 22 : � Cette information n’est pas requise […] lorsque la prise de service est cons�cutive � la fin de la gr�ve ï¿½ ne r�gle pas le probl�me. On peut en effet se trouver dans une situation dans laquelle la gr�ve continue, mais o� des salari�s gr�vistes veulent, m�me s’ils sont minoritaires, reprendre le travail et ne le peuvent pas…

M. Fran�ois Rochebloine. Mais si !

M. Jean Mallot. …sans attendre vingt-quatre heures. Ils sont p�nalis�s car il est fait obstacle � leur droit au travail. Il y a donc un probl�me constitutionnel dans cette affaire.

(L’amendement n� 7 est adopt�.)

(L’article 2, amend�, est adopt�.)

Article 2 bis

(L’article 2 bis est adopt�.)

Article 2 ter

(L’article 2 ter est adopt�.)

Article 2 quater

Mme la pr�sidente. La parole est � M. Jean Lassalle, inscrit sur l’article.

M. Jean Lassalle. Madame la pr�sidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, j’ai toujours mal v�cu la privatisation des m�tiers qui touchent � la vie de la personne. Je sais bien que c’est un probl�me tr�s d�licat s’agissant des compagnies a�riennes mais, dans les a�roports, la responsabilit� des personnels est grande – je pense aux contr�les et � la qualification qu’ils exigent – et je me pose beaucoup de questions. Je ne connais pas de l’int�rieur, comme mon ami de Courson, le fonctionnement d’un a�roport, mais j’ai tout de m�me une bonne connaissance de ce secteur, et je vois les risques que ces personnels encourent, les conditions de travail qui leur sont impos�es et le montant des salaires qu’ils per�oivent. Or, dans l’�tat actuel des choses, ils ne sont pas en mesure de se d�fendre aussi bien que d’autres corporations.

M. Andr� Chassaigne et M. Marcel Rogemont. Tr�s juste !

Mme la pr�sidente. L’amendement n� 4, tendant � supprimer l’article 2 quater, est d�fendu.

Mme la pr�sidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Avis d�favorable puisque le dispositif pr�vu par l’article s’est av�r� indispensable pour r�pondre aux dysfonctionnements constat�s lors de l’application de la loi du 21 ao�t 2007 relative aux transports terrestres r�guliers de voyageurs.

(L’amendement n� 4, repouss� par le Gouvernement, n’est pas adopt�.)

Mme la pr�sidente. La parole est � M. le rapporteur, pour d�fendre l’amendement n� 11.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. M�me analyse que pour les amendements nos 6 et 7 � l’article 2, s’agissant ici des transports terrestres.

Mon amendement pr�cise que l’obligation de d�clarer la renonciation � faire gr�ve 24 heures � l’avance ne p�se pas sur le salari� lorsque la gr�ve n’a pas lieu ou lorsqu’il est mis fin � la gr�ve dans l’entreprise.

Mme la pr�sidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thierry Mariani, ministre. Nous avons d�j� eu l’occasion d’examiner cet amendement � propos de l’alin�a 22 de l’article 2 pour le transport a�rien de passagers.

Le Gouvernement est bien �videmment favorable � ce que cette clarification soit apport�e pour les transports terrestres r�guliers de personnes � vocation non touristique. L’obligation de d�clarer la renonciation � la participation � la gr�ve n’a en effet de sens qu’� la condition que la gr�ve ne soit pas achev�e. D�s lors que la gr�ve a pris fin dans l’entreprise ou encore qu’elle n’a jamais d�but�, il est �vident que le salari� peut reprendre son travail sans d�lai et sans avoir � d�clarer qu’il renonce � participer � la gr�ve.

(L’amendement n� 11 est adopt�.)

Mme la pr�sidente. La parole est � M. le rapporteur, pour d�fendre l’amendement n�10.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. Il a le m�me objet que le pr�c�dent.

(L’amendement n� 10, accept� par le Gouvernement, est adopt�.)

(L’article 2 quater, amend�, est adopt�.)

Articles 3 et 4

Mme la pr�sidente. La commission a maintenu la suppression des articles 3 et 4.

Mes chers coll�gues, nous avons achev� l’examen des articles de la proposition de loi.

Explications de vote

Mme la pr�sidente. Dans les explications de vote, la parole est � M. Charles de Courson, pour le groupe Nouveau Centre.

M. Charles de Courson. Mon intervention sera tr�s br�ve. C’est une loi tr�s mod�r�e et bien �quilibr�e qu’il nous est propos� de mettre en œuvre.

M. Thierry Mariani, ministre. Une loi centriste ! (Sourires.)

M. Charles de Courson. Je rappelle toujours qu’aux termes de la Constitution, le droit de gr�ve est garanti, mais � dans le cadre des lois qui le r�glementent ï¿½.

M. Thierry Mariani, ministre. Absolument !

M. Charles de Courson. Ce droit constitutionnel doit donc �tre articul� avec le droit d’aller et venir, le droit du travail et beaucoup d’autres. La proposition de loi respecte cette articulation. Par cons�quent le groupe Nouveau Centre la votera.

Mme la pr�sidente. La parole est � M. Andr� Chassaigne, pour le groupe de la Gauche d�mocrate et r�publicaine.

M. Andr� Chassaigne. D�monstration a �t� faite avec les amendements du rapporteur que ce texte sera quasiment inapplicable. L’envol�e semble belle, mais l’atterrissage sera beaucoup moins glorieux.

C’est une nouvelle illustration de votre m�thode de travail, qui consiste � vous en prendre aux libert�s fondamentales, et en particulier au code du travail, par grignotages successifs : on �rode, on amenuise et on tente d’aller ainsi vers une soci�t� o� la protection des salari�s sera la plus limit�e possible.

Je suis persuad� que ce texte ne sera jamais appliqu� et je pense m�me que vous le savez parfaitement, mais il faut bien quelquefois s’amuser en faisant de grands moulinets avec des effets d’annonce.

Mme la pr�sidente. La parole est � M. Jean Mallot, pour le groupe pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Jean Mallot. D�s la discussion g�n�rale et la motion de rejet pr�alable, nous avons exprim� la position de d�part de notre groupe : un rejet de ce texte.

Le Gouvernement pr�tend instaurer un service minimum…

M. Thierry Mariani, ministre. Garanti !

M. Jean Mallot. …mais nous avons fait la d�monstration que cela n’a pas de sens.

Le Gouvernement joue sur les mots, mais le ministre a �t� tr�s clair, lors de la s�ance de questions d’actualit� de la semaine derni�re. En pr�tendant organiser ce service minimum ou garanti, il foule aux pieds le dialogue social, et surtout il porte clairement atteinte au droit de gr�ve comme nous l’avons montr�. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous d�f�rerons ce texte au Conseil constitutionnel d�s son adoption, si par malheur il est adopt�.

M. ï¿½ric Diard, rapporteur. D�s mercredi prochain !

M. Jean Mallot. Le S�nat doit encore l’examiner.

Non seulement ce texte porte atteinte au droit de gr�ve mais le dysfonctionnement ajout� au dispositif en premi�re lecture, � savoir l’obligation de d�clarer la reprise du travail 24 heures � l’avance, n’a pas �t� corrig� par les quelques mesures dont nous avons d�battu. Les palliatifs pr�sent�s et adopt�s par la majorit� ne sont pas de nature � r�soudre le probl�me. Au lieu d’am�liorer le texte, la majorit� l’a plut�t d�t�rior� et compliqu�, le rendant encore plus inapplicable qu’il n’�tait. C’est, s’il en �tait besoin, une raison suppl�mentaire de nous y opposer. Nous voterons contre.

Vote sur l’ensemble

Mme la pr�sidente. Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

(L’ensemble de la proposition de loi est adopt�.)

Suspension et reprise de la s�ance

Mme la pr�sidente. La s�ance est suspendue.

(La s�ance, suspendue � vingt-trois heures vingt, est reprise � vingt-trois heures trente.)

Mme la pr�sidente. La s�ance est reprise.

3

Exploitation num�rique
des livres indisponibles du xxe si�cle

CMP

Mme la pr�sidente. L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi relative � l’exploitation num�rique des livres indisponibles du XXe si�cle (n� 4297).

La parole est � M. Christian Kert, suppl�ant M. Herv� Gaymard, rapporteur de la commission mixte paritaire.

M. Christian Kert, suppl�ant M. Herv� Gaymard, rapporteur de la commission mixte paritaire. Madame la pr�sidente, monsieur le ministre, mes chers coll�gues, ayant d� regagner sa circonscription, Herv� Gaymard a pri� le vice-pr�sident de la commission des affaires culturelles et de l’�ducation que je suis de bien vouloir le suppl�er. Je le fais avec grand plaisir.

Cette proposition de loi avait �t� d�pos�e en termes identiques par Herv� Gaymard � l’Assembl�e nationale et par Jacques Legendre au S�nat. Constituant le volet juridique d’un accord conclu le 1er f�vrier 2011 par les �diteurs, les auteurs, la Biblioth�que nationale de France, le minist�re de la culture et le commissariat g�n�ral � l’investissement, elle l�vera les obstacles � la mise en œuvre d’un vaste plan de num�risation des ouvrages du XXe si�cle reposant sur un mod�le de financement public-priv� et sur un respect scrupuleux des droits d’auteurs, contrairement � ce qui est parfois all�gu�. Gr�ce � cette proposition de loi qui tend � instaurer un syst�me �quilibr� entre diffusion � grande �chelle et respect de la propri�t� intellectuelle, notre pays fait figure de pionnier dans le domaine de la num�risation d’œuvres dont la titularit� des droits d’exploitation num�rique est incertaine. Sa mise en œuvre permettra d’entraver la politique du fait accompli men�e par de grands acteurs de l’internet qui n’ont pas d�montr� une tr�s grande consid�ration pour les droits des auteurs et des �diteurs et la constitution de positions dominantes � leur profit.

Nos discussions avec le S�nat ont �t� anim�es, mais la rapporteure du S�nat, Mme Bariza Khiari, et l’ensemble de nos coll�gues s�nateurs ont t�moign� d’un �tat d’esprit constructif et se sont montr�s soucieux d’aboutir � un texte susceptible d’�tre adopt� par nos deux assembl�es dans les meilleurs d�lais. Je croire que nous y sommes parvenus.

Les pr�cisions apport�es par le S�nat afin de renforcer le droit moral des auteurs ont �t� maintenues, de m�me que celles introduites par notre assembl�e dans le but de garantir un acc�s libre et gratuit � la base de donn�es des livres indisponibles.

La commission mixte paritaire a �galement confirm� la possibilit� pour toute personne de demander � la Biblioth�que nationale de France l’inscription d’un ouvrage sur la liste des livres indisponibles. Nous avons toutefois supprim� la mention du refus motiv� de la BNF, qui aurait repr�sent� pour cette derni�re une charge trop lourde.

S’agissant du fonctionnement et de la composition de la soci�t� de perception et de r�partition des droits, notre assembl�e avait supprim� la disposition introduite par le S�nat en vertu de laquelle l’obligation d’une repr�sentation paritaire des auteurs et des �diteurs ne pesait que sur les soci�t�s repr�sentant les auteurs et �diteurs parties au contrat d’�dition. En effet, s’il ne nous paraissait pas ill�gitime que le texte comporte des garanties en faveur des auteurs des œuvres visuelles reproduites dans les livres indisponibles, l’ajout auquel le S�nat avait proc�d� ne nous paraissait pas satisfaisant. En contrepartie de sa suppression, nous avons pr�cis� que les soci�t�s de perception et de r�partition des droits, les SPRD, seront agr��es en consid�ration du caract�re �quitable des sommes vers�es aux ayants droit, qu’ils soient ou non parties au contrat d’�dition. Ces garanties ont �t� jug�es suffisantes par la commission mixte paritaire, qui a adopt� la r�daction propos�e par l’Assembl�e nationale.

Par ailleurs, la commission mixte paritaire a r�introduit la cl� de r�partition des sommes per�ues par la SPRD : la r�mun�ration per�ue par les auteurs ne pourra �tre inf�rieure � celle per�ue par les �diteurs.

S’agissant de l’obligation pour la SPRD de rechercher les titulaires des droits, la commission mixte paritaire a adopt� une r�daction de compromis qui affirme l’importance des � moyens probants ï¿½ que la SPRD se propose de mettre en œuvre pour l’obtention de son agr�ment, sans r�f�rence � des qualificatifs qui auraient introduit une confusion avec la d�finition des œuvres orphelines.

La commission s’est �galement ralli�e � la solution propos�e par notre assembl�e s’agissant du contr�le de l’effectivit� et du s�rieux de ces recherches. Le S�nat avait propos� qu’un commissaire du Gouvernement participe aux assembl�es d�lib�rantes de la SPRD. Pour notre part, nous avons pr�f�r� que ce contr�le repose sur une instance qui a fait ses preuves : la commission de contr�le des SPRD. Cette commission de contr�le se verra investie de pr�rogatives renforc�es, c’est-�-dire du pouvoir de formuler des observations et des recommandations.

Par ailleurs, nous avions un important d�saccord avec le S�nat � propos d’une disposition qu’il avait introduite, selon laquelle la SPRD devait autoriser l’exploitation � titre gratuit et non exclusif des livres dont aucun ayant droit autre que l’�diteur n’a pu �tre retrouv� dans les dix ans qui suivent la premi�re autorisation d’exploitation. Nous avions supprim� cette disposition. En effet, dans la mesure o� elle ne reconnaissait aucune facult� d’appr�ciation � la SPRD, elle constituait une forme d’expropriation des titulaires de droit. Certes, les auteurs auraient, � tout moment, pu r�cup�rer le droit d’exploitation num�rique de leur œuvre, mais, entre le moment o� l’exploitation � titre gratuit aurait commenc� et celui o� un auteur aurait exerc� cette facult� de retrait, ce dernier aurait �t� victime d’un pr�judice puisque non seulement il n’aurait pas donn� son accord � cette exploitation, mais il n’aurait per�u aucun droit et n’aurait pu r�clamer aucune compensation a posteriori.

En outre, la r�daction propos�e par le S�nat aurait totalement priv� de leurs droits les �diteurs.

Par ailleurs, si la gratuit� est un principe s�duisant, c’est aussi un leurre. Pr�voir l’exploitation � titre gratuit de certaines œuvres, cela revient � faire financer par d’autres les co�ts de gestion li�s � la d�livrance des autorisations d’exploitation par la SPRD et, surtout, les co�ts de la poursuite de la recherche des ayants droit. En r�alit�, une telle disposition risquait de compromettre la poursuite de ces recherches.

Enfin, elle risquait de compromettre la r�alisation des investissements n�cessaires � la num�risation des livres indisponibles. Ce projet de num�risation � grande �chelle doit �tre financ� sur fonds publics, notamment gr�ce au m�canisme des investissements d’avenir. Le fait de rendre gratuite apr�s dix ans l’exploitation des oeuvres orphelines, qui pourraient repr�senter environ 20 % des oeuvres indisponibles num�ris�es dans le cadre de ce projet, non seulement amoindrirait les revenus per�us par les ayants droit mais fragiliserait encore davantage le retour sur investissement et donc la faisabilit� m�me du projet.

Une solution de compromis a �t� propos�e par la rapporteure du S�nat, qui recentre le dispositif au b�n�fice des seules biblioth�ques. C’est un �l�ment important, car cela exclut toute exploitation � des fins commerciales ; on �vite ainsi de conforter le monopole d’une entreprise priv�e, par exemple du secteur de l’internet, qui r�mun�rerait l’exploitation de tels ouvrages par la publicit�, sans aucun b�n�fice pour les ayants droits.

Dans la r�daction de compromis � laquelle nous avons abouti, chaque mot a �t� pes� au tr�buchet. Je veux insister sur deux points.

Le premier, auquel j’attache la plus grande importance, est la latitude laiss�e � la SPRD pour l’octroi des autorisations. Contrairement � ce qui avait �t� envisag� dans un premier temps, la SPRD pourra opposer un refus motiv� aux demandes d’exploitation � titre gratuit des ouvrages concern�s.

Le second point concerne le champ des œuvres concern�es. La r�daction initiale pr�voyait une exploitation gratuite des livres orphelins d’auteur, mais pas orphelins d’�diteur. Ces derniers �taient donc particuli�rement et injustement l�s�s. Pour pouvoir faire l’objet d’une exploitation gratuite, les œuvres devront �tre orphelines d’auteur et d’�diteur. De la m�me mani�re, l’auteur et l’�diteur titulaire des droits de reproduction de l’œuvre sous forme imprim�e pourront � tout moment, s’ils venaient � �tre retrouv�s, obtenir le retrait de l’autorisation d’exploitation du livre � titre gratuit.

Vous l’aurez compris, chers coll�gues, j’aurais pr�f�r� que nous ne nous engagions pas dans une voie qui, en d�pit des garanties que nous avons introduites en commission mixte paritaire, autorise l’exploitation gratuite d’œuvres sous droit sans autorisation des �diteurs et des auteurs. J’esp�re que la SPRD saura faire un usage �clair� et parcimonieux de la facult� qui est lui reconnue d’accorder de telles autorisations.

Je forme �galement le vœu que les biblioth�ques sachent les solliciter de mani�re proportionn�e � l’objectif de promotion de la lecture publique, objectif parfaitement l�gitime auquel je souscris pleinement.

J’en viens � un autre d�saccord que nous avons r�ussi � surmonter. Il porte sur la d�finition des œuvres orphelines introduite par le S�nat � l’article 1er bis. Dans la mesure o� un projet de directive sur les œuvres orphelines est en cours de discussion, une telle d�finition est peut-�tre pr�matur�e mais, comme cet article est sans influence sur le cœur du dispositif de gestion collective que le texte se propose de mettre en place, j’ai estim� que nous pouvions le maintenir.

Enfin, la commission mixte paritaire a bien voulu confirmer l’article 2 bis, auquel j’�tais particuli�rement attach�. Cet article dispose que les organismes repr�sentatifs des auteurs, des �diteurs, des libraires et des imprimeurs devront engager une concertation sur les questions �conomiques et juridiques relatives � l’impression des livres � la demande. Cette pratique est en effet appel�e � se d�velopper, comme en t�moigne l’accord conclu en mars dernier par la BNF et Hachette Livre, qui va permettre l’impression � la demande d’ouvrages pr�sents sur Gallica. Or l’impression � la demande soul�ve de nombreuses questions, relatives en particulier � la nature des droits en jeu. C’est la raison pour laquelle j’ai souhait� que cette pratique puisse �tre �voqu�e � l’occasion de nos d�bats.

Je vous invite donc, mes chers coll�gues, � adopter les conclusions de la commission mixte paritaire. Avec ce texte, notre pays fera une fois encore figure de pionnier au niveau europ�en et d�montrera qu’il est possible de concilier la d�mocratisation de l’acc�s aux œuvres et le respect de la propri�t� intellectuelle dans la r�volution num�rique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la pr�sidente. La parole est � M. Fr�d�ric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication.

M. Fr�d�ric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Madame la pr�sidente, monsieur le vice-pr�sident de la commission, mesdames et messieurs les d�put�s, je suis tr�s satisfait d’exprimer aujourd’hui devant vous le plein soutien du Gouvernement au texte de la proposition de loi relative � l’exploitation num�rique des livres indisponibles du XXe si�cle tel qu’il ressort des travaux de la commission mixte paritaire.

Chacun mesure l’importance de ce texte qui permettra de redonner vie, par une nouvelle exploitation num�rique, � une grande partie de la production �ditoriale fran�aise du XXe si�cle devenue difficilement accessible.

La proposition de loi, adopt�e il y a quelques jours au S�nat, contribuera ainsi au d�veloppement d’une offre l�gale riche et diversifi�e d’œuvres accessibles au public – plus de 500 000 titres. Elle renforcera la structuration des acteurs de la cha�ne du livre dans leur transition vers le num�rique. Elle incitera �galement les �diteurs � proposer des offres innovantes r�pondant aux besoins des biblioth�ques et permettra d’enrichir consid�rablement les offres num�riques de celles-ci.

Je tiens donc � saluer le dialogue extr�mement constructif qui s’est engag� sur cette proposition de loi entre les diff�rentes sensibilit�s : cet esprit de conciliation et d’ouverture a permis aboutir, au terme de la commission mixte paritaire, � un texte d’�quilibre, qui satisfait aussi bien les auteurs et les �diteurs que nos concitoyens lecteurs.

Je remercie �galement le rapporteur, M. Herv� Gaymard, pour son travail une nouvelle fois si efficace au service de la cause du livre.

Pour le Gouvernement, au moment m�me o� la question de la num�risation et de l’exploitation des œuvres sous droit se pose avec une grande acuit�, cette loi est exemplaire de notre capacit� � tenir compte des int�r�ts des diff�rents acteurs de la cha�ne du livre et de l’int�r�t g�n�ral sans c�der aux pressions fortes exerc�es par certains protagonistes hostiles au droit d’auteur.

Par l’�tablissement d’une gestion collective des droits num�riques pour les œuvres indisponibles du XXe si�cle, le pr�sent texte parvient en effet � conjuguer l’objectif d’acc�s du public � la connaissance et � l’information, auquel le Gouvernement est bien entendu attach�, avec celui, non moins essentiel, consistant � placer les ayants droit au premier plan de l’exploitation num�rique de leurs œuvres.

Ce faisant, j’y insiste, la proposition de loi s’av�re parfaitement respectueuse des droits des auteurs et des �diteurs, qui auront notamment la possibilit�, en amont, de s’opposer � l’exploitation de leurs œuvres par la soci�t� de gestion collective, mais aussi de se r�approprier leurs droits sur les œuvres indisponibles. � travers ce texte, nous d�montrons pr�cis�ment que la diffusion des œuvres sur internet peut se faire sans avoir recours � une exception au droit d’auteur ou � des pratiques de contrefa�on.

Nous savons que l’apport si novateur de cette proposition r�side �galement dans l’articulation entre une r�forme du code de la propri�t� litt�raire et un volet financier, li� aux investissements d’avenir, sous l’�gide de M. Ren� Ricol, commissaire g�n�ral � l’investissement. L’entreprise de num�risation, de niveau industriel, n�cessite en effet des moyens financiers et humains qui d�passent la capacit� de nos acteurs �conomiques nationaux, fussent-ils de la taille de nos grands groupes d’�dition. La bonne approche pour num�riser et diffuser ce corpus est donc le partenariat public-priv�, et les investissements d’avenir donnent un cadre adapt� � de tels partenariats. C’est le sens de l’accord trouv� entre toutes les parties prenantes, auteurs, �diteurs, Biblioth�que nationale de France, minist�re de la culture et de la communication, commissariat g�n�ral � l’investissement, afin d’assurer la viabilit� �conomique et financi�re de l’entreprise sur le long terme.

Cet ambitieux partenariat public-priv� retient d�j� l’int�r�t de certains partenaires europ�ens qui pourraient s’en inspirer pour d�velopper des initiatives similaires. Esp�rons-le car, malgr� les difficult�s �conomiques qu’engendre la crise en Europe, l’investissement des �tats dans la num�risation de leur patrimoine et des œuvres sous droit est plus que jamais n�cessaire pour maintenir la diversit� culturelle sur les r�seaux et r�pondre au d�veloppement rapide des nouvelles pratiques culturelles.

Mesdames et messieurs les d�put�s, vous l’avez compris, le Gouvernement est en complet accord avec cette proposition de loi dans sa version issue de la commission mixte paritaire, qui recueille donc mon plein soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Discussion g�n�rale

Mme la pr�sidente. Dans la discussion g�n�rale, la parole est � M. Andr� Chassaigne.

M. Andr� Chassaigne. Madame la pr�sidente, monsieur le ministre, mes chers coll�gues, j’aurai, pour parler de cette proposition de loi, un ton bien diff�rent de celui de mon intervention sur le texte pr�c�dent, relatif au droit de gr�ve dans les entreprises de transport a�rien, et mon vote �galement sera diff�rent. Comme l’�crit Andr� Gide dans son Journal, � il est extr�mement rare que la montagne soit abrupte de tous c�t�s ï¿½.

M. Fr�d�ric Mitterrand, ministre. Merci !

M. Andr� Chassaigne. Je pr�cise que cette intervention a �t� pr�par�e par Marie-H�l�ne Amiable, que je remplace ce soir. Vous y retrouverez sa connaissance du dossier et le style qui est le sien.

Avec les d�put�s du Front de gauche, nous nous f�licitons que notre assembl�e mette aujourd’hui un point final � l’examen de cette proposition de loi relative � l’exploitation num�rique des livres indisponibles du XXe si�cle. M�me imparfait, le texte propos� par la commission mixte paritaire, qui s’est r�unie le 1er f�vrier dernier pour examiner les dispositions restant en discussion, cr�era en effet un cadre juridique qui nous para�t adapt� pour permettre la num�risation de 500 000 � 700 000 livres actuellement indisponibles et qui ne peuvent par cons�quent �tre port�s � la connaissance du public le plus large.

Au-del� de la directive que la Commission europ�enne a adopt�e, le 24 mai 2011, sur les seules œuvres orphelines, cette proposition de loi vise donc � r�soudre la question plus vaste de la num�risation des œuvres dites � indisponibles ï¿½. Elle fait suite � l’accord-cadre relatif � la num�risation et � l’exploitation des livres indisponibles du XXe si�cle sign�, le 1er f�vrier 2011, par le ministre de la culture, le commissaire g�n�ral � l’investissement, le pr�sident du Syndicat national de l’�dition et le pr�sident de la Soci�t� des gens de lettres.

L’indisponibilit� en question concerne notamment la production �ditoriale du XXe si�cle, qui ne fait pas partie des titres du domaine public, lequel couvre la p�riode du XVe au XIXe si�cle. Ces œuvres restent donc prot�g�es par le droit d’auteur. Et, tandis que l’essentiel des titres actuels est maintenant �dit� dans un format �lectronique natif, certains livres plus anciens ne sont bien souvent pas r��dit�s, car leur exploitation est jug�e peu rentable.

En tant que responsables politiques, comment pouvions-nous nous accommoder plus longtemps d’une situation limitant ainsi le rayonnement de la pens�e et de la culture, et entravant les possibilit�s d’enseignement en direction des jeunes g�n�rations ?

L’adoption de cette proposition de loi nous semble d’autant plus n�cessaire � l’heure de l’�mergence du livre num�rique, ce nouveau m�dia qui porte l’espoir d’une diffusion renouvel�e des savoirs et d’un acc�s universel � la culture, mais qui, associ� aux nouveaux modes de diffusion num�rique, contient aussi en germe le risque d’une fragilisation des droits moraux et patrimoniaux des auteurs.

Aussi sommes-nous satisfaits de voir enfin proposer cette protection contre les tentatives de spoliation de certaines soci�t�s, telle Google, qui, m�me si elle a �t� condamn�e par la justice am�ricaine, a toutefois massivement num�ris� par le pass� sans recueillir le consentement pr�alable des ayants droit. Mais, de l’autre c�t� du spectre, on trouve aussi de modestes biblioth�ques de quartier � qui le droit interdit actuellement la reproduction num�rique d’œuvres prot�g�es.

M. Jean Mallot. Vous parlez de la biblioth�que municipale de Saint-Amant-Roche-Savine ? (Sourires.)

M. Andr� Chassaigne. Les d�put�s communistes, r�publicains, citoyens et du parti de gauche soutiendront donc l’adoption de cette proposition de loi qui entend r�concilier les objectifs de la soci�t� de l’information et le droit d’auteur.

Cela sera rendu possible gr�ce � l’inscription, dans le code de la propri�t� intellectuelle, d’une gestion collective des droits num�riques sur les œuvres indisponibles, assur�e par une soci�t� de perception et de r�partition des droits – SPRD – charg�e de r�gler, de fa�on paritaire, la titularit� de ces derniers entre auteurs et �diteurs.

La base de donn�es publique, dont l’objet sera de r�pertorier en ligne les livres indisponibles et dont la gestion sera confi�e � la Biblioth�que nationale de France, nous para�t �tre l’outil ad�quat Nous nous r�jouissons que l’adoption en commission de deux de nos amendements en ait rendu l’acc�s libre et gratuit, et que n’importe quel citoyen, constatant qu’un livre est indisponible, puisse, en faisant �tat de ses d�marches, en demander l’inscription dans cette base de donn�es.

Nous avons �galement appr�ci� de voir lever l’impr�cision r�dactionnelle qui laissait croire que la possibilit� d’autoriser ou de refuser l’exploitation d’une œuvre n’aurait �t� accord�e qu’� ceux qui n’ont jamais c�d� leur droit d’�dition.

Nous approuvons enfin le choix qui a �t� fait d’inscrire la d�finition des œuvres orphelines dans le texte, ce qui nous permet d’anticiper sur la transposition promise d’une directive europ�enne.

Toutes ces pr�cisions donnent tort � Balzac, qui �crivait dans La Maison Nucingen : � Les lois sont des toiles d’araign�es � travers lesquelles passent les grosses mouches et o� restent les petites. ï¿½ Je crois, chers coll�gues, que, par votre travail, vous avez fait la d�monstration qu’on pouvait �voquer, dans un texte de loi, tous les probl�mes qui se posent. N’ayant pas particip� aux d�bats pr�alables, je tenais � le faire remarquer.

M. Jean Mallot. Tr�s bien !

M. Andr� Chassaigne. Notre soutien � ce texte ne nous emp�che cependant pas d’en d�plorer certaines insuffisances. Elles concernent notamment les garanties accord�es aux auteurs.

Nous regrettons ainsi que n’aient pas �t� adopt�s les amendements que nous avions d�pos�s, au S�nat comme � l’Assembl�e nationale, pour am�liorer les possibilit�s offertes aux auteurs de s’opposer � la num�risation de leurs œuvres.

Alors qu’aucun accord pr�alable n’est requis, aux termes du texte propos� par la commission mixte paritaire, auteurs comme �diteurs ne disposeront ainsi que de six mois pour signifier qu’ils souhaitent s’opposer � cette num�risation. Nous avions propos� un d�lai d’un an qui nous paraissait plus adapt�. Et si la Soci�t� des gens de lettres a assur� qu’elle se chargera d’informer les auteurs, il ne s’agira pas d’une obligation. Un risque existe donc d’une sorte de confiscation automatique du droit d’auteur, pourtant inali�nable.

Comment ne pas d�plorer �galement le rejet, par la majorit� de l’Assembl�e nationale, de notre amendement destin� � donner aux auteurs inscrits dans le dispositif les m�mes garanties de r�mun�ration que celles contenues dans la loi sur le prix unique du livre num�rique, c’est-�-dire de pouvoir b�n�ficier d’une r�mun�ration juste et transparente, et pas seulement �quitable ?Sachant que notre soci�t� a de plus en plus souvent tendance � faire du profit sur le divertissement, au d�triment de la cr�ation et du droit � r�mun�ration des auteurs et des artistes, il y a plut�t lieu de s’inqui�ter.

Nous notons que la r�daction propos�e pr�voit que le montant des sommes per�ues par le ou les auteurs ne pourra �tre inf�rieur au montant des sommes per�ues par l’�diteur. Esp�rons que cette disposition apporte un peu d’air aux auteurs, malmen�s ces derni�res ann�es par un march� en crise mais aussi par des politiques �ditoriales qui leur sont de plus en plus d�favorables.

Le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire affirme par ailleurs la gratuit� de reproduction et de diffusion num�riques des œuvres indisponibles pour les biblioth�ques publiques. Malgr� notre souci de pr�server l’int�r�t g�n�ral, ce droit, m�me encadr�, nous interpelle, avec la Soci�t� des gens de lettres, quant � la cr�ation d’une nouvelle exception au droit d’auteur. Si la br�che ouverte n’est pas grande, �tant donn� que la gratuit� ne concernera que les livres indisponibles dont les auteurs et ayants droit n’auront pas �t� retrouv�s dix ans apr�s la premi�re autorisation d’exploitation, il semble que nous ne pourrons faire l’�conomie d’une r�flexion plus approfondie sur ce th�me.

Nous nous �tions aussi interrog�s en commission sur les livres du d�but du XXIe si�cle qui n’ont jamais �t� propos�s sous format num�rique natif. Ne faudra-t-il pas un jour permettre � tout auteur qui le souhaite de s’inscrire dans le dispositif que nous allons adopter ? Il s’agirait en effet d’�viter la cr�ation d’une distorsion ou d’une rupture d’�galit� quant aux possibilit�s de publicit� et de mise sur le march� num�rique entre les auteurs dont les œuvres auront �t� publi�es avant le 1er janvier 2001 et les autres.

Pour conclure, je dirai que, si ce texte cr�e les conditions d’une manne importante pour les �diteurs – dans la mesure o� le Gouvernement a propos� d’articuler cette r�forme au volet num�rique des investissements d’avenir et de l’emprunt national, plut�t que de confier � l’�tat lui-m�me le soin de mener cette num�risation –, il ouvre d’autre part des possibilit�s tout � fait nouvelles pour l’exploitation, dans le respect du droit d’auteur, d’œuvres actuellement indisponibles.

Puisqu’elle fait �cho par certains aspects � l’exigence de d�mocratie culturelle que le Front de gauche entend porter au service de l’humain, les d�put�s communistes, r�publicains, citoyens et du parti de gauche voteront pour cette proposition de loi. C’est suffisamment rare pour qu’on puisse le souligner. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Fr�d�ric Mitterrand, ministre. Merci, monsieur le d�put� !

Mme la pr�sidente. La parole est � M. Fr�d�ric Reiss.

M. Fr�d�ric Reiss. Madame la pr�sidente, monsieur le ministre, mes chers coll�gues, la r�volution num�rique appelle une action �quitable et �quilibr�e du l�gislateur : si cette r�volution tient sa promesse de d�mocratisation des œuvres, elle ne doit pas s’effectuer au d�triment des droits d’auteur.

Ce double imp�ratif s’impose avec une acuit� toute particuli�re pour les œuvres dites indisponibles, c’est-�-dire ces œuvres du XXe si�cle encore couvertes par des droits mais qui ne sont plus �dit�es, faute de rentabilit� �conomique, et que l’on ne trouve plus que dans quelques biblioth�ques ou �ventuellement sur le march� de l’occasion. Contrairement aux œuvres du XXIsi�cle, les contrats d’�dition qui les couvrent ne comportent aucune mention relative � leur �ventuelle num�risation. Et, contrairement aux œuvres anciennes, qui font l’objet d’une campagne de num�risation sous l’�gide de la BNF, elles ne sont pas tomb�es dans le domaine public et ne peuvent donc �tre exploit�es num�riquement sans autorisation.

Sans la proposition de loi que notre rapporteur – parfaitement suppl�� ce soir par le vice-pr�sident Christian Kert – nous propose d’adopter d�finitivement, il faudrait th�oriquement ren�gocier les contrats d’�dition de chacune des œuvres indisponibles du XXe si�cle pour leur donner une seconde vie sous format num�rique. Ce serait une œuvre titanesque que nous ne serions pas certains de pouvoir achever un jour, puisqu’il s’agit de 500 000 œuvres indisponibles.

La proposition de loi que nous examinons ce soir apporte une solution � la fois innovante, �quitable et �quilibr�e. L’objet du texte est de confier � des soci�t�s de perception et de r�partition des droits 1a gestion num�rique des œuvres indisponibles du XXe si�cle. Ces soci�t�s, g�r�es paritairement par des repr�sentants des auteurs et des �diteurs, pourront donc autoriser, avec l’accord des ayants droit, la repr�sentation et la reproduction de ces œuvres dans un format num�rique.

Il s’agit, d’abord, d’une solution innovante, parce que la France serait le premier pays � proposer un dispositif de gestion collective des droits des œuvres indisponibles sous format num�rique, le premier � proposer une alternative � la politique agressive de num�risation globale des œuvres lanc�e par Google depuis quelques ann�es. L’OPA lanc�e par Google sur les patrimoines litt�raires nationaux ne rend que plus urgente la n�cessit� de l�gif�rer. Quand on sait que Google Livres a num�ris� pr�s de 10 millions d’œuvres, dont plus de la moiti� sans l’accord des ayants droit, il importe de montrer que l’on peut prot�ger nos œuvres, tout en am�liorant de mani�re significative l’offre l�gale sur la toile.

Il s’agit, ensuite, d’une solution �quilibr�e : l’enjeu principal de ce texte est bien de pr�server les ayants droit, tout en garantissant l’accessibilit� des œuvres que l’on ne trouve plus sur le march�. En effet, les auteurs et �diteurs disposeront d’une p�riode de six mois pour d�cider soit de confier leurs droits aux SPRD, soit de g�rer eux-m�mes l’exploitation num�rique de leurs œuvres. M�me apr�s avoir fait le choix de confier leurs droits aux SPRD, ils pourront revenir � tout moment sur leur d�cision.

Il s’agit, enfin, d’une solution soucieuse de l’int�r�t g�n�ral : au-del� de la protection des œuvres et des ayants droit, le texte permet de fl�cher les sommes irr�partissables collect�es par les SPRD au profit des activit�s de promotion de la lecture publique. Ce fl�chage est tr�s coh�rent : en effet, l’accessibilit� des livres indisponibles sous format num�rique et la promotion de la lecture publique constituent deux actions au profit de la d�mocratisation des œuvres et de la culture en g�n�ral.

Sur les points majeurs qui restaient en discussion avec le S�nat, un compromis a �t� trouv�. La commission mixte paritaire a souhait� encadrer et s�curiser la disposition vot�e au S�nat selon laquelle les SPRD pouvaient exploiter � titre gratuit des œuvres orphelines dont les ayants droit n’auraient pas �t� retrouv�s � l’issue d’une p�riode de dix ans de recherches probantes. Apr�s un long d�bat, la commission a d�cid� de limiter la mise � disposition de ces œuvres � titre gratuit aux abonn�s des biblioth�ques ouvertes au public, uniquement en cas d’absence de refus motiv� de la part de la SPRD.

Malgr� ces garanties, je rejoins notre rapporteur pour dire que ce sujet n�cessite une r�flexion de fond sur la vocation des biblioth�ques � l’heure num�rique et une concertation qui doit r�unir l’ensemble des acteurs concern�s.

Globalement, ce texte met la modernit� au service de la culture et les nouvelles technologies au service de la pr�servation de notre patrimoine �ditorial. Nous pouvons nous r�jouir du soutien du minist�re de la culture qui vient de nous confirmer la contribution des investissements d’avenir � la politique de num�risation des œuvres.

La France a toujours �t� un �claireur en la mati�re : en 1997, c’�tait le lancement de Gallica, la seule biblioth�que num�rique capable de rivaliser avec Google Books, et aujourd’hui, nous lan�ons un dispositif novateur qui vient soutenir le d�veloppement d’une �conomie num�rique de la cr�ativit�. Cette r�ussite, nous la devons � l’initiative de nos coll�gues Herv� Gaymard et Jacques Legendre, excellemment soutenus ce soir par le vice-pr�sident de la commission des affaires culturelle et de l’�ducation, Christian Kert ; nous la devons aussi � la volont� des parlementaires de faire triompher le consensus.

Bien entendu, le groupe UMP votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la pr�sidente. La parole est � Mme Monique Boulestin.

Mme Monique Boulestin. Madame la pr�sidente, monsieur le ministre, chers coll�gues, l’exposition consacr�e en ce moment � Jean-Jacques Rousseau, au sein de l’Assembl�e nationale, nous invite notamment � r�fl�chir � la valeur des manuscrits pr�sent�s. Actes d’�criture, ils prolongent, post mortem, l’existence de leur auteur. Actes authentiques, ils ont, pour la post�rit�, une valeur de certification. Enfin, t�moins de la gen�se d’une œuvre, ils permettent d’en �tudier les processus d’�laboration.

Aujourd’hui, avec l’arriv�e des nouvelles technologies, il nous sera, certes, de plus en plus difficile de disposer de brouillons et notes manuscrites d’auteurs, mais l’�criture num�rique, loin de conduire � leur disparition, va permettre, � l’inverse, lorsque ces documents existent, de les conserver durablement et d’�laborer ainsi des ex�g�ses fond�es scientifiquement.

C’�tait d�j� tout le sens du � plan d’action du patrimoine �crit ï¿½ initi� en 2004 par le minist�re de la culture, qui a permis la conservation et la valorisation de tout un pan de notre patrimoine national et r�gional, voire local : manuscrits, livres imprim�s, estampes, photographies, cartes… tous ouvrages anciens et pr�cieux.

C’est dans cet esprit que la loi de 2006 a permis � la Biblioth�que nationale de France, � travers son m�canisme de collecte, d’�largir son p�rim�tre de d�p�t l�gal � internet.

C’est encore aujourd’hui tout le sens de l’action men�e, depuis 1998, sous l’�gide de la BNF, par les programmes Gallica et Europeana dont il a �t� question � l’instant.

C’est �videmment le sens de l’accord-cadre sign� le 1er f�vrier 2011 entre le ministre de la culture, le commissaire g�n�ral � l’investissement, le pr�sident de la BNF et le pr�sident de la Soci�t� des gens de lettres.

Nous voici donc � un tournant de notre histoire patrimoniale, o� la technologie se met au service du livre et de la pens�e. Car nous sommes convaincus, � l’instar d’Aim� C�saire, que les grandes avanc�es de la pens�e sont celles qui se conqui�rent par la responsabilit� collectivement assum�e.

M. Marcel Rogemont. Excellent !

Mme Monique Boulestin. D�s lors, toute loi relative aux livres et documents �crits doit favoriser la diffusion de toute oeuvre singuli�re, afin que chacun acc�de � l’universalit� de la litt�rature et de la culture. Dans ce contexte, le livre num�rique est devenu une r�alit�.

Toutefois, il fallait aller vite, m�me si nous avons sinc�rement regrett� le choix de la proc�dure acc�l�r�e pour ce texte, en toute fin de mandature.

Pourquoi cet apparent paradoxe ?

D’une part, parce que, lorsque la manipulation de l’original devient impossible, l’image num�rique est la meilleure des formules.

D’autre part, parce que, nous l’avons signal� � plusieurs reprises dans nos propos liminaires, il serait dangereux de laisser la num�risation de notre patrimoine � un acteur unique.

C’est pourquoi, par le truchement de cette proposition de loi relative aux livres indisponibles du XXe si�cle, nous comblons, de fait, un vide juridique, en pr�voyant les modalit�s d’exploitation num�rique de livres du XXe si�cle qui ne sont plus disponibles dans le commerce sous forme papier, mais qui sont, en revanche, toujours prot�g�s par le code de la propri�t� intellectuelle.

Les d�bats que nous avons eus, tant en commission que dans l’h�micycle et en commission mixte paritaire, ont fait appara�tre des constantes : d’abord, la n�cessit� de cr�er une base de donn�es publique en ligne, sous la responsabilit� de la BNF ; ensuite, l’obligation d’instaurer une gestion collective confi�e � une soci�t� de perception et de r�partition des droits, dispositif juridique et administratif visant � assurer la r�mun�ration �quitable des auteurs, des ayants droit des auteurs et des �diteurs. Dans ce cadre, la SPRD devient l’interlocuteur unique des �diteurs. Elle est charg�e d’exercer le droit d’exploitation des œuvres litt�raires indisponibles. Elle assure une fonction de vigilance quant � la protection des int�r�ts des auteurs et de leurs ayants droit, dont le droit moral n’est pas remis en cause puisqu’ils auront la possibilit� de refuser la num�risation de l’œuvre. Derni�re constante, enfin, il faut prendre en compte les biblioth�ques accessibles au public, car elles sont pour nous un maillon essentiel de l’acc�s � la culture pour tous.

C’est pourquoi je me f�licite que l’alin�a relatif � l’exploitation num�rique des œuvres indisponibles par les biblioth�ques � accessibles au public ï¿½ ait �t� r�introduit en CMP. En effet, nous �tions convaincus que nous devions pleinement int�grer les biblioth�ques dans ce nouveau dispositif.

Gr�ce � notre volont� et au concours de nos coll�gues s�nateurs, nous sommes parvenus � un accord. Dor�navant, l’article L. 134-8 du code de la propri�t� intellectuelle sera ainsi r�dig� – tous les mots ont leur importance : � Sauf refus motiv�, la soci�t� de perception et de r�partition des droits autorise gratuitement les biblioth�ques accessibles au public � reproduire et � diffuser sous forme num�rique, � leurs abonn�s, les livres indisponibles conserv�s dans leurs fonds dont aucun titulaire du droit de reproduction sous une forme imprim�e n’a pu �tre trouv� dans un d�lai de dix ans � compter de la premi�re autorisation d’exploitation. ï¿½

Il s’agit donc de mettre simplement � la disposition du public, des œuvres, des �crits dont on ne retrouvera pas les auteurs ou les ayants droit que l’on aura auparavant recherch�s en vain pendant dix ans, afin de rendre le contenu de ces livres accessible au plus grand nombre.

Pour les biblioth�ques, lieux de lien social et d’�mancipation de la pens�e, ce sera l’occasion de prolonger leurs actions en faveur de la lecture publique et des ateliers d’�criture, d’organiser des actions de sensibilisation pour les publics les plus �loign�s de la lecture et de renforcer le lien entre auteurs, lecteurs et �diteurs.

De plus, afin de pallier toute d�rive et toute forme de pr�judice, il est stipul� : � Un titulaire du droit de reproduction du livre sous une forme imprim�e obtient � tout moment de la soci�t� de perception et de r�partition des droits le retrait imm�diat de l’autorisation gratuite. ï¿½

Monsieur le ministre, monsieur le vice-pr�sident de la commission, nous sommes conscients que notre r�flexion n’est pas termin�e, qu’elle doit �tre approfondie � partir de l’�volution des techniques de num�risation et de conservation de l’�crit, des habitudes des lecteurs et surtout des nouvelles pratiques de lecture des jeunes publics, que nous souhaitons plus captifs. Cependant, au terme du d�bat men� au Parlement, nous sommes satisfaits d’avoir œuvr� en faveur de la lecture publique et des biblioth�ques. Au terme de ces �changes, nous avons pu r�affirmer que l’acc�s de tous � la lecture est un enjeu culturel et d�mocratique qui constitue l’une de nos priorit�s.

C’est pourquoi le groupe socialiste votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – � Tr�s bien ! ï¿½ sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la pr�sidente. La parole est � M. Marcel Rogemont.

M. Marcel Rogemont. Madame la pr�sidente, monsieur le vice-pr�sident de la commission des affaires culturelles, monsieur le ministre, mes chers coll�gues, nous voici de nouveau r�unis, apr�s le succ�s, le 1er f�vrier, de la commission mixte paritaire, pour examiner la proposition de loi sur l’exploitation des livres indisponibles du XXe si�cle.

L’avenir de l’�re num�rique nous invitait � intervenir sur la question de la num�risation du patrimoine, sur la d�finition des œuvres orphelines, sur les possibilit�s pour les biblioth�ques d’�tre des acteurs de la num�risation au service des citoyens. C’est chose faite avec le texte qui nous est soumis. Celui-ci marque une avanc�e, sans toutefois constituer la fin de notre r�flexion.

Organiser une gestion collective obligatoire des livres indisponibles du XXe si�cle afin d’en promouvoir la conservation et l’acc�s num�rique est un objectif louable, que nous devons chercher � atteindre. Il s’agit de faire revivre des livres �puis�s � la vente et non r��dit�s, au b�n�fice des lecteurs.

Dans ce cadre de cette r�flexion, nous devions naturellement veiller au respect d’un certain nombre de principes fondamentaux, en nous attachant � garantir les droits de l’ensemble des acteurs de la cha�ne du livre, et plus particuli�rement les droits d’auteur.

La commission mixte paritaire est parvenue � un texte plus �quilibr� que celui que nous avions vot� ici m�me. Cependant, il reste � approfondir un certain nombre de points qui devront guider, � l’avenir, nos r�flexions communes.

Lors de l’examen en premi�re lecture, j’avais �voqu� les notions de droit de sortir et de droit d’entrer, et soulign� combien le dispositif relatif au droit de sortir mis en place par le texte, m�me largement encadr�, s’�cartait de la vision commun�ment admise en France du droit d’auteur .

La p�tition d’un collectif d’auteurs nous rappelle que ce texte � d�voie le droit d’auteur d�fini par le code de la propri�t� intellectuelle, sans offrir la moindre garantie � tous les lecteurs de pouvoir acc�der aux ouvrages dans des conditions raisonnables �. Consid�rons ces propos comme un message, que nous devrons garder � l’esprit lors de nos futures d�lib�rations. Apr�s tout, nous pouvons rappeler que Google, sous l’injonction de la justice am�ricaine, a derni�rement mis en place un m�canisme de droit d’entrer.

Mais c’est �galement la question de l’acc�s aux œuvres et de la possibilit� pour les biblioth�ques de le garantir dans des conditions raisonnables qui est ici pos�e. � cet �gard, je me f�licite que les biblioth�ques puissent se voir accorder une utilisation gratuite des œuvres orphelines. C’est un principe auquel nous tenons et qui devra �tre encourag�.

Si elle devait s’y opposer, la soci�t� de perception et de r�partition des droits motiverait son refus. Le groupe SRC ne voulait pas de cette possibilit� de refus ; nous tenons donc � la notion de motivation, fondamentale � nos yeux. Nous esp�rons qu’une exploitation commerciale parall�le, par exemple, ne constituera pas une mesure invoqu�e au soutien d’un �ventuel refus. Le refus devra constituer l’exception.

Il s’agit en effet de faire revivre des œuvres qui, sans �tre tomb�es dans le domaine public, n’ont pas d’auteur ou d’ayant droit identifi�. L’int�r�t des citoyens doit donc guider la logique de la SPRD, et l’int�r�t des auteurs aussi, ce qui suppose des recherches av�r�es et s�rieuses.

Le texte adopt� par le S�nat me paraissait plus �quilibr�, je tiens � le souligner. C’est pourquoi j’en appelle � une r�flexion rapide sur les moyens de garantir les droits de tous. � l’�re du num�rique, le droit � la culture, le droit � la connaissance et le droit � l’information doivent �tre concili�s avec le droit de la propri�t� intellectuelle. C’est un axe de r�flexion dont nous ne pouvons nous d�partir.

Les biblioth�ques sont un acteur majeur des dispositifs futurs. J’appelle donc l’attention de mes coll�gues sur leur statut. Nous connaissons les difficult�s qu’elles rencontrent, elles qui constituent un rouage essentiel dans la cha�ne du livre, dans la diffusion des contenus culturels et dans l’acc�s � l’information. Leur statut devra �tre repens� � l’aune du num�rique.

Enfin, je veux insister une nouvelle fois sur le volet �conomique du dispositif. Alors que le grand emprunt est partie int�grante de l’accord-cadre du 1er f�vrier 2011 relatif � la num�risation et � l’exploitation des livres indisponibles du XXe si�cle, les modalit�s exactes de sa contribution doivent �tre connues et garanties. Car, dans le contexte de crise �conomique que nous connaissons, le grand emprunt risque bien d’�tre une grande dette. Quelles garanties avons-nous ? J’esp�re, monsieur le ministre, que vous serez attentif – comme nous-m�mes – � ce que les engagements soient tenus.

Certains acteurs, pourtant particuli�rement concern�s par cette proposition de loi, n’ont pas eu acc�s � l’accord-cadre, except� lors de l’examen de la proposition de loi en commission. Est-ce normal ? Je ne le crois pas. La transparence doit �tre la pr�occupation de chacun d’entre nous. Alors que certains aimeraient en appeler plus souvent au peuple, la conduite du Gouvernement devrait faire l’objet d’une plus grande transparence et d’une concertation plus appuy�e.

Au b�n�fice des remarques ainsi pr�sent�es, je me dois de saluer le travail parlementaire qui a permis d’aboutir � une solution de rassemblement permettant un vote positif.

Pour conclure, je rappellerai le propos du romancier Maurice Chapelan : � Les œuvres qui ne survivent pas n’ont pas v�cu. ï¿½ Avec ce texte, nous entendons les faire vivre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Vote sur l’ensemble

Mme la pr�sidente. Personne ne demande la parole dans les explications de vote ?...

Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

(L’ensemble de la proposition de loi est adopt� � l’unanimit�.)

4

Ordre du jour de la prochaine s�ance

Mme la pr�sidente. Prochaine s�ance, aujourd’hui, jeudi 23 f�vrier, � neuf heures trente :

Deuxi�me lecture de la proposition de loi portant diverses dispositions d’ordre cyn�g�tique.

La s�ance est lev�e.

(La s�ance est lev�e, le jeudi 23 f�vrier, � z�ro heure vingt.)

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