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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assembl�e nationale
XIIIe l�gislature
Session extraordinaire de 2010-2011

Compte rendu
int�gral

Deuxi�me s�ance du jeudi 7 juillet 2011

SOMMAIRE �LECTRONIQUE

SOMMAIRE


Pr�sidence de M. Louis Giscard d’Estaing

1. Protection de l’identit�

M. Claude Gu�ant, ministre de l’int�rieur, de l’outre-mer, des collectivit�s territoriales et de l’immigration

M. Philippe Goujon, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la l�gislation et de l’administration g�n�rale de la R�publique

Motion de rejet pr�alable

M. Serge Blisko

M. Philippe Goujon, rapporteur, M. Claude Gu�ant, ministre, M. Christian Vanneste, Mme Delphine Batho, M. Jean-Paul Lecoq

2. Modification de l'ordre du jour

3. Protection de l'identit� (suite)

Discussion g�n�rale

M. Christian Vanneste

Mme Delphine Batho

M. Jean-Paul Lecoq

M. Lionel Tardy

Mme Sandrine Mazetier

Discussion des articles

Article 1er

Article 2

Amendement no 3

Article 3

M. Lionel Tardy

Mme Delphine Batho

Amendements nos 4, 12, 13, 6, 5, 18 rectifi�

Article 4

Article 5

Amendements nos 14, 15, 8, 17, 16

Article 5 bis

Article 5 ter

Amendements nos 19, 7, 20

Apr�s l’article 5 ter

Amendement no 1

Article 6

Amendement no 21

Articles 7, 7 bis A, 7 bis et 8

Article 9

Explications de vote

M. Serge Blisko, M. Jean-Paul Lecoq

Vote sur l’ensemble

4. Ordre du jour de la prochaine s�ance

Pr�sidence de M. Louis Giscard d’Estaing,
vice-pr�sident

M. le pr�sident. La s�ance est ouverte.

(La s�ance est ouverte � quinze heures.)

M. le pr�sident. Mes chers coll�gues, je voudrais vous dire, avant que nous ne d�butions notre travail l�gislatif, le tr�s grand honneur que je ressens � pr�sider pour la premi�re fois une s�ance de notre assembl�e, l� o� bat le cœur de la d�mocratie fran�aise.

Profond�ment convaincu de l’importance du r�le du Parlement dans la qualit� de la loi, mais aussi dans l’exercice des pouvoirs de contr�le et d’�valuation des politiques publiques que nous a conf�r�s la r�forme de la Constitution de 2008, je suis naturellement tr�s sensible � cette marque de confiance, et c’est dans un esprit d’�quit�, de fluidit� et d’efficacit� de nos d�bats que je m’efforcerai d’exercer cette nouvelle responsabilit�. (Applaudissements.)

Sans plus attendre, mettons-nous au travail et ouvrons le d�bat.

1

Protection de l’identit�

Discussion d’une proposition de loi
adopt�e par le S�nat

M. le pr�sident. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adopt�e par le S�nat, relative � la protection de l’identit� (n�s 3471, 3599).

La parole est � M. Claude Gu�ant, ministre de l’int�rieur, de l’outre-mer, des collectivit�s territoriales et de l’immigration.

M. Claude Gu�ant, ministre de l’int�rieur, de l’outre-mer, des collectivit�s territoriales et de l’immigration. Monsieur le pr�sident, mesdames, messieurs les d�put�s, avant d’�voquer les enjeux que repr�sente pour nos concitoyens la proposition de loi relative � la protection de l’identit� qui vient en discussion devant vous, je voudrais souligner la qualit� du travail pr�paratoire conduit par votre commission des lois et la qualit� des apports du rapporteur, Philippe Goujon. Au terme d’�changes confiants et constructifs, la commission des lois est parvenue � un texte qui se signale par sa qualit� et son �quilibre.

La vision de votre commission a �t� � la hauteur des enjeux de ce texte tr�s important : renforcer la protection de l’identit� de nos concitoyens et lutter contre l’usurpation d’identit�, d’une part, et, d’autre part, apporter � nos concitoyens un acc�s s�curis� aux outils modernes d’�changes et de services d�mat�rialis�s.

Par l’adoption des technologies les plus r�centes et les plus fiables, nous nous devons d’offrir aux Fran�ais un titre d’identit� qui r�ponde � leurs l�gitimes exigences et attentes. Ainsi, cette carte, gratuite et facultative, sera �quip�e de deux composants �lectroniques : une puce r�galienne contenant les donn�es d’identit� et les donn�es biom�triques du titulaire de la carte, authentifi�es gr�ce � leur enregistrement sur une base centrale ; une puce dite de services d�mat�rialis�s, facultative, permettant de r�aliser les signatures �lectroniques sur internet.

La carte nationale d’identit� �lectronique, ce sont donc deux composants, pour une identit� mieux prot�g�e et une vie simplifi�e.

Premier objectif, assurer, dans le respect des libert�s individuelles, la protection de l’identit� de nos concitoyens.

L’usurpation d’identit�, permettez-moi de vous le rappeler, n’a rien d’anecdotique. Difficilement quantifiable tant elle concerne des fraudes vari�es et pas toujours d�clar�es, allant de la fausse d�claration � l’usage de faux documents, elle est en progression, notamment du fait du d�veloppement des usages sur internet, de l’internationalisation des �changes et de la sophistication toujours plus grande des escroqueries. Dans une estimation tr�s large, le CREDOC comptabilisait en 2009 plus de 200 000 victimes par an, soit plus que les cambriolages ou les vols d’automobile.

Mme Sandrine Mazetier. Et l’INSEE ?

M. Claude Gu�ant, ministre. De mani�re plus pr�cise, on recense � partir des donn�es du fichier automatis� des empreintes digitales g�r� par la police judiciaire environ 80 000 usurpations d’identit� annuelles. C’est bien s�r beaucoup trop.

Ces estimations sont parfois discut�es, elles ne recouvrent pas totalement les m�mes faits, mais elles repr�sentent en d�finitive un co�t �conomique consid�rable, estim� � plusieurs centaines de millions d’euros pour les particuliers, les assurances et les caisses d’assurances sociales ou de ch�mage. Dans la plupart des cas, il s’agit d’infractions non recouvr�es ou de sommes vers�es � de mauvais b�n�ficiaires.

La fraude, c’est surtout un v�ritable traumatisme moral et financier pour les victimes. Le fraudeur, en effet, ne s’arroge pas seulement leur identit�, il leur vole leur vie, il paralyse leurs ressources, leurs actions et leurs projets d’avenir : leurs ressources d’abord, puisqu’il peut ind�ment, en leur nom, ouvrir un compte bancaire, contracter des dettes, percevoir des prestations sociales ou liquider des droits � la retraite ; leurs actions, ensuite, puisqu’il peut se pr�valoir de leur identit� pour s’inscrire sur les listes �lectorales et voter, mais aussi, potentiellement, commettre des infractions dont le poids retombera sur elles ; leurs projets d’avenir, enfin, puisque la mise en �vidence de ces fraudes peut parfois n�cessiter de longues enqu�tes, pendant lesquelles aucun document ne peut �tre d�livr�, ce qui peut signifier pour la victime l’impossibilit� d’inscrire ses enfants � l’�cole, de louer un appartement, de r�aliser des d�marches administratives ou encore de se d�placer � l’�tranger.

La proposition de loi que nous examinons permet d’entraver ce fl�au en introduisant une double s�curit� contre l’usurpation ou la falsification d’identit�.

La premi�re s�curit�, c’est naturellement l’enregistrement des donn�es biom�triques, qui permet l’identification � coup s�r d’une personne. La division par deux du nombre de fraudes concernant le passeport biom�trique, dont nous avons d�livr� plus de 5 millions d’exemplaires depuis deux ans, est l� pour le prouver.

La seconde s�curit�, c’est la mise en œuvre d’une base unique et centralis�e, la base TES, � titres �lectroniques s�curis�s ï¿½, d�j� utilis�e pour les passeports, pour recenser, confronter et v�rifier les informations. Les �ventuels doublons ou usurpations seront ainsi imm�diatement et pr�cis�ment rep�r�s. C’est une garantie contre les falsifications de titres, puisqu’il sera possible de v�rifier la concordance des donn�es inscrites sur le titre avec celles enregistr�es sur la base, contre la d�livrance de plusieurs cartes diff�rentes � une m�me personne et contre l’usurpation d’identit�, puisque les v�rifications op�r�es rendront impossible l’enregistrement de la demande du fraudeur.

La constitution et l’utilisation de cette base sont encadr�es : la s�curisation de la carte d’identit� ne peut se faire en effet, chacun en conviendra, au d�triment des libert�s individuelles.

La base TES �tant d’ores et d�j� utilis�e pour la d�livrance des passeports biom�triques, nous partons sur des bases solides, connues. Sa construction comme sa consultation ont fait l’objet de pr�conisations de la CNIL et d’un d�cret examin� en Conseil d’�tat.

La nouvelle mouture de la base, commune aux passeports et aux cartes d’identit�, int�gre ainsi, dans sa construction m�me, des garanties juridiques, puisqu’un syst�me de tra�abilit� s�curis� a �t� mis en place afin de v�rifier que chaque acc�s aux donn�es de la base est bien fait par une personne habilit�e et pour des raisons conformes � celles �dict�es par la loi ; des garanties techniques, puisque la conservation des donn�es � caract�re personnel est segment�e, �tat civil d’un c�t�, photographies d’identit� de l’autre, empreintes digitales dans un troisi�me compartiment, et que, je le rappelle, les donn�es seront effac�es au bout de quinze ans ; enfin, des garanties de s�curit�, avec le chiffrement syst�matique des donn�es transmises et le recours � un syst�me de lutte contre les intrusions malveillantes.

� ces pr�cautions structurelles s’ajoutent des pr�cautions relatives � la consultation de la base puisque celle-ci sera restreinte � seulement trois cat�gories de personnes, juridiquement habilit�es et utilisant une � carte agent ï¿½, afin d’assurer la tra�abilit� de toutes les op�rations effectu�es sur la base. Concr�tement, pourront consulter la base TES les agents qui la mettent techniquement en œuvre, c’est-�-dire ceux de l’Agence nationale des titres s�curis�s, les agents charg�s de l’instruction des demandes de d�livrance des titres aux minist�res de l’int�rieur et des affaires �trang�res, et les agents des services de s�curit� charg�s de la lutte antiterroriste, en application de la loi de lutte contre le terrorisme de 2006. Bien �videmment, la consultation de la base dans le cadre d’enqu�tes judiciaires men�es sous le contr�le de la justice sera toujours possible.

Enfin, la CNIL est appel�e � effectuer des contr�les sur place, ce qu’elle a d�j� fait s’agissant de la base TES pour le passeport biom�trique en f�vrier 2010.

Ces diff�rentes pr�cautions sont n�cessaires. Elles sont aussi suffisantes. D’autres filtres n’apporteraient rien de plus � la protection des libert�s individuelles mais risqueraient, en revanche, de nuire au fonctionnement optimal de la base. C’est l’enjeu, en particulier, de savoir quel lien autoriser au sein de la base entre les �l�ments d’�tat civil et les donn�es biom�triques. Votre commission des lois a ainsi clairement estim� qu’il fallait privil�gier une logique de lien univoque, revenant en ce sens � ce qui avait �t� propos� par les r�dacteurs initiaux de la proposition de loi.

Le texte issu du S�nat ne permettait pas de garantir � nos concitoyens une lutte v�ritable et compl�te contre l’usurpation d’identit�. Votre commission des lois a r�tabli l’ind�pendance de la r�alisation du projet vis-�-vis de solutions techniques trop sp�cifiques d’industriels ainsi qu’une coh�rence entre les objectifs de s�curit� et les garanties pour les libert�s publiques. Le Gouvernement estime que cette proposition de votre commission est sage. Gr�ce � elle, on ne se contentera pas de d�tecter une usurpation, on pourra aussi y rem�dier efficacement, pour une meilleure protection de la victime. Il serait paradoxal de vouloir lutter plus efficacement contre l’usurpation d’identit�, d’avoir les moyens de le faire en remontant aux usurpateurs, et de ne pas le faire.

M. Philippe Goujon, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la l�gislation et de l’administration g�n�rale de la R�publique. Bien s�r !

M. Claude Gu�ant, ministre. Outre le renforcement de notre lutte contre l’usurpation d’identit�, le passage � la carte nationale d’identit� �lectronique am�liorera les services offerts � nos concitoyens. La carte �lectronique permettra en effet des d�marches simplifi�es et des formalit�s r�duites par l’unification des proc�dures de d�livrance de la carte nationale d’identit� et du passeport.

Concr�tement, gr�ce � la proposition de loi aujourd’hui soumise � votre appr�ciation, les proc�dures de d�livrance de ces deux titres gagneront en efficacit� et simplicit� � tous les niveaux, avec un formulaire de demande unique pour les deux titres ainsi que des pi�ces justificatives identiques et moins nombreuses, notamment lorsque ni l’existence du titre � renouveler ni l’identit� du demandeur ne seront contest�es par l’administration. Pour les communes comme pour les usagers, cela signifie tr�s concr�tement plusieurs millions de documents en moins chaque ann�e. Enfin, les d�lais de d�livrance seront r�duits.

C’est ensuite un service public qui tend vers une proximit� toujours renforc�e. Le passeport biom�trique est aujourd’hui d�livr� avec qualit� et � la satisfaction g�n�rale dans plus de 2 000 mairies, �quip�es de stations biom�triques. Les cartes nationales d’identit� �lectronique reprendront la m�me m�thode de service � la population avec des moyens qui seront bien �videmment ajust�s en fonction des besoins. C’est une volont� continue d’un service proche de l’usager qui a conduit � ces choix.

Cette carte, c’est enfin l’acc�s possible � des services d�mat�rialis�s nouveaux. Comme je l’ai indiqu�, la seconde puce permettra des �changes d�mat�rialis�s. L’utilisateur, par l’interm�diaire d’un petit bo�tier reli� � un ordinateur, pourra s’identifier � partir de sa carte. Il lui sera ainsi possible d’apposer sa signature �lectronique pour r�aliser ses d�marches administratives ou bien ses transactions �conomiques ou commerciales, en restant � tout instant ma�tre des informations qu’il souhaite transmettre. Cette signature �lectronique r�pondra � des normes �tablies et reconnues au plan international ; l’usager pourra donc effectuer des transactions � distance en toute s�curit�.

La s�curit� informatique du dispositif sera garantie par l’�tat, gr�ce � l’Agence nationale des titres s�curis�s, qui, notamment, mettra en place les certificats et agr�era les bo�tiers de lecture.

On devine ais�ment tout le potentiel de service qui va pouvoir se d�velopper gr�ce � cette signature �lectronique. Les services publics, qui se sont fortement d�velopp�s depuis quelques ann�es sur internet, vont trouver de nouvelles applications.

Mesdames et messieurs les d�put�s, le texte qui vous est soumis r�pond aux attentes de nos concitoyens. En 2005 d�j�, ils �taient 74 % � soutenir le projet d’une carte d’identit� �lectronique.

Ce texte r�pond aussi � une dynamique europ�enne puisque dix de nos partenaires, dont plusieurs de nos voisins imm�diats, la Belgique, l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne, ont d�j� adopt� ce syst�me, alors m�me que la technologie de la carte � puce est un domaine d’excellence fran�ais.

Il inscrit surtout notre pays dans une modernit� positive, capable � la fois de prot�ger et de simplifier la vie quotidienne de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la pr�sidente. La parole est � M. Philippe Goujon, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la l�gislation et de l’administration g�n�rale de la R�publique.

M. Philippe Goujon, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la l�gislation et de l’administration g�n�rale de la R�publique. Monsieur le pr�sident – je tiens � vous f�liciter de votre r�cente et brillante �lection � cette fonction –, monsieur le ministre, mes chers coll�gues, notre assembl�e est saisie en premi�re lecture de la proposition de loi relative � la protection de l’identit�, que le S�nat a adopt�e le 31 mai dernier.

Cette proposition de loi vise � assurer une fiabilit� maximale aux passeports et cartes nationales d’identit� afin de lutter efficacement contre l’usurpation d’identit�. Celle-ci, dont les cons�quences souvent dramatiques pour la vie des victimes ont d�j� �t� d�crites par Balzac dans Le Colonel Chabert, est un ph�nom�ne en pleine expansion, m�me si les statistiques sont sujettes � caution.

La vie d’une personne usurp�e peut, j’en ai re�u maints t�moignages, devenir du jour au lendemain un v�ritable cauchemar. La personne peut �tre accus�e d’avoir commis une infraction si son identit� a �t� usurp�e par un d�linquant. Elle peut se retrouver redevable d’un cr�dit pris en son nom et �tre frapp�e d’interdit bancaire. Puisque son �tat civil est incertain, elle ne peut, tant que l’enqu�te de police n’a pas abouti, reconna�tre une paternit�, adopter ou m�me se marier. Elle ne peut pas non plus se faire d�livrer de titre de voyage.

La difficult� � retrouver l’usurpateur peut impliquer qu’une telle situation dure des ann�es, affectant tr�s profond�ment la vie de la personne usurp�e, au point que celle-ci sombre dans une grave d�pression.

Il en est ainsi de ce jeune cadre trentenaire dont l’identit� a �t� usurp�e par un d�linquant et qui se trouve sous le coup d’un mandat d’arr�t international, fich� par Interpol, interdit de titre de voyage, interdit bancaire, devant rembourser des centaines de milliers d’euros de dettes contract�es en son nom par son usurpateur. Il a fini par perdre son emploi et ne peut plus en retrouver du fait de l’inscription � son casier judiciaire de graves d�lits qu’il n’a pas commis et qui l’ont aussi priv� de ses droits civiques. La seule solution pour ce jeune homme est d’attendre l’interpellation de son usurpateur et de tenter de changer lui-m�me d’identit� afin de rena�tre � la vie sociale et citoyenne, ce qui constitue un arrachement � la notion de racines familiales.

Face � un tel enjeu, aussi bien humain que s�curitaire, le l�gislateur se devait de r�agir.

M. Jean-Paul Lecoq. Il n’y a rien dans cette proposition de loi pour les victimes ! Elle ne changera pas leur vie !

M. Philippe Goujon, rapporteur. � ce jour, douze pays ont d�ploy� la carte d’identit� biom�trique. En France, deux puces y figureront, la premi�re, dite r�galienne, comprenant les donn�es biographiques et biom�triques de la personne, la seconde, dite de services, permettant de s�curiser les transactions administratives et commerciales effectu�es sur internet.

La puce r�galienne s�curisera l’identit� physique de la personne par la conservation de ses donn�es biographiques et biom�triques dans une base de donn�es unique, rendant ainsi vaine toute falsification du titre. Cette s�curisation sup�rieure permettra de mieux lutter contre les d�lits d’escroquerie et autres fraudes que l’usurpation d’identit� permet de caract�riser sur le plan p�nal.

La puce � services ï¿½, optionnelle, permettra de s�curiser les �changes en ligne, aussi bien avec l’administration qu’avec les op�rateurs �conomiques, par l’authentification de la signature �lectronique du titulaire de la carte d’identit�.

Le texte adopt� par le S�nat est tout � fait satisfaisant pour de nombreux articles. En revanche, la commission des lois de l’Assembl�e n’a pas partag� son avis sur l’article 5, qui traite de la cr�ation du fichier central, et a d�cid� de revenir � la lettre initiale de la proposition de loi, en faveur d’une base de donn�es dite � ï¿½ lien fort ï¿½.

Le S�nat a souhait� qu’� une empreinte donn�e corresponde, non une identit�, mais plut�t un ensemble d’identit�s. Il a ainsi retenu la technique des bases biom�triques dites � ï¿½ lien faible ï¿½ qui interdit – vous l’avez rappel�, monsieur le ministre – qu’un lien univoque soit �tabli entre une identit� civile et les empreintes digitales de l’int�ress�.

Le taux d’impr�cision, d’environ 1 %, avait sembl� suffisamment faible au rapporteur de la commission des lois du S�nat pour qu’il d�fende ce syst�me. Or j’appelle votre attention sur le fait que ce 1 % d’erreur ne signifie pas que le fraudeur sera d�tect� quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent. Non, appliqu�e � une section de 10 000 individus, cette marge d’impr�cision signifie que cent personnes auront la m�me identit� alphanum�rique et feront l’objet d’une enqu�te pour retrouver l’usurpateur. Ce serait laisser d�lib�r�ment de c�t� les avanc�es de la technologie et pr�f�rer � un syst�me informatique permettant de d�terminer en quelques secondes le nom de l’usurpateur le syst�me actuel, o� la dur�e moyenne de r�solution d’une usurpation � simple ï¿½ dure un an.

J’observe en outre que cette technique n’a �t� retenue par aucun des quelque quarante pays dans le monde qui ont ou envisagent d’avoir une base de donn�es centrale pour les titres de voyage.

La commission ne partage donc pas l’analyse du S�nat. Seul un dispositif associant une identit� � des �l�ments biom�triques tel qu’adopt� par votre commission des lois permettra de traiter efficacement et syst�matiquement le probl�me de l’usurpation d’identit�. Un tel dispositif serait coh�rent avec les pr�conisations du rapport de l’INES de 2001 et des rapports parlementaires rendus depuis 2004 en faveur d’une base de donn�es dite � ï¿½ lien fort ï¿½.

Il ne s’agit en aucun cas d’un fichier de police mais bien d’un fichier administratif. D’ailleurs, le renvoi � un d�cret en Conseil d’�tat pris apr�s avis public de la CNIL s’inspire du mod�le du syst�me TES, � titres �lectroniques s�curis�s ï¿½, d�j� construit pour le passeport.

En effet, la nature juridique d’un traitement de donn�es � caract�re personnel est d�termin�e en fonction des finalit�s poursuivies par ce fichier. Le traitement de donn�es � caract�re personnel TES poursuit prioritairement une finalit� administrative : l’�tablissement, la d�livrance, le renouvellement et le retrait des passeports, et bient�t, si vous l’acceptez, des titres d’identit�.

La r�daction retenue par le S�nat n�cessiterait une construction technique de la base centrale d’un type totalement nouveau s�parant les donn�es : identit� et empreintes. Le croisement des donn�es ne s’effectuerait qu’� la d�livrance du titre ou lors de son renouvellement mais ne se conserverait pas de mani�re univoque dans la base. Dans ce cas, puisque, � l’empreinte de l’usurpateur correspondraient plusieurs centaines, voire plusieurs milliers d’identit�s, les enqu�teurs devraient convoquer chacune de ces personnes pour d�masquer le fraudeur. Des centaines ou des milliers de citoyens feraient donc l’objet d’une enqu�te, ce qui constituerait une atteinte � la vie priv�e bien plus importante que le recours � une identification directe du fraudeur.

L’architecture du fichier central propos�e par le S�nat interdit aussi son utilisation en mati�re de recherche criminelle. Votre commission des lois a estim� au contraire que celle-ci doit �tre possible – bien �videmment, je tiens � le souligner, sur r�quisition judiciaire uniquement.

De m�me, on devrait pouvoir, � l’occasion de catastrophes naturelles – ce n’est pas n�gligeable, loin de l� –, proc�der � l’identification des corps, dans l’int�r�t des familles. Dans le texte du S�nat, une telle identification n�cessiterait une longue enqu�te, alors que le texte initial de la proposition de loi permettrait une reconnaissance certaine des corps.

Dans un tel dispositif, les garanties, comme l’a rappel� M. le ministre, sont essentielles. L’article 6 de la proposition de loi pr�voit ainsi qu’un d�cret en Conseil d’�tat, pris apr�s avis motiv� et publi� de la CNIL, pr�cisera les modalit�s de cr�ation du fichier central, conform�ment � l’article 27 de la loi Informatique et libert�s.

Sur proposition de votre rapporteur, la commission a souhait� pr�ciser que ce d�cret fixera de surcro�t la dur�e de conservation des donn�es du fichier central. Cette dur�e de conservation, le ministre l’a �galement rappel� � l’instant, devrait �tre fix�e � quinze ans.

Le dispositif de l’article 5 ter permet la consultation du fichier central par les administrations publiques et les op�rateurs �conomiques, pour s’assurer de la validit� ou non du titre d’identit� qui leur est pr�sent�. Il s’inspire du fichier national des ch�ques irr�guliers. La Banque de France, comme vous le savez, est charg�e d’informer toute personne sur la r�gularit� de l’�mission des ch�ques.

Cette fonctionnalit� – je le pr�cise car il a pu y avoir confusion – est bien distincte de la puce � services ï¿½ consacr�e � la s�curisation des �changes administratifs et commerciaux sur internet, pr�vue � l’article 3. Il s’agit ici d’une simple interrogation sur le mode binaire – oui ou non – permettant aux op�rateurs de s’assurer de la validit� de l’identit� pr�sent�e par le titulaire de la carte. Bien �videmment, cette consultation ne permettra en aucun cas d’acc�der aux donn�es contenues dans le fichier mais seulement de savoir si le titre d’identit� pr�sent� est valide ou non. Un amendement de votre rapporteur, adopt� par la commission, le pr�cise explicitement.

Enfin, on ne saurait n�gliger les enjeux �conomiques. L’industrie fran�aise est particuli�rement performante dans les technologies de s�curisation des titres. Les principales entreprises mondiales du secteur sont fran�aises, dont trois des cinq leaders mondiaux. Ces soci�t�s emploient plusieurs dizaines de milliers de salari�s tr�s qualifi�s et r�alisent 90 % de leur chiffre d’affaires � l’exportation.

Dans ce contexte, le choix de la France d’une carte d’identit� �lectronique sera un signal tr�s fort. Les titres d’identit� donnent lieu � une concurrence de normes et de proc�d�s techniques : il importe que nos entreprises puissent valoriser leur technologie dans le contexte de cette v�ritable bataille de normalisation, sur le plan europ�en, par rapport aux Allemands, notamment, comme sur le plan mondial, par rapport aux Am�ricains.

L’objet de cette proposition de loi est donc bien d’am�liorer la s�curit� des titres d’identit� et des transactions �lectroniques et de mieux lutter contre les usurpations et les fraudes auxquelles elles donnent lieu, dans le strict respect de la vie priv�e et des libert�s individuelles auxquelles aspirent tout autant nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Motion de rejet pr�alable

M. le pr�sident. J'ai re�u de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet pr�alable d�pos�e en application de l'article 91, alin�a 5, du r�glement.

La parole est � M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Monsieur Giscard d’Estaing, je suis ravi de vous voir pr�sider.

M. le pr�sident. Je vous remercie.

M. Serge Blisko. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers coll�gues, la proposition de loi relative � la protection de l’identit� a pour but affich� de lutter contre le ph�nom�ne appel� g�n�riquement usurpation d’identit�. Vous l’avez dit, monsieur le ministre, plusieurs types de fraude � l’identit� coexistent : identit� fictive cr��e de toutes pi�ces, �change d’identit� entre deux complices, utilisation de l’identit� d’une personne d�c�d�e ou d’un fr�re, d’une soeur, voire d’un jumeau – un article est paru il y a une quinzaine de jours � ce sujet –, ces derni�res infractions, dites intrafamiliales, �tant le plus souvent tr�s difficiles � d�tecter.

De telles fraudes sont souvent un support pour des d�lits tels que l’escroquerie, la fraude aux prestations sociales ou encore la conclusion d’un contrat de travail sous une autre identit�. Les cons�quences sont graves pour les personnes concern�es – celles-ci sont peu �voqu�es d’ailleurs dans la proposition de loi –, tant sur le plan humain, qu’�conomique et professionnel : cela va d’un refus de l’administration de d�livrer des titres d’identit� et de voyage, ceux-ci ayant d�j� �t� remis � l’usurpateur, au remboursement de pr�ts contract�s par le fraudeur, en passant par une condamnation pour des infractions commises par un autre. Ces derni�res ann�es, on a vu un certain nombre de cas, pourtant reconnus frauduleux par voie judiciaire, continuer � produire des effets administratifs graves pour les victimes, telle l’annulation du permis de conduire, qui peut causer un pr�judice consid�rable, notamment aux professionnels du transport.

L’ampleur du ph�nom�ne est difficile � �valuer, nous l’avons tous indiqu�. Le chiffre avanc� de 210 000 cas d’usurpation d’identit� en France est, de l’avis de tous, surestim�. Je rappelle qu’en 2009, seuls 13 900 faits constat�s de fraudes documentaires et � l’identit� ont �t� enregistr�s par les services de police et de gendarmerie, et 11 621 condamnations prononc�es. Remarquons qu’en 2009, 351 000 cartes d’identit� ont �t� d�clar�es perdues ou vol�es ainsi que 79 916 passeports.

J’�voquerai d’abord le contexte de cette proposition de loi. Elle fait suite � plusieurs tentatives du Gouvernement ces derni�res ann�es. Ainsi, des avant-projets de loi ont �t� soumis � la CNIL : le projet INES – identit� nationale �lectronique s�curis�e – en mai 2005, et deux avant-projets � protection de l’identit� ï¿½ en octobre 2006 et en juillet 2008. Par ailleurs, le S�nat avait conduit, d�s 2005, une mission d’information – � l’initiative d�j� de M. Lecerf, qui la pr�sidait – sur la nouvelle g�n�ration de documents d’identit� et sur la fraude documentaire.

La biom�trie, nous le savons, est d’ores et d�j� utilis�e pour les passeports depuis le d�cret du 30 septembre 2005. Le Conseil d’�tat, saisi de ce d�cret par la Ligue des droits de l’homme et par une autre association, n’a pas encore statu�. Nous sommes donc sur un terrain qui n’est pas encore juridiquement tout � fait bord�.

Concernant plus particuli�rement l’usurpation d’identit�, le Parlement vient de l�gif�rer. En effet, l’article 2 de la LOPPSI du 14 mars 2011 a cr�� l’infraction sp�cifique d’usurpation d’identit�, en aggravant d’ailleurs les peines jusque-l� applicables par le nouvel article 226-4-1 du code p�nal. Par ailleurs, de nombreuses dispositions r�pressives existent d�j� dans le code p�nal, le code de proc�dure p�nale, le code de la route et le code des transports.

J’en viens maintenant au concept nouveau : la cr�ation d’une carte d’identit� biom�trique – qui fait suite au passeport biom�trique – et d’un grand fichier national.

Cette proposition de loi pr�voit, dans son article 2, la cr�ation d’une carte d’identit� biom�trique, comprenant notamment les empreintes digitales des personnes, outre d’autres �l�ments tels que la taille et la couleur des yeux. L’article 3 cr�e une fonctionnalit� suppl�mentaire qui pourrait �tre activ�e, de mani�re facultative il est vrai, par le d�tenteur de la carte nationale d’identit� pour ses transactions commerciales sur internet et dans ses relations avec l’e-administration. Cette fonctionnalit� lui permettrait de s’identifier sur internet et de mettre en œuvre sa signature �lectronique. Concr�tement, la personne devra tout de m�me disposer d’un bo�tier connect� � son ordinateur, ce qui n’appara�t pas tr�s simple. Elle sera libre de choisir les donn�es personnelles qu’elle veut transmettre.

La cr�ation de la carte nationale d’identit� biom�trique s’accompagne malheureusement de celle d’un grand fichier central permettant le recueil et la conservation des donn�es personnelles inscrites sur la carte et sur le passeport biom�triques, y compris les empreintes des personnes. L’article 5 bis pr�voit les modalit�s de justification de l’identit�. Introduite par voie d’amendement au S�nat par le rapporteur, la premi�re version de cet article �vitait que le fichier central, dont je vous rappelle que nous refusons la cr�ation, ne soit consult� syst�matiquement pour authentifier l’identit� du d�tenteur du titre. C’est ce qu’il est convenu d’appeler le lien faible. Certes, nous avons peu de recul puisque celui-ci a �t� tr�s peu exp�riment� jusqu’� pr�sent dans les pays voisins, mais s’il doit y avoir un lien, nous le pr�f�rons au lien univoque que vous proposez, car le lien faible ne permet pas une identification judiciaire.

En effet, M. Goujon l’a fort bien expliqu�, les empreintes digitales qui font partie des donn�es biom�triques ne correspondent pas alors � une identit� dans le fichier mais � un ensemble d’identit�s, que l’on �value � 1 % du total. Je ne rentre pas dans la d�monstration alg�brique et math�matique, mais nous avons beaucoup appris au cours de nos travaux en commission gr�ce aux industriels que nous avons auditionn�s. Nous disposions d’un d�lai tr�s bref, je le regrette, mais c’�tait tout de m�me extr�mement int�ressant. L’objectif du lien faible, tel qu’il semble avoir �t� avalis� par la CNIL lors de nos auditions, est de rendre impossible le fait de remonter � une identit� � partir d’une empreinte en interdisant l’utilisation du grand fichier central � des fins de recherches polici�res.

Cependant, et c’est une d�ception, le Gouvernement et le rapporteur � l’Assembl�e se sont oppos�s � la technique du lien faible et ont r�tabli le lien univoque, le lien fort, entre identit� et empreintes. La finalit� du fichier pourrait ainsi �tre �largie � des recherches en mati�re criminelle.

Enfin, l’article 5 ter pr�voit que des personnes priv�es, des commer�ants par exemple, pourront elles aussi consulter ce fichier, mais uniquement afin de v�rifier la validit� de la carte nationale d’identit� ou du passeport qui leur serait pr�sent� � l’appui d’une transaction commerciale.

Cette proposition de loi pr�sente donc de grands dangers.

Premi�rement, vous empruntez une proc�dure parlementaire pour le moins �trange. La cr�ation d’un grand fichier national compos� des empreintes digitales est un enjeu majeur qui ne peut �tre relev� au d�tour d’une proposition de loi, aussi bien b�tie soit-elle, adopt�e � la va-vite, au cours d’une session extraordinaire, dans des d�lais insuffisants tant pour les travaux en commission que pour la s�ance publique. Cette extr�me contraction du temps nuit au d�bat public, qui va bien au-del� de cet h�micycle. Le choix m�me d’une proposition de loi et non d’un projet de loi, au-del� de la rapidit� de son examen, nous interroge : en effet, il n’y a de la sorte pas de recueil de l’avis du Conseil d’�tat, pourtant indispensable en ces mati�res, ni obligation de fournir une �tude d’impact. Vous pensez bien que la cr�ation d’un fichier qui, � terme, regroupera plusieurs dizaines de millions de personnes, ne peut pas se passer d’un avis pr�alable du Conseil d’�tat et d’une �tude d’impact.

Je souligne donc la volont� de faire voter un texte en catimini, volont� qui se confirme au regard des d�bats importants qui avaient accompagn� le pr�c�dent avant-projet de loi, dit INES, en 2005. Celui-ci �tait quasiment similaire, m�me si nous n’�tions pas techniquement au m�me degr� de progr�s qu’aujourd’hui. Il est vrai que la lutte contre l’usurpation d’identit� est un enjeu industriel et commercial important pour la France puisque les entreprises dont nous avons auditionn� les dirigeants sont championnes du monde dans ce domaine et qu’elles travaillent � 90 % � l’exportation. Il fallait d’autant plus s�curiser nos d�bats pour �viter une erreur qui serait tr�s pr�judiciable demain � nos industriels. En 2005, malgr� la technologie de l’�poque, le d�bat �tait le m�me qu’aujourd’hui : la cr�ation d’une carte nationale d’identit� �lectronique, contenant donc des donn�es biom�triques, �tait d�j� envisag�e ; elle ouvrait la possibilit� de prouver son identit� sur internet et de signer �lectroniquement. Je vous accorde volontiers que, depuis, la question s’est beaucoup amplifi�e car nous sommes en pr�sence d’un d�veloppement � deux chiffres, tous les trimestres, du commerce sur internet. Mais le d�bat est rest� le m�me : il porte, hier comme aujourd’hui, sur l’�quilibre entre protection des libert�s individuelles et s�curit� – autrement dit s�curisation – de l’identit� pour �viter les usurpations. On pense au cas o� une personne commanderait tel ou tel appareil co�teux et se le ferait livrer chez elle au d�triment de celui qui paye en n’�tant au courant de rien.

Deuxi�mement, pour parvenir au but affich�, vous avez choisi la pire des solutions, monsieur le ministre : le fichage g�n�ral de la population. Le rapporteur, M. Philippe Goujon, avec l’appui du Gouvernement, a abandonn� le choix de la technique du lien faible adopt� en commission au S�nat. C’est l� vraiment ma d�ception, m�me si je reconnais que nous avions eu des discussions difficiles � ce sujet avec le syndicat des exploitants de cartes � puce. Le fait que chaque empreinte soit reli�e directement � une identit� revient � cr�er un fichier exhaustif de la population fran�aise – je mets � part les titres s�curis�s pour les personnes �trang�res –, et il est anormal qu’un tel fichier puisse �tre utilis� � d’autres fins que la lutte contre l’usurpation. Toutes les limitations apport�es par la CNIL, en particulier concernant les fichiers de police, notamment le FAED – le fichier des empreintes digitales – et le FNAEG – le fichier des empreintes g�n�tiques – n’auraient plus lieu d’�tre puisqu’on aurait un fichier extr�mement exhaustif. Dans ce fichier tout � fait �tonnant, tous les citoyens seraient dans la base du minist�re de l’int�rieur, criminels et d�linquants certes, mais aussi la grande masse des Fran�ais honn�tes, de loin les plus nombreux ; seuls n’y figureraient pas les mineurs jusqu’� douze ou quinze ans, du moins ceux qui n’ont pas besoin d’un titre pour voyager ou pour utiliser un scooter.

En outre, vous avez �voqu� avec les industriels, monsieur le rapporteur, la possibilit� de reconnaissance faciale des individus dans la rue, dans les transports en commun ou lors de manifestations. Il s’agit d’un progr�s de la biom�trie lourd de cons�quences, car chacun pourrait �tre reconnu et identifi� sur ses �l�ments biom�triques. Certes, je confirme que ces �l�ments ne sont pas compl�tement pr�cis�s dans l’article 2, mais ce dispositif ouvre vers un avenir assez inqui�tant et qui ne rel�ve pas seulement de la science-fiction.

Par ailleurs, bien que la carte nationale d’identit� ne soit pas obligatoire – cela a �t� rappel� mezza voce en commission –, en r�alit�, tous les citoyens seront d�sormais contraints de donner leurs empreintes digitales � l’une de ces 2 000 antennes de police administrative que vous avez d�crites, monsieur le ministre. Il s’agira, en plus, d’empreintes tr�s particuli�res. Je me r�f�re aux auditions des hauts fonctionnaires du minist�re de l’int�rieur : il faudra donner les empreintes de huit de ses doigts par la technique des empreintes roul�es et non pas pos�es. Elle est tr�s diff�rente de celle de l’empreinte pos�e car c’est une technique criminologique. Nous ne sommes plus alors dans une d�marche de reconnaissance d’identit�, mais dans la logique d’un fichier de recherches criminelles. Il y a eu un glissement. Le Diable se glisse souvent dans les d�tails, et j’ai d�montr� que ce d�tail avait son importance.

En effet, � ce jour, la collecte d’empreintes digitales ne s’effectue que pour la d�livrance d’un passeport puisqu’il n’y en a pas sur nos cartes d’identit� plastifi�es. Les personnes n’ayant pas besoin d’un passeport et ne souhaitant pas donner leurs empreintes – hors enqu�te de police – pouvaient simplement demander une carte nationale d’identit�. D�sormais, il n’y aura plus de choix : pour obtenir un titre d’identit� ou de voyage, la collecte de donn�es biom�triques sera syst�matique.

Troisi�mement, le principe de finalit� et de proportionnalit� – pierre angulaire de la loi Informatique et libert�s de 1978, qui est notre credo dans ce domaine depuis plus de trente ans – n’est pas respect�. Son article 6 dispose que les donn�es personnelles � sont collect�es pour des finalit�s d�termin�es, explicites et l�gitimes et ne sont pas trait�es ult�rieurement de mani�re incompatible avec ces finalit�s ï¿½. Elles doivent �tre � ad�quates, pertinentes et non excessives au regard des finalit�s pour lesquelles elles sont collect�es et de leurs traitements ult�rieurs ï¿½.

Le cadre est donc fix� par la loi de 1978 et par la jurisprudence de la Cour europ�enne des droits de l’homme. L’interpr�tation par la CEDH de l’article 8 de la Convention europ�enne de sauvegarde des droits de l’homme – affirmant le droit au respect � la vie priv�e – est tr�s stricte.

Dans un arr�t S. et Marper contre Royaume-Uni de 2008, la Cour a rappel� que � la protection des donn�es � caract�re personnel joue un r�le fondamental pour l’exercice du droit au respect de la vie priv�e et familiale consacr� par l’article 8 de la Convention. La l�gislation interne doit donc m�nager des garanties appropri�es pour emp�cher toute utilisation de donn�es � caract�re personnel qui ne serait pas conforme aux garanties pr�vues dans cet article. Le droit interne doit notamment assurer que ces donn�es sont pertinentes et non excessives par rapport aux finalit�s pour lesquelles elles sont enregistr�es, et qu’elles sont conserv�es sous une forme permettant l’identification des personnes concern�es pendant une dur�e n’exc�dant pas celle n�cessaire aux finalit�s pour lesquelles elles sont enregistr�es. ï¿½

Avec ce fichier dont la dur�e est en quelque sorte �ternelle,…

M. Claude Gu�ant, ministre. Quinze ans !

M. Serge Blisko. …puisqu’il conserve les donn�es jusqu’au d�c�s de la personne, vous �tes loin de la jurisprudence de la Cour europ�enne des droits de l’homme.

Ficher potentiellement 45 � 50 millions de personnes – cette estimation a �t� avalis�e par tous les interlocuteurs auditionn�s en commission – dans le seul objectif de lutter contre l’usurpation d’identit� qui touche quelques dizaines de milliers de Fran�ais par an, peut-il �tre consid�r� comme proportionn� ? Avoir toute la population en fiches biom�triques n’est pas possible.

Par ailleurs, il est l�gitime de s’interroger sur les futures utilisations d’un tel fichier. La lutte contre ce grave probl�me qu’est l’usurpation d’identit� ne serait alors qu’un simple pr�texte pour constituer un fichier g�n�ral de la population. Celui-ci serait en outre construit sur des bases scientifiques et biom�triques tr�s importantes, allant bien au-del� du bertillonnage, ce syst�me vieux de plus d’un si�cle qui a marqu� le d�but de la police scientifique dans notre pays.

L’enjeu est d’autant plus majeur que ce processus est irr�versible. Une fois ces donn�es biom�triques personnelles – intangibles, immuables, inalt�rables – collect�es, on ne pourra faire marche arri�re.

Monsieur le ministre, j’ai le regret de rappeler que la France n’a cr�� qu’une seule fois un fichier g�n�ral de la population, c’�tait en 1940. Il fut d’ailleurs d�truit � la Lib�ration.

Voici un extrait de la loi du 27 octobre 1940 de l’�tat fran�ais : � Obligation de d�tenir une carte d’identit� � partir de seize ans, comportant les empreintes digitales et la photographie, et de d�clarer tout changement d’adresse. Institution d’un fichier central de la population et d’un num�ro d’identification individuel. ï¿½

Ce fichier central, disais-je, a �t� d�truit � la Lib�ration. C’est donc bien depuis la p�riode de Vichy que la France n’a pas connu et n’a pas voulu un tel fichage de sa population. Je regrette que vous nous le proposiez aujourd’hui, par le biais d’une proposition de loi.

Dernier aspect d�plaisant, sur lequel vous avez gliss� un peu rapidement, monsieur le rapporteur : cette proposition de loi est une opportunit� pour faciliter les �changes commerciaux. Je ne suis pas contre le fait de s�curiser la signature �lectronique sur internet pour d�clarer ses imp�ts ou payer une amende au Tr�sor public, mais la proposition de loi va au-del� du domaine r�galien et de ses extensions budg�taires.

La nouvelle carte nationale d’identit� serait – j’esp�re pouvoir parler au conditionnel – …

M. Philippe Goujon, rapporteur. Sera !

M. Serge Blisko. …compos�e de deux puces distinctes. Si la puce dite � services ï¿½ ou � vie quotidienne ï¿½ est facultative, on ne peut que s’interroger sur ce d�tournement � des fins commerciales. Alors que nous �tions dans le domaine r�galien, avec ce probl�me tr�s complexe qu’est l’usurpation d’identit�, nous en venons tout � coup � faciliter les �changes commerciaux. Nous avons chang� d’�chelle, cr�ant au passage une confusion entre des objectifs r�galiens – dont nous reconnaissons l’importance – et d’autres, plus mercantiles, qui sont d�j� pris en compte dans d’autres syst�mes de v�rification.

Aux d�buts du commerce sur internet, il y avait beaucoup de fraudes. Actuellement, afin de permettre un �change s�curis�, en particulier lors d’achats d�passant certains montants, il existe des mots de passe, des codes � utilisation unique qui peuvent �tre envoy�s sur t�l�phone portable, des confirmations par mail, etc.

Pour le commerce banal, nombre de syst�mes de s�curisation existant d�j�, je ne vois pas l’apport de cette nouvelle disposition, qui sera co�teuse. D’ailleurs, qui va payer cette deuxi�me puce �lectronique ? Si j’ai bien compris, monsieur le rapporteur, le commer�ant pourrait adh�rer � un syst�me central…

M. Philippe Goujon, rapporteur. Comme pour les ch�ques vol�s.

M. Serge Blisko. …sur le mod�le de celui qui existe, en effet, pour l’identification des ch�ques vol�s. Dans ce cas, seuls les commerces les plus importants auront les moyens d’y adh�rer, et la protection des petits commer�ants ne sera pas tr�s bien assur�e.

Mettre les deux puces – r�galienne et commerciale – sur la carte d’identit� comporte un danger plus grave : celui de rendre possible un tra�age des individus, dont nous avons un aper�u avec le passe Navigo. La RATP peut suivre tous les d�placements d’un voyageur muni d’un tel titre de transport, et elle peut communiquer ces informations � la police ou � un juge d’instruction sur r�quisition judiciaire. C’est donc � juste titre que certains craignent un tra�age des individus sur internet, portant tr�s fortement atteinte au respect � la vie priv�e.

Le groupe socialiste au S�nat s’est d’ailleurs interrog� sur le fait que cette deuxi�me puce � services ï¿½ soit g�r�e par le minist�re de l’int�rieur. Avez-vous besoin, en qualit� de ministre de l’int�rieur, de conna�tre les habitudes d’achat et de consommation ou les all�es et venues de millions de citoyens ? Nous sommes l� dans un monde tel que d�crit par Orwell dans 1984, et dont l’obsession du contr�le me semble hors de propos s’agissant de la protection contre l’usurpation d’identit�. Ce v�ritable probl�me ne demande pas un d�ploiement stratosph�rique permettant de tracer les d�placements et les achats des individus !

Monsieur le ministre, je demande solennellement au Gouvernement, �tant donn� les risques d’atteintes graves � la vie priv�e et aux libert�s individuelles qu’elle comporte, de retirer cette proposition de loi de l’ordre du jour parlementaire.

Mme Sandrine Mazetier. Tr�s bien !

M. Serge Blisko. Il ne s’agit pas de l’enterrer compl�tement puisque le probl�me existe, mais de se donner le temps de consulter des instances dont les avis auraient d� �tre annex�s � votre rapport, monsieur Goujon : le Conseil d’�tat, la CNCDH, la CNIL.

Nous ne pouvons pas non plus faire abstraction d’un fait sur lequel vous avez aussi gliss� tr�s rapidement : si nombre de pays de l’Europe des Vingt-Sept ont introduit de la biom�trie dans leurs titres d’identit�, nous serions quasiment le seul – en tout cas le seul pays important – � mettre en place un fichier g�n�ral informatis� de la population.

Face � tous ces dangers, � toutes ces d�rives possibles, je vous invite, mes chers coll�gues, � soutenir cette motion de rejet pr�alable qui traduit notre inqui�tude et notre opposition formelle � une telle proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Paul Lecoq. Tr�s bien !

M. le pr�sident. La parole est � M. le rapporteur.

M. Philippe Goujon, rapporteur. Sur ce texte extr�mement technique et s�rieux, l’orateur qui vient de s’exprimer a pr�sent� nombre d’observations importantes et int�ressantes, mais son propos comportait aussi nombre d’impr�cisions et de confusions. Monsieur Blisko, vous faites dire au texte beaucoup de choses qu’il ne dit pas.

D’abord, vous �voquez le choix d’une proposition de loi plut�t que d’un projet de loi. Dois-je vous rappeler que cette proposition de loi a �t� d�pos�e par deux s�nateurs � l’issue d’une mission d’information parlementaire et d’autres rapports du S�nat. Il �tait donc parfaitement l�gitime, pour tenir compte de l’int�r�t de l’initiative parlementaire, que l’Assembl�e nationale en soit saisie sous cette forme. Le S�nat pouvait parfaitement consulter le Conseil d’�tat, m�me s’il ne l’a pas fait.

Mme Sandrine Mazetier. Vous non plus, monsieur le rapporteur !

M. Philippe Goujon, rapporteur. Mais si nous tra�ons les grandes lignes, l’avis du Conseil d’�tat et celui de la CNIL seront le cœur du dispositif ; ils seront d�terminants.

Vous ne pouvez pas confondre le fichier administratif et le fichier de police, qui sont radicalement diff�rents et n’ob�issent pas aux m�mes r�glementations. Bien entendu, il ne s’agit pas d’utiliser ce fichier � des fins d’investigation judiciaire, mais seulement pour v�rifier l’identit� du d�tenteur du titre et l’authenticit� de la d�livrance des titres et de leur renouvellement, dans des conditions d’acc�s extr�mement encadr�es.

Ce fichier ne sera pas accessible n’importe comment et � n’importe qui ! L’acc�s � la base centrale se fera de fa�on gradu�e, seulement en cas de doutes s�rieux. Cette r�gle de la graduation et de la proportionnalit� est opportune pour ce type de contr�le. Recherche de l’usurpateur, recherche des victimes de catastrophes naturelles et recherches criminelles sur r�quisition de la justice sont les seules finalit�s qui pourront justifier la consultation.

Il s’agit de s’assurer de l’authenticit� de l’identit� et de la validit� du titre en question, ce qui est bien le r�le du minist�re de l’int�rieur et de la police. Il ne s’agit de rien d’autre. � vous entendre, les commer�ants pourraient acc�der � certaines donn�es et la police pourrait v�rifier les achats des individus. C’est totalement impossible et exclu par le texte.

Venons-en au lien faible et au lien fort. On nous a assez peu d�montr� l’utilit� du lien faible, qui a d’ailleurs �t� peu d�fendu au S�nat m�me s’il a finalement �t� adopt�. Parmi les industriels, nous n’en avons pas trouv� un pour nous assurer que le lien faible pouvait �tre mis en œuvre. D’ailleurs, il n’est utilis� nulle part dans le monde et il ne correspond absolument pas aux exigences de s�curit� des titres d’identit�. Il n’y a donc pas de d�veloppement possible de documents ainsi con�us.

Plus important encore : � partir du moment o� il n’y a pas correspondance absolue et univoque entre les empreintes et les donn�es concernant l’identit�, la police serait oblig�e d’enqu�ter sur peut-�tre une centaine de personnes. Sachant qu’une enqu�te mobilise un fonctionnaire de police pendant une apr�s-midi, l’identification lui prendra cent demi-journ�es. Les policiers ayant mieux � faire, ces recherches ne seront donc pas effectu�es, ce qui nourrira un sentiment d’impunit� chez les usurpateurs.

Dernier point : les garanties des libert�s. Selon la m�me proc�dure que pour le passeport, le d�cret du Conseil d’�tat contiendra les mentions figurant sur le titre dans la puce ; les conditions de d�livrance ; les conditions de mise en œuvre et d’utilisation de la base ; les donn�es enregistr�es, dont huit empreintes dans le fichier central mais deux seulement sur la puce – sachant qu’il y a vingt fois plus d’erreurs quand on utilise deux empreintes plut�t que huit – ; la d�finition des personnes ayant acc�s aux donn�es et � la base, ainsi que des personnes pouvant consulter la puce ; la dur�e de conservation.

Notons que la jurisprudence S. et Marper contre Royaume-Uni porte sur ce dernier point : l’arr�t pr�cise qu’il doit y avoir proportionnalit� par rapport � la fraude et il se prononce sur la dur�e de conservation. La proposition de loi pr�voit une dur�e de quinze ans.

Quant au droit d’acc�s et de rectification pr�vu par la loi du 6 janvier 1978, il pourra �tre exerc� imm�diatement puisque le titulaire de la carte pourra lui-m�me v�rifier ses donn�es gr�ce � son code.

Voil� pourquoi ce titre d’identit� doit voir le jour le plus vite possible.

M. le pr�sident. La parole est � M. le ministre de l’int�rieur.

M. Claude Gu�ant, ministre. Je veux tout d’abord dire � M. Blisko que le Gouvernement consid�re qu’une proposition de loi n’est pas moins noble qu’un projet de loi. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il a propos� au Parlement une r�vision de la Constitution qui renforce l’initiative parlementaire en mati�re l�gislative.

Je veux aussi apporter des pr�cisions qui – j’en suis d�sol� – vont � l’encontre de certaines affirmations de M. Blisko.

Tout d’abord, le Conseil d’�tat sera bien s�r saisi de toutes les modalit�s d’application de cette proposition de loi si elle devient une loi de la R�publique. S’agissant pr�cis�ment de la constitution de la base TES, qui vous inqui�te, monsieur Blisko, le Conseil d’�tat a d�j� rendu un avis sur l’application aux passeports.

Je pr�cise par ailleurs qu’il ne s’agit pas d’un fichage g�n�ral de la population. Comme vous l’avez du reste indiqu� au d�tour d’un autre d�veloppement, la d�tention de la carte d’identit� �lectronique n’est pas une obligation.

Il ne s’agit pas non plus de constituer un fichier de police : il s’agira d’un fichier administratif. Cela signifie que les empreintes prises seront, comme pour les passeports, des empreintes de huit doigts � plat et non pas, comme pour le FAED, des empreintes de doigts roul�es. Le FAED devra donc bien entendu �tre maintenu puisque c’est un fichier de police.

Derni�re observation factuelle, il ne s’agit pas d’un fichier � ï¿½ternel ï¿½ puisque les donn�es seront syst�matiquement d�truites au bout de quinze ans.

S’agissant du fond de la proposition de loi, il est �videmment hors de question, pour le minist�re de l’int�rieur, de s’immiscer dans le contenu des �changes commerciaux ou de chercher � en savoir quoi que ce soit. Le minist�re de l’int�rieur n’interviendra que pour garantir la fiabilit� du syst�me, sa s�curit�, c’est-�-dire, d’une part, la s�curit� des bo�tiers �lectroniques et, d’autre part, la s�curit� des transmissions.

J’ajoute que, compte tenu du d�veloppement des transactions �lectroniques, sujet que vous connaissez manifestement tr�s bien, monsieur Blisko, la proposition qui vous est soumise est de nature � renforcer les garanties en la mati�re. Le minist�re de l’int�rieur est pr�occup� par le d�veloppement des fraudes en tout genre qui se d�veloppent dans les transactions �lectroniques, et ce texte offre une s�curit� � ceux de nos concitoyens � qui ce mode d’�change convient.

Fondamentalement, il s’agit de savoir si l’usurpation d’identit� est un sujet s�rieux ou non. Je pr�tends que le fait que 80 000 usurpations d’identit� soient recens�es chaque ann�e par le FAED, alors m�me qu’il n’est pas saisi � titre principal – il les d�couvre � l’occasion de recherches sur d’autres infractions –, m�rite vraiment d’�tre consid�r�, car l’usurpation d’identit� – tout le monde l’a dit ; vous-m�me, monsieur Blisko – est extr�mement grave pour ceux qui en sont les victimes.

La technique du lien faible ne permet pas de remonter � l’usurpateur ; Philippe Goujon a �t� particuli�rement pr�cis et �loquent � ce propos. Le minist�re de l’int�rieur a d’ailleurs re�u une lettre de l’inventeur de la technique, qui indique tr�s clairement qu’il ne peut garantir qu’elle permette de remonter � l’usurpateur.

Si nous avons la possibilit� technique de remonter � l’usurpateur et, par cons�quent, de faire cesser imm�diatement l’usurpation, pourquoi donc pr�f�rer d�tenir une liste de 100 noms sur lesquels les services de police devront faire des enqu�tes syst�matiques ? Je parle de 100 noms, mais certaines �valuations sont plus pessimistes et �voquent 140 ou 160 noms. Pourquoi, alors que nous voulons tous enrayer le fl�au gravissime de l’usurpation d’identit�, ne pas utiliser ce qui nous permettra d’y parvenir ?

Le Gouvernement souhaite donc le rejet de la motion.

M. le pr�sident. Dans les explications de vote sur la motion de rejet pr�alable, la parole est � M. Christian Vanneste, pour le groupe UMP.

M. Christian Vanneste. Monsieur le pr�sident, monsieur le ministre, mes chers coll�gues, nous avons �cout� avec beaucoup d’int�r�t le d�veloppement, en trois parties, de l’auteur de cette motion.

Tout d’abord, monsieur Blisko, vous �tes parti de pr�misses justes. Vous avez constat� que les usurpations d’identit� �taient extr�mement douloureuses pour les victimes. Vous avez �galement constat� que, compte tenu de notre mode de vie, elles tendaient � se multiplier.

Ensuite, vous �tes pass� � un raisonnement assez curieux, qui conduirait � rendre le moins efficace possible un dispositif destin� � rem�dier � un probl�me que vous jugiez pourtant tr�s grave.

J’en donne deux exemples. Vous pensez qu’il est bon de cr�er une carte d’identit� s�curis�e mais, dans le m�me temps, vous refusez un fichier central. Le fichier central est pourtant le seul outil qui permette de s�curiser la carte d’identit�. Voil� qui est un peu curieux ! En outre, vous privil�giez le lien faible par rapport au lien fort. Or, M. le rapporteur l’a justement montr�, le lien faible multiplie par 100 le nombre de personnes ayant la m�me identit� alphanum�rique, et donc la lourdeur des proc�dures et la g�ne subie par les 99 personnes sur lesquelles on enqu�tera, � tort, pour trouver l’usurpateur.

Enfin, de mani�re un peu pavlovienne, pardonnez-moi, vous avez invoqu� deux mythologies habituelles de la gauche.

Premi�rement, vous avez cit� Orwell. Je vous rappelle tout de m�me, cher coll�gue Blisko, qu’Orwell d�crivait une soci�t� tr�s pr�cise, la soci�t� stalinienne, et il le faisait parce que c’�tait un ancien communiste. Le fichage, c’est effectivement tr�s dangereux sous un r�gime de dictature, mais le fait de pouvoir prot�ger les honn�tes gens dans une d�mocratie, c’est quand m�me beaucoup moins dangereux. Vous devriez faire la distinction.

Deuxi�mement, comme d’habitude, � le fichier, c’est Vichy ! ï¿½ Soit, mais le probl�me est qu’aujourd’hui ce sont les plus grandes d�mocraties d’Europe, la Scandinavie, notamment la Su�de et la Finlande, qui l’ont adopt�, tout simplement parce qu’elles n’ont pas subi le r�gime de Vichy. Ne faites donc pas payer aux victimes d’aujourd’hui le prix de ce que les coupables d’hier ont fait subir aux victimes d’hier ! Ce n’est pas parce qu’il y a eu hier une dictature � Vichy qu’il ne faut pas prot�ger aujourd’hui les honn�tes gens.

Vous �tes finalement parvenu � une conclusion assez fausse : s’il y a des victimes, eh bien oui, vous le d�plorez, mais au fond, vous pr�f�rez la libert� des coupables potentiels � la protection des victimes r�elles ! C’est une habitude de la gauche : les victimes vous int�ressent peu. Nous le savons, et nous avons pu le v�rifier une fois de plus. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le pr�sident. La parole est � Mme Delphine Batho, pour le groupe SRC.

Mme Delphine Batho. Je pense que M. Vanneste n’a pas pris connaissance d’un rapport qui a �t� publi� aujourd’hui, celui de la Cour des comptes.

Quand on regarde la politique de s�curit� men�e depuis 2002, une catastrophe,…

Mme Sandrine Mazetier. Certes !

M. Philippe Goujon, rapporteur. Ce n’est pas ce que dit le rapport ! Vous ne l’avez pas lu !

Mme Delphine Batho. …quand on regarde la r�alit� de vos r�sultats, quand on regarde les d�monstrations objectives de la Cour des comptes, institution s�rieuse de la R�publique fran�aise, on se dit que vous pourriez vous �pargner de nous donner des le�ons ! Le rapport de la Cour des comptes montre en outre que toujours plus de lois, toujours plus de fichage, toujours plus de statistiques, toujours moins de pr�sence humaine sur le terrain, toujours moins d’effectifs, cela conduit effectivement au r�sultat d�plorable que l’on constate aujourd’hui dans notre pays.

M. Philippe Goujon, rapporteur. Pas vous, pas �a !

Mme Delphine Batho. De plus, vous avez, monsieur le rapporteur, travesti la r�alit�, en pr�tendant que c’est un fichier administratif, non un fichier de police, que tend � instaurer la proposition de loi. Car votre rapport affirme l’inverse, et vous l’avez vous-m�me confirm� tout � l’heure. Que lisons-nous page 13 ? Que ce fichier servira pour des recherches sur r�quisition judiciaire ; c’est d’ailleurs pour cela que vous contestez la technique du lien faible. Je vais m�me plus loin : ce fichier servira en mati�re de recherches polici�res, puisque l’article 9 de la loi de 2006 sur le terrorisme, dont la port�e a �t� �tendue par la LOPPSI, permet d’utiliser de tels fichiers � des fins polici�res.

Il est donc inexact de pr�tendre qu’il ne s’agit que d’un fichier des cartes d’identit� qui ne saurait �tre utilis� � d’autres fins. D’ailleurs, vous-m�me, monsieur le rapporteur, �tes oblig� d’�crire que le fichier servira � prioritairement ï¿½ � des fins administratives. Cela veut bien dire qu’il servira secondairement � d’autres fins.

M. Philippe Goujon, rapporteur. Vous caricaturez ! C’est la proc�dure qui l’exige !

Mme Delphine Batho. Pas seulement ! Cela veut dire que le fichier servira � d’autres services sans r�quisition judiciaire, mais j’y reviendrai au cours de la discussion.

Pour vous inviter, mes chers coll�gues, � adopter la motion d�fendue par Serge Blisko, je rappelle qu’il existe une jurisprudence du Conseil constitutionnel en mati�re de fichiers de police. Dans sa d�cision sur la LOPPSI, le Conseil a bien rappel� qu’il �tait n�cessaire de concilier les objectifs de sauvegarde de l’ordre public, auquel nous sommes attach�s comme vous, et la protection des libert�s individuelles et fondamentales.

M. Patrice Martin-Lalande. Nous sommes aussi attach�s que vous aux libert�s, et m�me un peu plus !

Mme Delphine Batho. Je pense donc qu’il faut adopter la motion de rejet pr�alable. � d�faut, le Conseil constitutionnel sera certainement amen� � censurer ce texte.

M. le pr�sident. La parole est � M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Il est vrai que, lorsque l’on pense aux victimes, toutes les questions qui viennent d’�tre �voqu�es nous interpellent. Quand on pense � toutes les victimes de tous les d�linquants, on se demande, chaque fois, quelle mesure prendre pour lutter contre la d�linquance. Chaque fois �galement, on est �tonn� par la capacit� qu’ont les d�linquants de franchir les obstacles, toujours plus �lev�s, que l’on a voulu placer sur leur chemin. Certains parlent m�me du � talent ï¿½ des d�linquants ; moi, je n’y arrive pas. Je veux bien employer le terme de talent pour parler des artistes, je me refuse � le faire � propos des d�linquants, m�me si je constate une forme de progression.

Aujourd’hui, nous allons cr�er le fichier des � potentiellement d�linquants ï¿½. Avec votre proposition de loi, c’est l’ensemble de la population qui va �tre � potentiellement d�linquante ï¿½ ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Vanneste. Mais non ! Elle est potentiellement victime 

M. Jean-Paul Lecoq. Non, ce n’est pas un fichier de victimes que l’on va instaurer, c’est un fichier de � potentiellement d�linquants ï¿½, pour mieux retrouver, parmi ces millions d’habitants, le d�linquant potentiel.

M. Christian Vanneste. Vous n’avez pas compris le texte !

M. Jean-Paul Lecoq. Je l’ai tr�s bien compris.

On reparlera tout � l’heure de la puce commerciale. Pour l’instant, j’en reste � ce qu’a dit M. le ministre, � savoir que la carte d’identit� n’est pas obligatoire. Certes, mais il faut tout le temps justifier son identit� ou, du moins, de plus en plus souvent, notamment dans le m�tro, a fortiori si l’on pr�sente certaines particularit�s physiques.

En outre, le passeport biom�trique est d�j� associ� � un fichier. Peut-�tre nous direz-vous demain, en raison de la d�linquance qui s�vit en la mati�re, qu’il faut aussi que les permis de conduire soient biom�triques. En fin de compte, il n’y aura plus que des fichiers biom�triques.

M. Philippe Goujon, rapporteur. Il s’agit de lutter contre la fraude !

M. Jean-Paul Lecoq. Votre argument tir� du caract�re suppos� non obligatoire de la carte d’identit� ne passe donc pas, monsieur le ministre. Ceux d�velopp�s par notre coll�gue Serge Blisko pour justifier la motion de rejet me semblent, en revanche, de poids.

� qui tout cela profite-t-il ? On se pose toujours la question � propos d’un texte de loi. On esp�re, en mati�re de s�curit�, que cela profite aux victimes, mais vous avez conclu votre propos, monsieur le ministre, en �voquant les industriels, notre savoir-faire…

M. Claude Gu�ant, ministre. Non !

M. Jean-Paul Lecoq. Vous relirez votre intervention.

Nous avons donc l’impression que cela profite quand m�me � une industrie et qu’il s’agit, avant de l’exporter, de tester ici une technologie, quand bien m�me elle contrevient aux principes fondamentaux de notre R�publique, en premier lieu � la pr�somption d’innocence, principes qui devraient nous inciter � ne pas ficher la population et � mobiliser, en mati�re de police, les moyens n�cessaires pour arr�ter et punir les d�linquants. Qu’il y ait un fichier des d�linquants, cela ne pose pas de probl�me, parce qu’ils ont effectivement commis des actes r�pr�hensibles et qu’il faut �viter la r�cidive. En revanche, il ne faut pas ficher les innocents.

M. Philippe Goujon, rapporteur. Ce n’est pas un fichier de police !

M. Jean-Paul Lecoq. Mais si, et vous le savez parfaitement !

(La motion de rejet pr�alable, mise aux voix, n'est pas adopt�e.)

Suspension et reprise de la s�ance

M. le pr�sident. La s�ance est suspendue.

(La s�ance, suspendue � seize heures quinze, est reprise � seize heures vingt.)

M. le pr�sident. La s�ance est reprise.

2

Modification de l'ordre du jour

M. le pr�sident. M. le pr�sident a re�u de M. le ministre charg� des relations avec le Parlement une lettre l’informant que l’ordre du jour du lundi 11 au mercredi 13 juillet est ainsi fix� :

Le lundi 11 juillet, l’apr�s-midi : proposition de loi sur les r�serves ;

Le soir : textes des commissions mixtes paritaires sur le projet de loi de financement rectificative de la s�curit� sociale pour 2011 et sur la proposition de loi pour le d�veloppement de l’alternance ;

Le mardi 12 juillet, le matin : textes des commissions mixtes paritaires sur le projet de loi organique relatif aux collectivit�s r�gies par l’article 73 de la Constitution, sur le projet de loi relatif � la Guyane et � la Martinique et sur le projet de loi organique relatif � la Polyn�sie fran�aise ;

L’apr�s-midi et le soir : d�claration, suivie d’un d�bat et d’un vote sur l’intervention en Libye ; nouvelle lecture du projet de loi relatif � la r�partition des contentieux ;

Le mercredi 13 juillet, le matin : �ventuellement, texte de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi modifiant certaines dispositions de la loi portant r�forme de l’h�pital ;

L’apr�s-midi : questions au Gouvernement.

3

Protection de l'identit� (suite)

M. le pr�sident. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi relative � la protection de l’identit�.

Discussion g�n�rale

M. le pr�sident. Dans la discussion g�n�rale, la parole est � M. Christian Vanneste.

M. Christian Vanneste. Monsieur le pr�sident, monsieur le ministre, mes chers coll�gues, Mlle Bouhezila voulait se marier ; elle d�couvre qu'elle l'est d�j�, � un homme dont elle ignore l'existence. Son identit� avait �t� utilis�e pour permettre un mariage blanc. Depuis dix ans, Mlle Bouhezila ne parvient pas � faire effacer le faux mariage de son �tat civil.

Manuel se trouve � payer des mensualit�s de 6 000 euros pour un cr�dit que des fraudeurs ont obtenu en usurpant son identit�. Des taudis insalubres ont �t� acquis dix fois leur valeur par Manuel, � ï¿½ l'insu de son plein gr�! Sami est lyonnais et d�sormais interdit bancaire. Victime d'un vol de son identit� par un fraudeur, il ne peut plus avoir de compte bancaire, en raison de ceux qui ont �t� ouverts en son nom. Gabriel a �t� l'objet d'un redressement fiscal et de la visite d'huissiers, parce que d'autres personnes ont travaill� sous son identit� ; il a �t� interdit bancaire pendant cinq ans.

On pourrait ajouter de tr�s nombreux cas, par exemple celui de la personne convoqu�e r�guli�rement par les tribunaux parce que son propre fr�re commet des griv�leries sous son identit�. Celui d'un projet de mariage que ne peut mener � bien un c�libataire qui d�sesp�re de prouver qu'il n'est pas mari�. Son identit�, l� encore, a �t� usurp�e, et ce � vol ï¿½ d�truit litt�ralement la vie de la victime et, bien s�r, ses libert�s essentielles. Pensons �galement � ceux qui ne r�sistent plus � la d�structuration de leur identit� administrative, � l'impossibilit� de prouver qu'ils sont eux-m�mes, et qui attentent � leur propre vie par le suicide…

Le probl�me est donc pos� : il y a, d'une part, la protection de l'identit� d'une personne et de la capacit� que cette personne a de vivre dans notre soci�t� en pouvant faire des choix essentiels et les assumer ; il y a, d'autre part, la n�cessit� de prot�ger les libert�s individuelles et de d�fendre la notion de libert� publique. Un discours abstrait peut donner l'avantage aux secondes sur la premi�re, mais il ne r�siste pas � la logique. Voler � une personne son identit�, lui faire commettre apparemment des actes qui ne sont pas les siens, l'emp�cher d'agir comme elle le souhaite, voil� l'atteinte la plus profonde � ce qui fait le droit humain fondamental : �tre soi-m�me et agir librement dans le respect des lois.

Montesquieu �crivait fort justement que la libert�, chez un citoyen, venait du sentiment que celui-ci a de sa s�ret�. Dans son discours de Harvard, Soljenitsyne regrettait l'avantage que l'Occident avait tendance � donner � la libert� de mal faire par rapport � la libert� de bien faire.

C'est pour cette double raison qu'il convient aujourd'hui de voter un texte qui vise � prot�ger l'identit� d'une personne, c'est-�-dire sa s�ret�, c'est-�-dire sa libert� contre les fraudeurs, les faussaires, les aigrefins de tout poil.

Dans cette d�marche, il convient d'ob�ir � deux pr�occupations, d'abord celle de l'efficacit�, ensuite celle des limites n�cessaires � imposer � la protection de l'identit� pour que celle-ci n'entra�ne pas une atteinte aux donn�es personnelles, voire une utilisation de ces donn�es personnelles � des fins contraires � la libert�. Ce serait en effet passer de Charybde en Scylla.

M. Jean-Paul Lecoq. Le risque z�ro n’existe pas !

M. Christian Vanneste. Le texte qui est issu des travaux de notre commission des lois a trouv� un parfait �quilibre entre ces deux risques, en revenant notamment sur certaines dispositions du S�nat qui privil�giaient le souci des libert�s formelles au d�triment des libert�s r�elles. Tout � l’heure, monsieur le ministre, vous avez soulign� cet �quilibre. Par ailleurs, le dispositif est suffisamment encadr� pour �viter les exc�s.

Des exc�s, il y en a d�j� eu dans les commentaires de certains qui ont, comme d'habitude, fait r�f�rence � Orwell – qu’ils n’ont sans doute pas lu – ou qui ont employ� syst�matiquement le terme de � policier ï¿½ dans un sens p�joratif, ce qui est une insulte � l’�gard de fonctionnaires qui remplissent une mission de service public de premi�re importance.

M. Jean-Paul Lecoq. C’est nous qui d�fendons les policiers !

M. Christian Vanneste. Madame Batho, vous avez utilis� un argument int�ressant. Vous avez dit que nous manquions de moyens policiers,…

M. Jean-Paul Lecoq. C’est vrai !

M. Christian Vanneste. …pour justifier ensuite que l’on retire un moyen essentiel d’identification consenti sous la r�serve, bien s�r, d’une r�quisition judiciaire. Autrement dit, vous voulez plus de moyens policiers, mais moins de moyens d’action pour la justice. C’est paradoxal ! Il faudra vous expliquer…

Le texte issu de la commission vise trois objectifs. Il permet d'abord de donner une plus grande fiabilit� aux documents d'identit� en permettant d'avoir recours � un composant �lectronique s�curis� contenant les indications, notamment biom�triques, n�cessaires � une identification pr�cise et s�re de leur d�tenteur. Il facilite ensuite l'utilisation sereine des r�seaux de communication �lectronique avec, l� encore, une grande s�curit� d'identification. Il relie enfin ces documents � une seule base de donn�es afin d'assurer une protection plus grande vis-�-vis des fraudes fond�es sur l'usurpation d'identit�.

Comme vous l’avez soulign�, monsieur Blisko, notre mode de vie dans un contexte mondialis�, o� la technique et la d�mocratie se sont alli�es pour multiplier de fa�on exponentielle nos libert�s de communication et de d�placement, entra�ne aussi une augmentation des risques. Dans un village d'il y a encore deux si�cles, tout le monde se connaissait, et si l'on remonte plus loin, le nom patronymique �tait inutile, car chacun connaissait l'autre. Il suffisait d’avoir un surnom. Aujourd'hui, jamais la libert� n'a �t� plus grande ni l'identit� plus autonome, mais elles sont toutes deux menac�es par la capacit� des d�linquants � utiliser les dimensions et les distances du monde o� nous vivons pour substituer une vie � une autre, soustraire un avantage, usurper un droit, bref, pourrir la vie d'une autre personne.

Un monde plus ouvert, une soci�t� plus complexe, un �tat plus protecteur ont accru la circulation des personnes et des biens, les prestations sociales, les moyens de paiement. Les opportunit�s et les avantages de la fraude se sont d�velopp�s au point que leur co�t pour la collectivit� est l’objet d’�valuations qui vont, pour les fraudes sociales, de 458 millions d’euros constat�s � 20 milliards estim�s dans le rapport de notre coll�gue Dominique Tian. Le seul rem�de � cette d�rive r�side dans un contr�le plus rigoureux, fond� notamment sur l’identification des b�n�ficiaires. La Su�de, par exemple, une d�mocratie quasi parfaite, s’appuie sur un registre national de la population avec un num�ro unique pour chaque r�sident. Il n’y a strictement aucun rapport avec Vichy, monsieur Blisko !

M. Serge Blisko. C’est une autre culture !

M. Christian Vanneste. Eh bien, on peut en changer ! C’est en g�n�ral l’attitude que vous d�fendez !

L’Observatoire national de la d�linquance et des r�ponses p�nales a not�, en 2009, 13 900 fraudes documentaires et 11 621 condamnations ont �t� prononc�es. Comme l’�crit Christophe Naudin : � La cl� de vo�te de l’activit� criminelle industrielle est la fraude documentaire ; depuis 2005, la criminalit� identitaire est devenue le plus petit d�nominateur commun de toutes les infractions. ï¿½

On comprend, d�s lors, la n�cessit� d’un outil plus efficace pour prot�ger l’identit�. Dans ce but, la commission des lois a am�lior� sensiblement le texte du S�nat en renfor�ant le lien entre les empreintes et la personne unique qui les poss�de. Le S�nat, dans un souci abstrait de protection des libert�s, avait, en effet, cr�� une situation absurde fond�e sur la technique des bases biom�triques � lien faible. Cela aurait conduit � devoir proc�der � des enqu�tes longues et co�teuses mobilisant d’�normes moyens pour identifier, par exemple, les victimes d’une catastrophe naturelle. Notre rapporteur, Philippe Goujon, l’a clairement rappel� dans une d�monstration sans appel.

De m�me, le S�nat avait �cart� l’utilisation des donn�es � des fins de recherche criminelle. Il est �vident – cela a �t� en tout cas corrobor� par les orateurs de l’opposition – que la libert� des faussaires et des criminels est une priorit� de la R�publique, tout au moins pour eux et par pour nous, Dieu merci ! Soljenitsyne avait bien raison !

La commission des lois a donc rendu plus efficace l’utilisation des documents d’identit� et du fichier central, mais elle l’a, en revanche, encadr�e afin de prot�ger les libert�s individuelles. Il est normal que l’efficacit� dans le cadre de la lutte contre les fraudes soit maximale, mais il serait dangereux de permettre l’acc�s aux donn�es personnelles de mani�re excessive. C’est pourquoi, contrairement � ce qui a �t� indiqu�, la dur�e de conservation des donn�es personnelles a �t� limit�e � quinze ans. Ce n’est pas �ternel, monsieur Blisko !

M. Serge Blisko. C’est long !

M. Christian Vanneste. De la m�me mani�re, la v�rification de la validit� d’un titre d’identit� permettra de s’assurer de celle-ci � partir de donn�es qui ne seront pas port�es � la connaissance de la personne charg�e des v�rifications. Les v�rifications seront possibles, mais, et c’est toute la diff�rence, on ne disposera pas des donn�es ! Il n’y aura donc aucune atteinte � la libert� individuelle, mais une protection de la libert� individuelle de la victime potentielle ! C’est donc bien un fichier des victimes et non des coupables qui est ici mis en œuvre ! Enfin, bien s�r, seuls sont autoris�s � proc�der � une v�rification � partir des empreintes digitales les � agents charg�s d’une mission de recherche et de contr�le de l’identit� des personnes ï¿½.

La puce de services, quant � elle, ne sera absolument pas impos�e � l’utilisateur et ne sera mise en place qu’� sa demande. C’est, encore une fois, le signe que cette proposition de loi va dans le sens de la libert�.

Le texte qui nous est propos� est donc tr�s �quilibr�. Il r�pond � la situation tr�s d�licate subie par les personnes victimes d’une usurpation d’identit�, litt�ralement d�poss�d�es d’elles-m�mes et souvent entra�n�es dans un d�dale kafka�en de d�marches et de proc�dures co�teuses et traumatisantes. En revanche, la protection qu’il accorde � cette libert� essentielle qui consiste � �tre soi-m�me est encadr�e et ne peut en aucun cas porter atteinte aux libert�s individuelles n�cessaires � la vie d�mocratique. Lib�rer les victimes et r�duire la libert� de ceux qui envahissent la libert� des autres, n’est-ce pas une mani�re responsable et concr�te de promouvoir la vraie libert� ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le pr�sident. Je vous remercie, monsieur Vanneste, d’avoir respect� votre temps de parole.

La parole est � Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Le groupe SRC est tr�s attach� � la lutte contre l’usurpation d’identit� et � l’am�lioration de la protection de l’identit�. Il est aussi tr�s attach� � ce que les documents d’identit� soient infalsifiables. Il tient, enfin, � ce que les victimes de ces usurpations soient mieux soutenues,…

M. Serge Blisko. Tr�s juste !

Mme Delphine Batho. …aspect qui n’est pas abord� dans la proposition de loi.

Ce texte pose, au demeurant, plusieurs probl�mes majeurs.

Monsieur le ministre, vous avez �voqu�, en introduction � votre propos, les pr�rogatives du Parlement et le fait qu’il ne vous paraissait absolument pas choquant, consid�rant la r�forme de la Constitution, que ce fichier soit cr�� par une proposition de loi. Depuis la r�forme de la Constitution, les projets de loi sont soumis � un certain nombre d’obligations. Ils doivent notamment �tre accompagn�s d’une �tude d’impact. Quand nous avons d�battu de cette r�forme, certains d’entre nous ont sugg�r� que les propositions de loi soient �galement assorties d’une �tude d’impact, craignant que le Gouvernement, pour contourner cette obligation, ne renonce � d�poser des projets de loi et ne pr�f�re charger les parlementaires de pr�senter eux-m�mes des textes.

C’est ce qui se passe aujourd’hui : la protection de l’identit� aurait d� faire l’objet d’un projet de loi, car il s’agit d’un sujet r�galien par excellence, donc d’une pr�rogative du Gouvernement. Le fait d’avoir opt� pour une proposition de loi permet d’�viter toute �tude d’impact, tout avis du Conseil d’�tat et de la Commission nationale de l’informatique et des libert�s. Le l�gislateur va ainsi cr�er un fichier concernant tous les Fran�ais sans avoir pris ces trois garanties. Si, comme vous l’affirmez, monsieur le rapporteur, il n’y a pas de probl�me, si les droits et les libert�s sont garantis, pourquoi n’avez-vous pas pris ces pr�cautions ? Si vous aviez demand� l’avis du Conseil d’�tat et de la CNIL, nous aurions alors �t� pr�ts � discuter.

Premi�rement, donc, il n’y a pas eu d’�tude d’impact. Quel sera le co�t de cette mesure ? Dans quels d�lais sera-t-elle mise en place ? Comment les mairies vont-elles proc�der ? Nous savons que les grandes villes s’en sont inqui�t�es. Mais nous ne disposons d’aucun �l�ment d’information. Combien de Fran�ais seront-ils concern�s ? Lorsque nous citons le nombre potentiel de 60 millions, M. le ministre nous r�pond que ce n’est pas le bon chiffre, consid�rant que la carte d’identit� n’est pas obligatoire.

Le seul impact �voqu� dans le rapport concerne les enjeux industriels.

M. Jean-Paul Lecoq. Exactement !

Mme Delphine Batho. Je le dis tr�s solennellement : il ne revient pas au l�gislateur de se prononcer sur un sujet de nature r�galienne tel que celui-ci pour satisfaire des int�r�ts priv�s.

Mme Sandrine Mazetier. Absolument !

Mme Delphine Batho. Je n’aurai pas la cruaut� de rappeler l’avis du Conseil d’�tat sur le passeport biom�trique. Le Conseil d’�tat a finalement exig� que la r�alisation de ce passeport soit confi�e � l’Imprimerie nationale et non � des entreprises priv�es. Je vous mets en garde sur cette difficult�.

Deuxi�mement, il n’y a pas eu, sur ce texte, d’avis du Conseil d’�tat. Vous nous r�pondez que ce n’est pas grave, puisqu’il se prononcera sur le d�cret. Mais ce n’est absolument pas la m�me chose ! En effet, aux termes de la Constitution, les garanties des libert�s individuelles et des libert�s publiques rel�vent de la loi et non du r�glement. Ainsi le veut la hi�rarchie des normes. Je me permets de vous rappeler que les d�crets relatifs au passeport biom�trique ont �t� l’objet de recours, la source de contentieux. Nous attendons la d�cision du Conseil d’�tat en la mati�re.

Troisi�mement, est-il imaginable, pr�s de quarante ans apr�s l’affaire du fichier SAFARI, de cr�er un fichier central regroupant les identit�s, les empreintes, les photos, les logiciels de reconnaissance faciale – nous y reviendrons au cours du d�bat – sans demander l’avis de la Commission nationale de l’informatique et des libert�s ? L� encore, vous nous avez r�pondu que ce n’�tait pas grave, puisque la CNIL aurait � donner son avis sur le d�cret en Conseil d’�tat. Mais il revient, l� encore, � la loi de fixer les garanties. Rappelons �galement que, depuis la r�forme de 2004 de la loi relative � l’informatique, aux fichiers et aux libert�s, le gouvernement n’est plus tenu de suivre l’avis de la CNIL. Quand elle donne son avis sur un d�cret, le gouvernement peut donc s’asseoir dessus !

C’est d’ailleurs ce qui s’est pass� s’agissant des d�crets en Conseil d’�tat relatifs au passeport biom�trique. Les avis et recommandations de la CNIL n’ont pas �t� suivis. Je veux d’ailleurs vous lire cet avis de la CNIL, parce que tout ce qui y est pr�cis� vaut, mot pour mot, pour le fichier dont vous proposez la cr�ation :

� A titre liminaire, la Commission observe que le recueil de huit empreintes digitales, d’une part, et la conservation en base centrale de l’image num�ris�e de ces derni�res ainsi que celle du visage du titulaire, d’autre part, ne r�sultent pas des prescriptions dudit r�glement europ�en. ï¿½ C’est un point important. � En outre, la Commission tient � rappeler que le traitement, sous une forme automatis�e et centralis�e, de donn�es telles que les empreintes digitales […] ne peut �tre admis que dans la mesure o� des exigences en mati�re de s�curit� ou d’ordre public le justifient. […] � cet �gard, la Commission consid�re que, si l�gitimes soient-elles, les finalit�s invoqu�es ne justifient pas la conservation, au plan national, de donn�es biom�triques telles que les empreintes digitales et que les traitements ainsi mis en œuvre seraient de nature � porter une atteinte excessive � la libert� individuelle. […] La Commission estime que ledit dispositif ne para�t pas constituer, en l’�tat, un outil d�cisif de lutte contre la fraude documentaire de nature � lever les pr�ventions exprim�es jusqu’alors par la Commission � l’endroit de la constitution de bases centralis�es de donn�es biom�triques. ï¿½

Voil� pourquoi, chers coll�gues, le pr�sident de notre groupe, Jean-Marc Ayrault, a derni�rement �crit au Pr�sident de la Commission nationale de l’informatique et des libert�s pour conna�tre sa position sur cette proposition de loi. Il a apport� la pr�cision suivante dans une lettre adress�e � Jean-Marc Ayrault le 1er juillet : � Je dois vous indiquer que, compte tenu des modifications substantielles qui ont �t� apport�es au texte par le S�nat en premi�re lecture, puis par la commission des lois de l’Assembl�e nationale, un nouveau travail d’analyse de notre commission est indispensable. Je ne manquerai pas de vous communiquer cet avis d�s son adoption par notre commission r�unie en s�ance pl�ni�re. ï¿½ Cela signifie, par cons�quent, que l’on nous demande de l�gif�rer avant que la CNIL n’ait pu se prononcer sur le texte.

Enfin, vous faites, dans cette proposition de loi, deux confusions au regard des finalit�s. Vous confondez, tout d’abord, document d’identit� et finalit� commerciale. Vous avez �voqu�, monsieur le rapporteur, beaucoup de pays qui auraient mis en place des dispositifs de puce �lectronique comparables � celui que vous proposez d’introduire. Mais aucun pays au monde n’a confondu la finalit� d’un titre d’identit� relevant des comp�tences r�galiennes de l’�tat avec celle d’un document servant � justifier l’identit� d’une personne � des fins commerciales.

Comme je connais d’avance votre r�ponse, je tiens � pr�ciser que la Belgique est le seul pays � disposer d’un fichier quasiment identique au fichier SAFARI, puisqu’il m�lange les donn�es personnelles de sant�, les donn�es commerciales et les donn�es d’identit�. Je ne crois pas que la France doive suivre cet exemple.

Vous cr�ez �galement une confusion entre fichier de nature administrative et fichier de police. Je rappelle que, pour lutter contre l’usurpation d’identit� et pour identifier les personnes sur la base des empreintes digitales, il existe un fichier de police, celui-l� m�me qui a permis de d�tecter 61 273 usurpations d’identit� en une ann�e. Mon coll�gue Jacques-Alain B�nisti et moi avons fait �tat de cet �l�ment d’information dans le rapport parlementaire sur les fichiers de police. De plus, contrairement � ce qui est affirm�, la consultation de ce nouveau fichier ne n�cessitera pas forc�ment de r�quisition judiciaire. Ainsi, l’article 9 de la loi de 2006 relative au terrorisme permettra aux policiers de le consulter sans �tre requis par la justice.

Nous nous opposerons donc � cette proposition de loi, non parce que nous ne d�sirons pas lutter contre l’usurpation d’identit�, bien au contraire, mais parce que l’on nous demande de l�gif�rer � l’aveugle. Nous serons pr�ts � voter un tel texte lorsque nous disposerons d’une �tude d’impact, d’un avis du Conseil d’�tat et d’un avis de la CNIL. En attendant, le plus sage est de rejeter le dispositif que vous proposez. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Paul Lecoq. Tr�s bien !

M. le pr�sident. La parole est � M. Jean-Paul Lecoq.

M. Jean-Paul Lecoq. Monsieur le pr�sident, monsieur le ministre, mes chers coll�gues, la proposition de loi d’origine s�natoriale qui nous est pr�sent�e aujourd’hui se fixe pour ambition de lutter concr�tement contre le ph�nom�ne de l’usurpation d’identit�, dont les statistiques indiquent qu’il est en constante augmentation.

Nul ne conteste la r�alit� du ph�nom�ne et la gravit� de ses cons�quences, le traumatisme que repr�sente cette infraction, le d�sarroi et les difficult�s auxquels sont le plus souvent confront�es les victimes et leurs familles. La n�cessit� de lutter efficacement contre l’usurpation d’identit� et de r�parer les dommages subis par les victimes fait, me semble-t-il, consensus sur l’ensemble de ces bancs.

La pr�sente proposition de loi ne nous satisfait toutefois ni sur la forme ni sur le fond. Vous tirez en effet pr�texte des atteintes � la vie quotidienne des victimes d’usurpation pour remettre sur le tapis la proposition de mise en place d’une carte nationale d’identit� �lectronique. Elle serait �quip�e de deux composants �lectroniques : une puce dite � r�galienne ï¿½, contenant les donn�es d’identit� et les donn�es biom�triques relatives au titulaire de la carte, authentifi�e gr�ce � son enregistrement sur une base centrale, et une puce facultative de services d�mat�rialis�s, permettant notamment de r�aliser les signatures �lectroniques sur internet.

Comme ses promoteurs le soulignent sans ambigu�t�, le pr�sent texte vise en r�alit� � la mise en œuvre d’une base unique et centralis�e pour recenser, confronter et v�rifier les informations afin de permettre d’identifier avec certitude les demandeurs de titres en confrontant leurs empreintes avec toutes celles qui ont �t� pr�c�demment enregistr�es dans la base de titres �lectroniques s�curis�s d�j� utilis�e pour les passeports biom�triques.

Nous sommes pour notre part franchement hostiles � un tel projet et partageons les r�serves exprim�es par le Conseil d’�tat et la CNIL sur les fichiers contenant des donn�es biom�triques.

Nous pouvons d’ailleurs nous interroger : n’est-ce pas pour contourner l’avis du Conseil d’�tat que votre majorit� privil�gie le v�hicule l�gislatif de la proposition de loi, de la m�me fa�on que le Gouvernement a contourn� le Conseil d’�tat en autorisant par d�cret la cr�ation du passeport biom�trique ?

Rappelons en effet que, si l’on excepte la regrettable d�cision intervenue en octobre dernier et autorisant le fichage biom�trique des Roms et de tous les �trangers b�n�ficiant de l’aide au retour, le Conseil d’�tat a toujours exprim� des r�serves sur la mise en œuvre d’un fichier de port�e g�n�rale.

La CNIL a, de son c�t�, fermement condamn� le proc�d�, estimant en particulier que, lors de la mise en œuvre du passeport biom�trique, le minist�re n’avait pas apport� d’�l�ments convaincants de nature � justifier la constitution d’un tel fichier centralis�. Elle avait d’ailleurs observ� que certains �tats membres de l’Union europ�enne, l’Allemagne par exemple, avaient pour leur part mis en œuvre les passeports biom�triques sans pour autant cr�er de bases centrales d’empreintes digitales. Surtout, elle avait mis en exergue que les finalit�s de simplification administrative et de lutte contre la fraude documentaire ne sauraient, � elles seules, justifier la cr�ation d’un tel fichier, d�s lors qu’aucune mesure particuli�re n’est pr�vue pour s’assurer de l’authenticit� des pi�ces d’�tat civil fournies.

La CNIL, dont votre texte pr�voit qu’elle sera sollicit�e sans toutefois aller jusqu’� poser l’exigence d’un avis conforme, a rappel� ses positions en 2009, au moment o� le projet INES – Identit� nationale �lectronique s�curis�e – �tait de nouveau relanc�. Les raisons avanc�es par le Gouvernement – la s�curit� et la lutte contre le terrorisme – � ne justifient pas la conservation, au plan national, de donn�es biom�triques telles que les empreintes digitales ï¿½, �crivait-elle dans sa d�lib�ration, jugeant que � les traitements […] mis en œuvre seraient de nature � porter une atteinte excessive � la libert� individuelle ï¿½.

C’est �galement notre position. Nous consid�rons en effet que les fichiers constitu�s sous pr�texte de lutte contre la d�linquance pr�sentent en l’�tat actuel un caract�re manifestement trop intrusif. Ainsi en a �galement jug� le Conseil constitutionnel dans sa d�cision du 10 mars dernier concernant la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la s�curit� int�rieure, dite LOPPSI 2, en modifiant les conditions d’utilisation de certains fichiers. Ceux-ci contenaient pourtant des donn�es beaucoup moins sensibles que celles qui pourraient �tre rassembl�es dans le fichier national qui serait constitu� � la suite de l’adoption de la pr�sente proposition de loi.

Il faut en outre rappeler que les cartes de nouvelle g�n�ration que vous pr�voyez de cr�er ne sont elles-m�mes pas sans risques. Des groupes de pirates informatiques sont parvenus, en Allemagne comme au Royaume-Uni, � pirater leurs propres cartes biom�triques en moins de douze minutes, acc�dant ainsi � tout leur contenu, qu’ils ont d’ailleurs modifi� avec aisance. Vous voyez, le risque z�ro n’existe pas, les pirates sont plus talentueux que les industriels. Il nous faut donc avoir � l’esprit, chers coll�gues, que, compte tenu de la sensibilit� des donn�es recueillies, la mise en œuvre d’une carte d’identit� biom�trique pourrait pr�senter � l’avenir des risques beaucoup plus importants que ceux constat�s avec l’actuelle carte d’identit�.

En ce qui concerne la cr�ation de la seconde puce, optionnelle, visant � permettre � l’�tat de garantir l’authenticit� de la signature et de s�curiser les transactions commerciales, nous exprimons, l� aussi, les plus vives r�serves, car il y a manifestement confusion des genres. Vous nous dites que c’est optionnel, mais il existe de nombreuses cartes optionnelles – des cartes de fid�lit�, par exemple – dont, au bout d’un certain temps, on nous explique que, sans elles, on ne peut pas obtenir tel ou tel service, si bien que, en fin de compte, on est contraint de les prendre. Cette pratique devient m�me syst�matique.

Nous ne sous-estimons pas non plus les risques li�s au d�veloppement du commerce �lectronique, mais force est de constater qu’ils sont plus souvent dus � des usurpations de comptes ou de donn�es bancaires, qui sont encore assez faciles � r�aliser, qu’� des usurpations d’identit� au sens o� l’entend la proposition de loi. Plus fondamentalement, nous ne pensons pas que l’�tat ait vocation � encadrer l’utilisation de moyens de paiement.

Vous nous avez dit en commission, monsieur le rapporteur, que � si la puce optionnelle ne devait �tre utilis�e que pour les relations avec l’administration, les entreprises priv�es d�velopperont un syst�me concurrent, qui sera autrement plus intrusif ï¿½. Mais ces syst�mes n’auraient pas de base l�gale : votre argument tombe donc de lui-m�me.

En voulant faire de la carte d’identit� � la fois un document administratif et un document � port�e commerciale, vous encouragez une d�rive lib�rale, r�duisant le citoyen � la figure du consommateur, un consommateur d’autant plus choy� que le citoyen est surveill�.

Comme le soulignait d�j� la Ligue des droits de l’homme en 2005, � ce soudain int�r�t port� par le minist�re de l'int�rieur aux d�sirs des consommateurs et son ing�rence dans ce domaine masquent en r�alit� sa volont� d’imposer un outil de contr�le policier, sous couvert de pr�tendus bienfaits pour ses d�tenteurs ï¿½.

Nous nous refusons � cautionner cette utopie dangereuse d’un individu totalement transparent, tant pour les autorit�s publiques que pour les op�rateurs commerciaux. Avec ce texte, vous r�pondez � vos pulsions naturelles, qui vous poussent � vouloir tout savoir sur chacun et, dans le m�me temps, � servir les milieux d’affaires que vous choyez.

Nous regrettons enfin que, en se concentrant sur la carte biom�trique, votre texte ne s’attache pas davantage � faciliter la vie des victimes. Nous pensons notamment � la proc�dure de rectification de leur �tat civil. Nous savons en effet que, � l’heure actuelle, lorsque l’�tat civil d’une victime a �t� ind�ment modifi� � la suite d’une usurpation d’identit� et que celle-ci souhaite en recouvrer l’int�grit�, la proc�dure reste longue et complexe. Elle doit pr�senter une requ�te qui, le plus souvent, n’aboutira qu’� l’expiration d’un d�lai de quinze � dix-huit mois. Il en est de m�me s’agissant de la possibilit� d’effacer les mentions erron�es d’un acte d’�tat civil. Or la proposition de loi ne pr�sente aucune solution aux victimes qui, pourtant, vivent un drame – nos coll�gues de l’UMP et vous-m�me, monsieur le ministre, l’avez dit. Il aurait �t� bon que cette proposition de loi pense aux victimes. Ce n’est pas le cas.

Ce simple exemple illustre qu’il y avait mati�re � proposer un texte s’attaquant v�ritablement � l’usurpation d’identit� et � ses cons�quences.

Vous avez pr�f�r� instrumentaliser cette question pour justifier un fichage biom�trique g�n�ralis�, en d�pit des risques �vidents qu’un tel fichage comporte en termes de libert�s publiques. Les d�put�s communistes, r�publicains et du parti de gauche voteront en cons�quence contre cette proposition de loi.

M. le pr�sident. La parole est � M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Monsieur le pr�sident, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers coll�gues, bien que court, ce texte est important au regard des enjeux et des questions qu’il suscite, tant sur le plan politique que sur le plan technique.

Sur le plan politique, d’autres l’ont dit avant moi, il importe d’effectuer une conciliation juste entre la sauvegarde des libert�s publiques, tr�s importante � mes yeux, et les n�cessit�s du maintien de l’ordre public et de la lutte contre la d�linquance.

En cherchant � doter l’�tat de tous les moyens pour atteindre le second objectif, � savoir la pr�servation de l’ordre public, vous �tes dans votre r�le, monsieur le ministre, et personne ne saurait vous le reprocher, m�me si l’on peut penser que votre point de vue n’est pas aussi �quilibr� que souhaitable au regard des libert�s publiques.

Dans ce domaine, les appr�ciations peuvent �tre tr�s subjectives. Tout ce que je souhaite, c’est que le r�sultat de cette conciliation ne soit pas jug� manifestement disproportionn� et reste dans les limites admises par la jurisprudence constitutionnelle fran�aise et par celles des diff�rentes juridictions europ�ennes – je pense en particulier � la Cour europ�enne des droits de l’homme.

Si ce texte m’appara�t bien r�dig� d’un point de vue juridique, ce qui n’est h�las pas le cas de tous les textes qui nous sont pr�sent�s, je suis n�anmoins surpris, et je d�plore un peu, qu’il nous soit pr�sent� sous forme de proposition de loi, alors que, manifestement, il a �t� �crit dans vos services ou � proximit� imm�diate.

Je regrette aussi que nous ne disposions pas d’une �tude d’impact, qui aurait pu m’apporter des r�ponses aux nombreuses questions, souvent techniques, que je me suis pos�es et que je serai donc amen� � vous poser au cours de ces d�bats. J’esp�re que des r�ponses pourront nous �tre fournies, afin d’�clairer les d�bats parlementaires. D’avance, je vous en remercie, monsieur le ministre.

Je d�taillerai rapidement les points politiques qui m’interpellent et sur lesquels, je l’esp�re, nous reviendrons plus en d�tail au cours des d�bats. Je m’interroge notamment sur la taille des fichiers que vous envisagez de mettre en place, sur leur interconnexion, sur les personnes qui seront habilit�es � les consulter et sur l’usage qui pourra en �tre fait.

Le sujet est extr�mement sensible : n’oublions pas que la loi � Informatique et libert�s ï¿½ de 1978 est n�e � la suite d’une lev�e de boucliers concernant le projet SAFARI, le syst�me automatis� pour les fichiers administratifs et le r�pertoire des individus, qui ressemble �trangement, sous bien des aspects, au projet qui est envisag� par ce texte. Vous le savez d�j�, mais je vous le confirme, le sujet est toujours aussi sensible. Il a m�me pris une dimension particuli�re avec l’arriv�e d’internet, qui d�cuple les risques.

Cela m’am�ne � des questions plus techniques, tout aussi importantes � mes yeux. Le premier point qui m’inqui�te vraiment, et sur lequel j’ai besoin d’obtenir des pr�cisions et des assurances, c’est la s�curit� informatique des fichiers que vous vous appr�tez � constituer.

Que se passerait-il si le fichier contenant les empreintes digitales, ou, pis, les empreintes biom�triques compl�tes de millions de Fran�ais venait � tomber entre des mains malveillantes ? Je n’ose imaginer toutes les implications d’une telle catastrophe, car il s’agit d’un fichier qui se p�rimera tr�s lentement. Quand on sait ce que peuvent faire les pirates informatiques, capables d’intrusions dans les syst�mes informatiques de Bercy ou dans ceux d’entreprises priv�es comme Sony, cela fait froid dans le dos. Avez-vous consult� l’Agence nationale de la s�curit� des syst�mes d’information ? Quels moyens, notamment financiers, avez-vous pr�vu de consacrer, sur la dur�e, � cette question de la s�curit� des fichiers ?

J’en viens maintenant � la faisabilit� technique. Je sais que nombre d’entreprises fran�aises sont leaders sur ce march�, mais, en informatique, il y a toujours des failles, et il faut s’assurer, avant de se lancer, qu’une utilisation � tr�s grande �chelle ne pr�sente pas de risques. Si jamais une faille est d�couverte une fois que plusieurs millions de titres d’identit� s�curis�s seront dans la nature, nous aurons un gros probl�me.

Mme Sandrine Mazetier. Tr�s juste ! Il sera trop tard !

M. Lionel Tardy. Autre point, sur lequel nous reviendrons plus longuement � l’article 3, c’est celui de la puce � vie priv�e ï¿½, qui est d’une nature tr�s diff�rente de la puce dite � r�galienne ï¿½. Elle est optionnelle, et doit absolument le rester. Elle doit donc entre guillemets � s�duire ï¿½ le public. Pourquoi les Fran�ais devraient-ils la prendre ? On est ici dans une logique d’entreprise priv�e, qui propose un service. Avez-vous fait des �tudes de march� ? Comment ce dispositif va-t-il s’ins�rer dans l’existant, car on n’a pas attendu pour tenter d’apporter des r�ponses � cette question importante de l’authentification et de l’identit� num�rique ? Quel est le plus qui emporterait l’adh�sion ? J’attends vos r�ponses, car je n’en ai pas trouv� beaucoup et je crains fort que nous allions vers un �chec de ce dispositif.

Je comprends toute l’utilit� que les nouvelles technologies peuvent repr�senter dans la lutte contre la d�linquance, mais toute avanc�e technique n’est pas forc�ment un progr�s : tout d�pend de l’usage que l’on en fait. Il faut donc qu’il y ait une v�ritable confiance des Fran�ais dans ce dispositif, pour qu’ils y adh�rent. Cela suppose de votre part des engagements forts, avec une obligation de r�sultats. L� aussi, nous aurons, je l’esp�re, de plus longues discussions pendant l’examen des amendements.

Je voudrais �galement attirer votre attention sur la n�cessit� de pr�server la confidentialit� des donn�es personnelles qui sont dans ces fichiers. Il ne faut pas que n’importe qui, ou presque, ait acc�s � n’importe quoi. Par le pass�, des incidents, malheureusement trop fr�quents, ont montr� que la politique de confidentialit� n’�tait pas assez stricte. Sans en arriver � un cas aussi extr�me que la publication des documents diplomatiques am�ricains sur WikiLeaks, on constate trop souvent que des fichiers sont consult�s alors qu’ils n’auraient pas d� l’�tre, par des gens qui n’�taient pas forc�ment habilit�s � le faire. J’ai vu que des engagements forts �taient pris dans ce texte : il faudra les faire respecter.

J’aimerais aussi avoir des pr�cisions sur l’utilisation, commerciale ou non, qui pourrait �tre faite de ces fichiers, qui sont une mine d’or pour les statisticiens.

M. Serge Blisko. Absolument !

M. Lionel Tardy. On sait par exemple que des donn�es tir�es du fichier des immatriculations sont vendues � des op�rateurs priv�s. C’est l�gal et parfaitement encadr�, il n’y a rien � redire, m�me si cela me froisse un peu que l’on exploite ainsi des donn�es personnelles. J’insiste sur ce point parce que, depuis quelque temps, nous tentons de r�guler – et c’est extr�mement compliqu� – l’utilisation des donn�es personnelles par des soci�t�s de l’internet.

Le march� des donn�es personnelles est tr�s lucratif, c’est m�me sur lui que repose une grande partie du mod�le �conomique des services sur internet. On avance progressivement vers un meilleur respect de ce que l’on appelle la privacy, mais c’est lent. Il serait bon, cela nous aiderait, que l’�tat soit exemplaire dans ses pratiques.

Cette proposition de loi ne m’appara�t pas mauvaise ou n�faste. Il faut donner � l’�tat les moyens d’assurer l’ordre public, car les malfaiteurs et les mafias disposent eux-m�mes de gros moyens financiers et sont en g�n�ral � la pointe du progr�s.

Pour autant, il faut que ce texte soit tr�s clairement encadr� pour pr�server les libert�s publiques.

Pour moi, la libert� est le principe, les restrictions sont l’exception et doivent �tre l�gitimes et strictement proportionn�es. Or, dans ce texte, certaines conciliations entre ces deux objectifs ne paraissent pas aussi �quilibr�es que je le souhaiterais, et, surtout, ne paraissent pas toujours aussi argument�es qu’il le faudrait.

Je pense, et j’esp�re, monsieur le ministre, que les d�bats que nous allons avoir permettront de lever ces petites distorsions de vue pour que je puisse voter ce texte sans r�serves.

M. Serge Blisko. Tr�s bien !

M. Jean-Paul Lecoq. Beaucoup de sagesse.

M. le pr�sident. La parole est � Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Je voudrais, en pr�ambule, vous f�liciter, monsieur le pr�sident, pour votre premi�re pr�sidence. Puis, me tournant vers vous, monsieur le ministre, et l’AFP ayant annonc� ce matin que vous alliez subir une intervention chirurgicale la semaine prochaine, je voudrais vous adresser les vœux du groupe socialiste : nous penserons beaucoup � vous.

M. Jean-Paul Lecoq. Que c’est gentil !

Mme Sandrine Mazetier. Monsieur le pr�sident, mes chers coll�gues, toutes les victimes m�ritent notre attention, m�me si elles sont peu nombreuses. Cela dit, je suis quelque peu surprise, monsieur le ministre, que, s’agissant des victimes d’usurpation d’identit�, vous ayez cit� les chiffres d’un organisme priv� et non ceux de l’Observatoire national de la d�linquance, pourtant mentionn�s par le rapport du S�nat, lequel fait �tat, pour 2009, de 13 900 faits constat�s en mati�re de fraude documentaire et � l’identit�, enregistr�s par les services de police et de gendarmerie. Le nombre de condamnations est plus faible, mais ce chiffre n’en est pas moins fiable. Je m’�tonne donc que, au lieu d’un organisme garant de l’int�r�t g�n�ral, vous ayez privil�gi� un institut priv� qui travaille pour des clients. Mais sans doute la suite de mon propos nous �clairera-t-elle sur cet aspect des choses.

Oui, toutes les victimes m�ritent notre attention. Tous les intervenants qui m’ont pr�c�d�e ont soulign� � quel point l’usurpation d’identit� pouvait empoisonner une vie, mais j’aurais aim� que le m�me souci soit apport� � d’autres victimes, bien plus nombreuses, je veux parler des quelque 85 000 victimes de la route – parmi lesquelles 7 000 enfants dont 122 qui ont perdu la vie –, fauch�es par des chauffards en 2010. Vous �tes charg�, monsieur le ministre, de la s�curit� routi�re, et je redis ici combien nous condamnons votre recul sur la question des radars. Je rappelle qu’il est encore possible dans notre pays de mettre la carte grise de son v�hicule au nom de son enfant mineur, afin d’�viter tout retrait de point sur son permis de conduire. Oui, ces victimes m�ritent assur�ment toute notre attention.

Cette proposition de loi apporte-t-elle quelque chose aux victimes ? Non. Rien n’est fait, alors m�me que le M�diateur de la R�publique, souvent saisi par des victimes d’usurpation d’identit�, avait annonc� une r�flexion d’ensemble sur ce sujet en vue d’am�liorer les textes et les pratiques administratives, notamment pour r�tablir au plus vite les victimes dans leurs droits, lorsqu’elles ont �t� interdites de ch�quier ou dans l’impossibilit� d’inscrire leur enfant � l’�cole. Non, cette proposition de loi n’apporte aucune r�ponse � ces victimes, car son propos, et nous le regrettons am�rement, n’est nullement de s’occuper d’elles.

Cette proposition de loi sert-elle � punir les fraudeurs ? Pas davantage, puisque la LOPPSI 2 s’en est charg�e, qui a cr�� une infraction sp�cifique d’usurpation d’identit�, d�sormais passible d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Nous ignorons encore les effets et la force dissuasive de ces mesures, puisque la LOPPSI 2 vient � peine d’entrer en vigueur.

M. Serge Blisko. Ce qu’il en reste !

Mme Sandrine Mazetier. Cette proposition de loi simplifiera-t-elle la vie des Fran�ais, ainsi que l’a annonc� le ministre, et leur fournira-t-elle une double s�curit� ? Nullement. Au contraire, pendant quinze ans au moins, ceux dont l’identit� aura �t� usurp�e par quelqu’un qui aura d�pos� ses propres empreintes avant eux vivront un v�ritable enfer. Quinze ans, c’est la dur�e que vous nous avez indiqu�e avant la destruction des donn�es, monsieur le ministre, dur�e qui ne figure d’ailleurs pas dans la proposition de loi.

Non, cette proposition de loi sert � cr�er un fichier g�n�ralis� de la population fran�aise, satisfaisant ainsi le vieux fantasme nourri par certains dans ce pays. Elle sert, comme l’ont soulign� les pr�c�dents intervenants du groupe SRC, � contourner les avis du Conseil d’�tat et de la CNIL, mais �galement � surmonter trois �checs : celui du projet de loi INES en 2005 et des avant-projets de loi � Protection d’identit� ï¿½ et � Identit� ï¿½ en 2006 et 2008. N’ayant abouti � rien avec vos projets de loi, vous tentez, avec cette proposition de loi, d’entrer par la fen�tre.

Le double objectif de cette proposition de loi est tr�s clair. Il est d’abord policier, et vous devez l’assumer. L’utilisation polici�re des donn�es de ce fichier a �t� explicitement mentionn�e en commission et figure dans le rapport.

La v�rification d’identit� n’est plus aujourd’hui l’apanage des policiers. Pas plus tard qu’hier, en commission des affaires �conomiques, � l’occasion de l’examen du projet de loi sur les droits, la protection et l’information des consommateurs, les agents de la DGCCRF ont ainsi �t� autoris�s � v�rifier l’identit� d’un �ventuel ou pr�sum� contrevenant. Les agents habilit�s � proc�der � des v�rifications d’identit� et qui auront demain acc�s � ces fichiers sont donc de plus en plus nombreux.

Au-del� de cet objectif policier, cette proposition de loi vise aussi clairement � servir des int�r�ts priv�s, quelle que soit d’ailleurs la technologie retenue. Le S�nat a privil�gi� la technologie des liens faibles, ce qui n’a pas emp�ch� que soit nomm�ment cit�e, dans le rapport et au cours des d�bats, une entreprise fran�aise, qui se reconna�tra fort bien.

Quant aux liens forts, technologie qui a la pr�f�rence de notre rapporteur Philippe Goujon, c’est No�l ! Je vous remercie d’ailleurs, monsieur le rapporteur, pour la sinc�rit� dont vous faites preuve dans votre expos� des motifs, qui mentionne un � enjeu industriel majeur ï¿½. Vous nous expliquez que le groupement professionnel des industries de composants et de syst�mes �lectroniques vous a fait savoir que les principales entreprises mondiales du secteur �taient fran�aises, qu’elles comptaient trois des cinq leaders mondiaux des technologies de la carte � puce et r�alisaient 90 % de leur chiffre d’affaires � l’exportation, qu’il �tait donc urgent de ficher l’ensemble de la population fran�aise, car ce choix d’une carte nationale d’identit� �lectronique serait un signal fort en faveur de notre industrie.

M. Philippe Goujon, rapporteur. Ce n’�tait pas tout � fait dit comme cela !

Mme Sandrine Mazetier. Il y aurait de surcro�t une concurrence de normes et de proc�d�s techniques, et il importe donc que nos entreprises puissent valoriser leur technologie dans le contexte de cette bataille ! Vous allez m�me jusqu’� citer l’industrie allemande et la bataille qu’elle m�ne pour imposer au niveau mondial une solution europ�enne plut�t qu’am�ricaine. C’est parfaitement exact, � ceci pr�s que la CNIL, dans son avis de 2007, rappelait que l’Allemagne d�livre des passeports biom�triques sans pour autant constituer de fichiers. Il est des arguments dont on pourrait se passer car, d�s que l’on gratte un peu, on d�couvre qu’ils ne portent pas autant qu’ils en ont l’air.

Vous nous proposez donc de transformer l’ensemble des Fran�ais en t�tes de gondole. Ce n’est pas du tout la vision que nous avons du peuple fran�ais ni des missions r�galiennes de l’�tat. Si vous avez le souci de nos int�r�ts �conomiques, cr�ez donc plut�t un v�ritable service public de l’intelligence �conomique ! Investissez autrement ! Menez une autre politique fiscale ! Encouragez, comme nous le proposons dans le projet socialiste pour 2012, les technologies de l’innovation gr�ce � de vrais moyens et � une fiscalit� adapt�e, en menant une vraie r�flexion sur le juste �change, qui prot�ge notre industrie et nos emplois et permette de gagner des parts de march� � l’international. Ce ne sont pas les id�es qui manquent pour soutenir nos PME, notre industrie et nos emplois. Cela ne passe certainement pas par le fichage g�n�ralis� des Fran�ais ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le pr�sident. La discussion g�n�rale est close.

Discussion des articles

M. le pr�sident. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

Article 1er

(L’article 1er est adopt�.)

Article 2

M. le pr�sident. Sur l’article 2, je suis saisi d’un amendement n� 3.

La parole est � M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. L’alin�a 6 de l’article 2 me pose probl�me, car il propose de stocker des empreintes brutes, alors m�me que l’�l�ment pertinent pour l’identification, et donc l’usage recherch� ici, est constitu� par les donn�es d�duites de ces images d’empreinte.

D�s lors, il n’est pas utile de stocker ces empreintes, car ce serait courir le risque qu’elles soient vol�es. Je sais, monsieur le ministre, que vous prendrez toutes les mesures de s�curit� possibles � votre niveau ; je n’ai aucun doute l�-dessus. Mais vous ne ma�trisez pas forc�ment tous les d�tails et vous ma�triserez encore moins les choses si vous avez recours � des sous-traitants. Je prendrai juste un exemple, celui de la soci�t� TMG, charg�e par les ayants droit du monde de la musique et du cin�ma de traquer les internautes pour le compte de la HADOPI.

Il y a quelques semaines, un internaute, qui n’�tait certes pas d�butant mais qui n’a pas non plus utilis� de proc�d� complexe, est entr� sur un serveur que cette soci�t� n’avait pas s�curis�. Il y a trouv� des adresses IP d’autres internautes ainsi que des logiciels servant � rep�rer les t�l�chargements ill�gaux. La CNIL a effectu� une inspection sur place, qui a dur� plusieurs jours. Elle a constat� plusieurs manquements de s�curit�, apparemment graves puisqu’elle vient de d�livrer une mise en demeure � la soci�t� TMG, laquelle a trois mois pour mettre � jour ses normes de s�curit�.

Cela montre clairement que, sur internet, il faut mettre en place des dispositifs de s�curit� tr�s performants, et encore, sans garantie absolue. Si le jeu en vaut la chandelle, les pirates informatiques – les vrais, pas les adolescents qui t�l�chargent – ont des moyens �normes et peuvent pirater un syst�me informatique comme celui de Bercy.

Une base de donn�es contenant les empreintes digitales de millions de Fran�ais n’aurait pas de prix pour des personnes mal intentionn�es. Imaginez ce qui se passerait si elle tombait aux mains d’une mafia ou de gens qui seraient pr�ts � mettre les moyens pour les obtenir.

Pour assurer la protection de cette base de donn�es, il faudra des sommes consid�rables. Monsieur le ministre, �tes-vous pr�t � les accorder, et surtout, � les accorder sur le long terme ?

Je consid�re pour ma part que la meilleure solution est encore de ne pas constituer cette base de donn�es, d’autant plus que nous n’en avons pas r�ellement besoin. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le pr�sident. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Goujon, rapporteur. Avis d�favorable. La question du vol du fichier central n’est pas particuli�rement �voqu�e � l’article 2 qui indique les grandes cat�gories de donn�es dont le d�tail sera fix� par voie de d�cret, ainsi que toutes les mesures de protection n�cessaires concernant le fichier.

En l’esp�ce, l’image d’une empreinte sera bien le scan, mais pas la photographie de l’empreinte elle-m�me : tel est le sens du texte.

De surcro�t, il ne s’agit pas de complexifier davantage la technologie du mat�riel des mairies dont nous avons d�j� discut�.

M. le pr�sident. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Gu�ant, ministre. Avis d�favorable �galement. S’agissant des garanties de s�curit�, le document propos� est conforme aux normes europ�ennes et aux d�lib�rations du conseil � Justice et Affaires int�rieures ï¿½ de d�cembre 2006.

Cela �tant, je profite de cette intervention sur l’amendement pour r�pondre aux pr�occupations de M. Tardy. La future carte nationale d’identit� informatis�e sera fabriqu�e, comme les passeports, � l’imprimerie nationale, dans un site class� � point sensible ï¿½ au niveau le plus �lev� – le m�me que celui qui pr�vaut pour le classement des centrales nucl�aires.

Quant au stockage des fichiers, il est assur� dans un lieu tr�s s�curis� du minist�re de l’int�rieur, gard� en permanence. L’agence nationale de la s�curit� des syst�mes d’information a par ailleurs r�alis� la recette technique de s�curit� du syst�me TES et le pr�sident de la CNIL a engag�, en f�vrier 2010, une mission compl�te d’inspection du syst�me TES concernant le passeport biom�trique, qui est le m�me que celui du syst�me qui assurera la gestion de la carte d’identit�.

M. le pr�sident. La parole est � Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Nous aimerions que toutes les mesures que vous venez d’�noncer suffisent � nous d�fendre contre les cyber-attaques. Je crains malheureusement que la situation ne soit un peu plus compliqu�e. M�me s’il est pr�f�rable que tout soit mis en œuvre pour nous en prot�ger, nous savons que les hackers sont malheureusement tr�s talentueux.

M. Patrice Martin-Lalande. Quel rem�de alors ? Il n’y en a pas.

Mme Delphine Batho. Je profite de l’amendement de M. Tardy pour demander au rapporteur si l’on peut, dans le fichier que vous proposez de cr�er, remonter � une identit� depuis l’empreinte.

M. le pr�sident. La parole est � M. le rapporteur.

M. Philippe Goujon, rapporteur. La r�ponse est �vidente et je vous renvoie � l’article 5. Il est n�cessaire de pouvoir identifier une personne, par ses empreintes, sur r�quisition judiciaire, dans le cadre de recherches criminelles, par exemple, mais aussi pour identifier les fraudeurs.

M. le pr�sident. La parole est � Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Monsieur le rapporteur, ce que vous venez de dire ne vaut pas, � l’heure actuelle, pour le fichier des passeports. Les empreintes sont v�rifi�es lorsqu’une personne entame des d�marches pour obtenir un passeport ou le faire renouveler, mais il est strictement interdit, y compris sur le plan judiciaire, de remonter une identit� par les empreintes. En cas contraire, il s’agirait d’un fichier d’identification, comme le fichier automatis� des empreintes digitales – le FAED.

Je posais cette question pour savoir si le fichier que vous proposez de cr�er posait un grave probl�me de finalit�, ce que vous confirmez, malheureusement. Il est bien regrettable de ne pas disposer de l’avis du Conseil d’�tat, puisque c’est cette institution elle-m�me qui a interdit ce que vous estimez autoris� pour le fichier des passeports biom�triques.

(L’amendement n� 3 n’est pas adopt�.)

(L’article 2 est adopt�.)

Article 3

M. le pr�sident. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 3.

La parole est � M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Je con�ois parfaitement l’utilit� d’une puce � vie priv�e ï¿½, mais elle doit �tre entour�e de solides garanties, notamment sur son caract�re facultatif. En aucun cas, elle ne doit glisser, m�me de mani�re subreptice, vers une forme d’obligation. Si nos concitoyens n’ont pas confiance, cette puce sera un �chec, car ils n’en voudront pas.

Je persiste � regretter l’absence d’�tude d’impact pour nous pr�ciser les modalit�s techniques et financi�res de la mise en application de ce syst�me. Comme pour l’ensemble du dispositif de la carte d’identit� s�curis�e, il y a de tr�s gros enjeux financiers. Ce sont des march�s � plusieurs dizaines de millions d’euros, voire davantage, car ces technologies sont tr�s co�teuses et demandent une constante mise � jour.

Autant la d�pense peut appara�tre justifi�e pour la puce � r�galienne ï¿½, autant j’ai des doutes pour cette puce � vie priv�e ï¿½ car, je l’ai dit dans la discussion g�n�rale, rien ne nous assure qu’elle rencontrera le succ�s.

Combien va-t-elle co�ter � l’�tat ? Quelles �tudes ont �t� men�es pour s’assurer que cette puce r�pondra bien � la demande et s’adaptera aux usages des consommateurs et des services ?

Il existe d�j� bien d’autres moyens, bien moins co�teux, de s’identifier, et plusieurs niveaux de s�curit� d’identification, en fonction du besoin. Se connecter sur son compte Facebook, acc�der � ses relev�s bancaires, payer en ligne, ce n’est pas la m�me chose. Sur quelle strate se situe cette puce � vie priv�e ï¿½ ? Comment se positionne ce dispositif parmi ceux d�j� existants ?

Pour utiliser cette puce en ligne, il faudra sans doute un bo�tier qui reconnaisse la puce. Quelle technologie a �t� choisie ? Est-elle adapt�e aux terminaux mobiles ? Combien co�tera le bo�tier ? Qui va payer ? Cette obligation de disposer d’un �quipement suppl�mentaire risque de repr�senter un frein important, surtout si rien n’est pr�vu pour les terminaux mobiles.

J’ai bien peur que, faute d’une �tude d’impact s�rieuse, nous ne nous engagions sur un investissement �conomiquement tr�s al�atoire qui, selon moi, n’est pas du ressort de l’�tat. Ce ne serait pas trop grave si le co�t pour les finances publiques n’�tait pas aussi important. Ne serait-il pas plus prudent d’y renoncer d�s maintenant ?

M. le pr�sident. La parole est � Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. M. Blisko l’a dit, si nous pouvons concevoir qu’une puce serve � la signature �lectronique pour la d�claration d’imp�ts ou pour d’autres d�marches administratives, nous sommes farouchement oppos�s � l’id�e qu’elle puisse servir � des fins priv�es et commerciales sur internet. Il appara�t d’ailleurs, dans le rapport de M. Jean-Ren� Lecerf de 2005, que M. Alain Bauer, pr�sident de l’Observatoire national de la d�linquance, consid�rait comme nous que la nouvelle carte d’identit�, et donc cette puce, n’avait pas vocation � servir dans toutes les circonstances de la vie et � devenir un outil commercial. Il serait sage de se rallier � ce point de vue.

M. le pr�sident. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 4 et 12, tendant � supprimer l’article 3.

La parole est � M. Lionel Tardy pour soutenir l’amendement n� 4.

M. Lionel Tardy. Il est d�fendu.

M. le pr�sident. La parole est � M. Serge Blisko pour soutenir l’amendement n� 12.

M. Serge Blisko. L’existence de cette puce dite � commerciale ï¿½ ou, par euph�misme, � vie priv�e ï¿½, pose question. Je me tourne vers mes coll�gues qui connaissent ces probl�mes bien mieux que moi, M. Martin-Lalande ou M. Tardy par exemple : il n’est plus possible aujourd’hui, en raison de toutes les techniques dont disposent les industriels de l’internet, d’acheter quoi que ce soit sans que cela ne se sache. Regardez les liens qui s’ouvrent sur vos pages internet. Pour peu que vous vous soyez int�ress� dix fois de suite au march� de l’automobile, les liens commerciaux des plus grands concessionnaires appara�tront syst�matiquement.

Je pourrais vous citer des exemples bien plus subtils. Je ne veux pas donner de nom commercial, mais je pense � ces �crans anim�s affich�s dans le m�tro et qui peuvent tout mesurer, du temps que vous passez � les regarder jusqu’� l’intensit� de votre regard. Nous en arrivons � cette situation tr�s d�sagr�able o� tous nos actes, y compris les plus anodins, comme celui qui consiste � regarder la publicit� d’une grosse cylindr�e dans un couloir de m�tro, peuvent �tre exploit�s commercialement. Et M. Tardy, qui conna�t bien ce milieu, avait raison : la connaissance de ces donn�es se vend tr�s cher.

Il y a quelques ann�es, la s�curit� sociale vendait – je crois qu’elle les vend toujours – les profils de prescription des m�decins aux laboratoires pour que ces derniers puissent leur envoyer le visiteur m�dical qui correspondait le mieux � leurs habitudes. Les fichiers des m�decins qui prescrivaient beaucoup �taient officiellement recueillis par la s�curit� sociale gr�ce au volume de vente des bo�tes dans les pharmacies. Ce syst�me, longtemps d�nonc� comme �tant une v�ritable surveillance commerciale des m�decins, s’est aujourd’hui g�n�ralis�. � partir des pages que vous consultez sur internet, on parvient � �tablir votre profil. Je ne parle pas d’une s�rie polici�re, mais bien de ce qui se passe dans la r�alit�. Les moyens des hackers sont bien plus puissants que tout ce que l’on peut imaginer.

Quant au probl�me de la libert� de choix, on nous assure qu’il sera possible de refuser de montrer sa carte nationale d’identit� avec puce �lectronique � un commer�ant. Soyons s�rieux ! C’est une garantie que l’on vous demandera forc�ment si vous achetez un objet co�teux, de m�me que l’on vous demande aujourd’hui deux pi�ces d’identit� au supermarch� du coin lorsque votre facture d�passe 150 ou 200 euros. Et pourtant il n’est �crit nulle part, dans aucune loi ou r�glement, qu’il faille deux pi�ces d’identit� dans ces cas-l�. C’est simplement l’usage : si vous n’avez qu’une pi�ce d’identit� et que le commer�ant ne vous conna�t pas bien, il vous demandera de revenir avec la deuxi�me pi�ce.

Je crois que cette introduction du e-commerce sur une carte d’identit� nationale est dangereuse � tr�s court terme.

M. le pr�sident. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Goujon, rapporteur. La commission a rejet� ces amendements de suppression. Il s’agit l� d’une utilisation optionnelle, nous l’avons d�j� dit, � des fins d’identification sur les r�seaux de communication �lectronique et de signature �lectronique, ce qui ne donne acc�s � aucune donn�e personnelle de l’int�ress�.

D’ailleurs, cette puce pourra �tre activ�e par son d�tenteur – il n’y a pas d’activation automatique. Les donn�es sont crypt�es, elles seront inexploitables par les op�rateurs commerciaux, tout en les assurant de l’identit� du client, ce qui est un �l�ment de s�curisation.

Chacun pourra choisir de mettre en œuvre sa signature �lectronique ou de ne pas le faire, et la fonctionnalit� ne pourra �tre mise en place qu’� la demande des titulaires de la carte. Rappelons que cette puce est totalement ind�pendante de celle qui contient les donn�es d’�tat civil. Les deux puces sont donc conserv�es s�par�ment et sont parfaitement distinctes.

Les donn�es biom�triques ne seront bien �videmment pas accessibles. La signature �lectronique est d’ailleurs pr�vue par le code civil dans des conditions tr�s r�glement�es, et la v�rification de la signature repose sur l’utilisation d’un certificat �lectronique qualifi�. Vous le voyez, les garanties ne manquent pas.

Le S�nat a pr�cis� que le titulaire de la carte resterait totalement ma�tre des donn�es d’identification transmises. Cette disposition me semble particuli�rement protectrice de la vie priv�e et des donn�es personnelles. En tout �tat de cause, la situation n’est pas comparable � celle que vous d�crivez pour les grandes surfaces, les pharmacies ou d’autres types de commerce.

Il est important d’ajouter que, selon l’alin�a 2 de l’article 3, le fait de ne pas disposer de la fonctionnalit� propos�e au premier alin�a � ne constitue pas un motif l�gitime de refus de vente ou de prestation de services […] ï¿½.

L’objet de ce dispositif est uniquement l’authentification. La puce ne doit donner aucun �l�ment biographique aux diff�rents op�rateurs commerciaux. Elle permet uniquement de s�curiser les transactions commerciales et les relations avec les administrations.

La commission est �videmment d�favorable aux amendements de suppression.

M. le pr�sident. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Claude Gu�ant, ministre. Le Gouvernement est d�favorable aux amendements.

Deux questions se posent.

Oui ou non les transactions �lectroniques se d�veloppent-elles ? Nous serons unanimes � convenir que c’est bien le cas.

Oui ou non devons-nous faire en sorte que ces transactions soient mieux s�curis�es au b�n�fice des usagers ? Le Gouvernement r�pond positivement et il soutient en cons�quence la proposition de loi qui vous est soumise.

� ce titre, je me permets de rappeler aux socialistes que ce texte ne fait que rejoindre celui sur la signature �lectronique, propos� en 2001 par M. Lionel Jospin.

(Les amendements identiques nos 4 et 12 ne sont pas adopt�s.)

M. le pr�sident. Je suis saisi d'un amendement n� 13.

La parole est � Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Cet amendement de repli permet d’exclure l’utilisation de la carte nationale d’identit� pour des transactions commerciales ou bancaires sur internet.

En effet, la majorit� permet que s’op�re un v�ritable m�lange des genres. Le rapporteur et le ministre ne nous ont d’ailleurs rien r�pondu sur les risques �voqu�s par Serge Blisko. Il est proprement hallucinant qu’un m�me support serve de document officiel de la R�publique fran�aise et contienne une puce commerciale. Nous parlons tout de m�me de la carte nationale d’identit� ! Il s’agit d’un stup�fiant abaissement par l’�tat de sa propre image et de celle des citoyens fran�ais. Je suis surprise que la repr�sentation nationale ne r�agisse pas � ce qu’il y a d’extr�mement choquant dans ce dispositif.

L’adoption de notre amendement permettrait � la deuxi�me puce, relative � la vie quotidienne, d’�tre utilis�e uniquement pour identifier les personnes dans le cadre de leurs relations avec l’administration publique, comme le souhaitait Delphine Batho.

Nous ne sommes pas oppos�s � l’usage de cette puce pour les relations avec l’administration, qu’elle soit fiscale ou non, mais elle ne doit en aucun cas servir dans des relations commerciales.

Par ailleurs, le e-commerce ne nous a pas attendus pour fiabiliser les �changes : nous ne voyons pas bien la valeur ajout�e que pourrait apporter cette puce commerciale.

M. le pr�sident. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Goujon, rapporteur. La commission a rejet� cet amendement de repli. En tant que tel, il montre bien que le principe de la deuxi�me puce est finalement accept�.

M. Serge Blisko. Bravo pour la casuistique !

M. Philippe Goujon, rapporteur. Madame Mazetier, la deuxi�me puce n’est pas une puce commerciale. Elle permet � l’�tat d’authentifier la signature �lectronique et l’identit� du titulaire de la carte lors de ses transactions commerciales.

Le ministre de l’int�rieur a cit� la loi portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relative � la signature �lectronique, adopt�e � l’instigation du gouvernement de Lionel Jospin. Pour ma part, j’�voquerai un rapport sign� en 2009 par Mme Mich�le Andr�, s�natrice socialiste,…

M. Serge Blisko. Vous n’avez que de bonnes lectures ! (Sourires.)

M. Philippe Goujon, rapporteur. Elles devraient aussi vous inspirer !

Dans ce rapport d’information s�natorial sur les titres s�curis�s et l’Agence nationale des titres s�curis�s, elle pr�cise que � le d�veloppement des e-services, en s’appuyant sur les nouveaux titres d’identit� s�curis�s, concerne non seulement les administrations publiques […] mais aussi les acteurs priv�s – services marchands, etc. Ces derniers pourront b�n�ficier de la valeur ajout�e cr��e par l’existence de documents �lectroniques d’identit� � haut niveau de s�curit�, l’�tat pouvant jouer le r�le de tiers de confiance dans le cadre des op�rations nou�es entre les op�rateurs priv�s ï¿½. CQFD. Avis d�favorable.

M. le pr�sident. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Claude Gu�ant, ministre. D�favorable.

M. le pr�sident. La parole est � Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Nous aimerions avoir des r�ponses � nos questions.

Monsieur le rapporteur, vous nous parlez d’un service rendu par l’�tat � des op�rateurs priv�s visant � fiabiliser l’identit� d’un consommateur �ventuel : comment ce service sera-t-il r�mun�r� par ces op�rateurs ? En effet, la cr�ation d’un fichier aura un co�t pour les contribuables – en dehors du celui qu’ils paieront en termes de libert�s publiques et de libert� individuelles. Or vous �tes incroyablement muets � ce sujet.

(L'amendement n� 13 n'est pas adopt�.)

M. le pr�sident. La parole est � M. Lionel Tardy pour d�fendre l’amendement n� 6.

M. Lionel Tardy. Cet amendement propose une modification qui peut appara�tre mineure. Elle serait toutefois tr�s significative pour certains milieux o� le dispositif de l’article 3 pourrait provoquer, en l’�tat, des r�actions �pidermiques. Il serait tr�s facile de les �viter en adoptant cet amendement.

Dans le texte tel qu'il est r�dig�, il est pr�vu que la puce que nous appelons � vie priv�e ï¿½ permette de � s'identifier sur les r�seaux ï¿½. L’informaticien que je suis par ailleurs vous exhorte � lever un malentendu. En effet, � la lecture de ces termes, il est possible de comprendre que cette puce permettra de s'identifier pour se connecter � internet. Les comploteurs fourmillant sur internet, je ne leur donne pas plus de quelques heures pour lire dans ces dispositions la preuve d’une volont� du Gouvernement de rendre obligatoire l'identification pour se connecter � internet.

Mes chers coll�gues, apr�s l’adoption de certains textes de loi – et, malheureusement, il ne s’agit pas d’un unique texte –, il existe un probl�me de confiance entre notre majorit� et bon nombre d'internautes. Disons que l’on ne peut qualifier nos rapports de sereins. Cependant, des efforts sont accomplis pour �tablir des ponts et dialoguer.

Tout cela est encore tr�s fragile : politiquement, il ne serait vraiment pas opportun de donner du grain � moudre � ceux qui veulent nous nuire et nous faire passer pour des ennemis de la libert� sur internet, ce que nous ne sommes pas.

M. Serge Blisko. Pas tous !

Mme Sandrine Mazetier. Nous ne voulons pas nous immiscer dans vos d�bats internes, mais M. Tardy n’a pas tort !

M. Lionel Tardy. L’adoption de cet amendement nous permettra d’�viter certains probl�mes.

M. le pr�sident. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Goujon, rapporteur. La commission a rejet� cet amendement.

Mme Sandrine Mazetier. Voil� !

M. Philippe Goujon, rapporteur. Le terme � services ï¿½ par lequel il propose de remplacer le mot � r�seaux ï¿½ couvre un champ trop large. Pour utiliser une image, nous pourrions dire que puisque le r�seau donne acc�s � des services, il est une sorte de porte � laquelle frappent les individus. C’est � ce stade que l’�tat garantit l’authentification de ceux qui se pr�sentent � cette porte. Une fois celle-ci ouverte, ce qui se passe ne concerne plus l’�tat.

M. le pr�sident. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Claude Gu�ant, ministre. Le Gouvernement est d�favorable � cet amendement pour les m�mes raisons que celles avanc�es par le rapporteur.

Monsieur Tardy, je veux vous rassurer imm�diatement : il ne s’agit �videmment pas d’instaurer une voie d’acc�s obligatoire � internet.

Le Gouvernement est soucieux de ne pas intervenir entre les op�rateurs, ce qui serait le cas si la proposition de loi faisait mention des services plut�t que des r�seaux. Nous estimons que dans ce cas il ne serait pas dans son r�le.

M. le pr�sident. Monsieur Tardy, maintenez-vous votre amendement ?

M. Lionel Tardy. Bien s�r, monsieur le pr�sident !

(L'amendement n� 6 n'est pas adopt�.)

M. le pr�sident. Je suis saisi de deux amendements, nos 5 et 18 rectifi�, pouvant �tre soumis � une discussion commune.

La parole est � M. Lionel Tardy pour soutenir l’amendement n� 5

M. Lionel Tardy. Le souci de la protection des donn�es personnelles constitue un v�ritable sujet. Nombre d'entreprises priv�es, et je ne citerai pas de noms car, malheureusement, il faudrait quasiment toutes les citer, prennent beaucoup de libert�s avec les donn�es personnelles qu'elles recueillent sur internet.

Un autre souci est la crainte du fichage policier, qui n'est pas nouvelle mais reste toujours aussi vivace.

Si l’on veut que cette puce rencontre le succ�s, il faut absolument que nous nous engagions � prot�ger les donn�es personnelles qu’elle contient et, surtout, que nous nous engagions � ce qu'elle ne serve en aucun cas � alimenter un quelconque fichier r�galien.

Il ne faut pas le cacher : pour l'immense majorit� des internautes, il existe une pr�somption de mauvaise foi et d'intentions inavou�es de la part du Gouvernement sur ce sujet. C'est ainsi ; il faut en tenir compte et mettre les bouch�es doubles, voire triples, pour offrir toutes les garanties en la mati�re.

Cet amendement constitue � nouveau un signal politique autant qu’une mesure technique. Sans ces pr�cautions, la puce �vie priv�e ï¿½ court � l'�chec.

M. le pr�sident. La parole est � M. Serge Blisko pour pr�senter l’amendement 18 rectifi�.

M. Serge Blisko. Il est d�fendu.

M. le pr�sident. Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements ?

M. Philippe Goujon, rapporteur. La commission a repouss� ces deux amendements car elle consid�re que la certification de l’identit� dans le cadre de la lutte contre son usurpation rel�ve de la comp�tence du minist�re de l’int�rieur. L’Agence nationale des titres s�curis�s se trouve sous la tutelle du minist�re de l’int�rieur et son directeur est nomm� par le Premier ministre.

M. le pr�sident. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Claude Gu�ant, ministre. Le Gouvernement est d�favorable � ces amendements.

Je me permets de relever un terme utilis� par M. Tardy, celui de � fichage policier ï¿½. Il vient assez facilement dans le discours mais je m’�l�ve contre son utilisation trop facile. La police g�re en effet des fichiers autoris�s par le l�gislateur ou par la CNIL. La police est une police r�publicaine qui s’en tient au respect des textes.

M. Christian Vanneste. Tr�s bien !

M. Claude Gu�ant, ministre. L’Agence nationale des titres s�curis�s a un caract�re interminist�riel du fait de la composition de son conseil d’administration. Le Gouvernement a une confiance sans limites dans cette institution.

(Les amendements nos 5 et 18 rectifi�, successivement mis aux voix, ne sont pas adopt�s.)

(L'article 3 est adopt�.)

Article 4

(L'article 4 est adopt�.)

Article 5

M. le pr�sident. Je suis saisi d'un amendement n� 14 visant � supprimer l’article 5.

La parole est � M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Nous arrivons au cœur de notre d�bat.

Faisons l’hypoth�se que la majorit� cr�era le fichier central biom�trique informatis� que nous n’approuvons pas : comment pouvons-nous faire en sorte que soient respect�es les libert�s individuelles et collectives et la vie priv�e des individus ? Nous nous retrouvons dans un monde orwellien o� la biom�trie…

M. Christian Vanneste. Cela n’a rien � voir avec Orwell ! L’informatique n’existait pas � l’�poque !

M. Serge Blisko. Je vous conc�de qu’il y a soixante ans, � l’or�e de la guerre froide, les choses �taient diff�rentes, mais je voulais �tre certain que vous suiviez bien mon raisonnement. (Sourires.)

Comme nous sommes manifestement tous deux plut�t des litt�raires, vous m’excuserez d’en venir au probl�me des bases biom�triques dites � ï¿½ liens faibles ï¿½ : le sujet n’est pas facile et mes explications pourraient manquer de clart�. La technique informatique du lien faible emp�che l’identification automatique � partir de donn�es biom�triques. Elle interdit par exemple de d�terminer une identit� civile inconnue � partir des seules empreintes digitales, tout en permettant de confirmer un lien entre une empreinte et un �tat civil si une v�rification d’identit� est n�cessaire.

Or ce n’est pas cette solution que le rapporteur et le Gouvernement ont retenue. Aujourd’hui, si je laisse mes empreintes digitales sur le micro qui se trouve devant moi, on pourra les relever et constater, � partir d’une base des empreintes digitales, que j’ai touch� cet objet. Dans ce cas, cela ne porte gu�re � cons�quence, mais la m�thode permet de m’identifier en toute situation. Le recueil d’empreintes est d’ailleurs de plus en plus performant. Il n’a cependant de v�ritable int�r�t que si l’on dispose d’une base centrale d’empreintes digitales.

�videmment, cela n’a d’int�r�t que si l’on dispose d’une base centrale d’empreintes digitales. C’est ainsi que l’on en est arriv� � la conclusion que, pour �tre efficace, il fallait se doter d’un fichier comportant les empreintes digitales de tous les Fran�ais �g�s de plus de quinze ans, soit 45 � 50 millions de personnes. Il s’agit donc d’un changement complet de logiciel id�ologique. D’autant que l’on pourrait aller plus loin et compl�ter ce fichier en y enregistrant des photographies, la couleur des yeux, voire les ph�romones, ou en recourant, demain, � l’iridologie, si son efficacit� est scientifiquement prouv�e.

La biom�trie est tout � fait passionnante, du point de vue scientifique, et elle peut conna�tre d’importants d�veloppements. Nous avons tous vu ces films dans lesquels le Pr�sident des �tats-Unis, avant d’entrer dans la salle de commandement, est identifi� par son iris. Des recherches importantes sont en cours dans ce domaine et je confirme qu’un certain nombre d’entreprises fran�aises b�n�ficient d’une large avance en la mati�re. Bien entendu, je ne suis pas oppos� � ce que les industriels fran�ais travaillent. Mais, telle la langue d’�sope, ces technologies sont la meilleure et la pire des choses, et il ne faudrait pas que, demain, ces recherches aboutissent � un contr�le g�n�ralis� fond� sur une gigantesque base de donn�es biom�triques.

Certes, il faut lutter contre les 200 000 – ou plut�t 100 000 – usurpations d’identit� annuelles, mais le contr�le et le fichage g�n�ralis�s sont-ils le seul moyen de combattre ce ph�nom�ne ? Il ne s’agit plus des vieilles fiches cartonn�es de la police du d�but du xxe si�cle, qui, je le rappelle, ne concernaient que les d�linquants : c’est l’ensemble de la population fran�aise, au-del� de quatorze ou quinze ans, qui sera concern�e. Il s’agit tout de m�me d’un changement philosophique tout � fait radical.

On a cit� l’exemple de la Su�de, mais c’est le pays du contr�le social. Qu’il ait �t� dirig� par des sociaux-d�mocrates pendant quarante des cinquante derni�res ann�es ne change rien au probl�me : ce n’est pas la culture de la France. Nous avons fait la r�volution, en 1789, pr�cis�ment pour �tre libres.

M. Christian Vanneste. Et la Belgique ? Et la Finlande ?

M. Serge Blisko. Encore une fois, il ne s’agit pas de pr�ner la licence et de permettre d’aller � l’encontre de la loi. Mais vous �tes en train de mettre en place un contr�le social extr�mement resserr�, qui s’appuie en outre sur des donn�es scientifiques, ce qui rend la situation bien plus grave et dangereuse que celle que l’on a connue, par exemple, dans les ann�es 1940.

M. le pr�sident. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Goujon, rapporteur. La commission a �videmment rejet� cet amendement, qui viderait le texte de sa substance, puisqu’il vise non pas � privil�gier le lien faible, mais � supprimer le fichier central. Selon M. Blisko, cette proposition de loi, qui permet des avanc�es importantes en mati�re de lutte contre la fraude identitaire, doit reposer sur autre chose qu’un fichier central.

Je pr�cise que les empreintes digitales sont d’ores et d�j� collig�es dans des fichiers papier, puisque, lorsque vous vous faites faire une carte d’identit�, vous devez d�poser vos empreintes. Le texte a pour objet de permettre qu’elles soient d�sormais enregistr�es dans un fichier central, afin qu’il soit possible de v�rifier l’identit� du d�tenteur de la carte. Sans fichier, je ne vois pas comment pourrait se faire cette v�rification et comment on pourrait �viter que plusieurs titres d’identit� identiques ne se retrouvent dans la nature.

En proposant la suppression de l’article 5, M. Blisko �terait donc � ce texte une partie essentielle de sa vocation, � savoir la lutte contre l’usurpation d’identit�.

M. le pr�sident. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Gu�ant, ministre. D�favorable. Nous sommes en effet, ainsi que le disait M. Blisko, au cœur du dispositif : sans fichier central, nous ne trouverons pas les usurpateurs. De m�me – je le dis tout de suite, afin de ne pas avoir � l’indiquer plus tard –, si nous ne disposons que d’un lien faible, nous ne les trouverons pas davantage, sauf au prix de moyens tout � fait d�mesur�s. La question qui se pose est donc celle de savoir si l’on veut ou non lutter contre ce ph�nom�ne.

Par ailleurs, monsieur Blisko, je me permets de r�p�ter qu’il serait bon que l’on cesse d’entretenir la confusion entre un fichier de police et ce fichier, qui est administratif. Vous citiez l’exemple – je ne me serais pas permis de l’inventer moi-m�me – d’empreintes que vous laisseriez sur un micro apr�s je ne sais quelle infraction imaginaire. Dans ce cas, il s’agirait d’une affaire de police et c’est le fichier automatis� des empreintes digitales – le FAED – qui serait utilis�. En revanche, imaginez que vous demandiez une carte d’identit� et que l’on vous dise que quelqu’un poss�de d�j� cette identit� : gr�ce � l’empreinte digitale d�pos�e par la personne qui aura usurp� votre identit�, nous irons directement � elle.

M. le pr�sident. La parole est � M. Christian Vanneste.

M. Christian Vanneste. Contre l’amendement. Monsieur Blisko, je suis effar� par votre argumentation quantitative. Vous vous demandez si ficher des millions de personnes vaut bien la peine, d�s lors qu’il n’y a que 200 000 victimes. Autrement dit, vous comparez le nombre des victimes et celui des personnes qui seront fich�es. Puisque vous avez soulign� que nous �tions tous deux litt�raires, permettez-moi de vous rappeler la fameuse phrase des Ch�timents de Victor Hugo : � S’il n’en reste qu’un... ï¿½ Quand bien m�me n’y aurait-il qu’une victime, j’estime que ce fichier vaut la peine.

Mme Sandrine Mazetier. On vous entendait moins au sujet des victimes de la route !

M. Christian Vanneste. Par ailleurs, vous connaissez le pari de Pascal. Si vous croyez en Dieu, vous ne perdez rien ; si vous ne croyez pas en Dieu, vous risquez de tout perdre. Eh bien, c’est un peu la m�me chose. (Murmures.)

M. Serge Blisko. Je ne vous suis pas !

M. Christian Vanneste. En effet, si vous prot�gez les victimes, vous gagnez tout ; en revanche, si vous ne les prot�gez pas, vous perdez tout. Que les gens soient fich�s ou non, que leurs noms soient identifi�s, que leur identit� soit reconnue, en quoi cela nuit-il � leur libert� ? En quoi sont-ils victimes ? En rien ! Autrement dit, le fichier ne pr�sente que des avantages et aucun inconv�nient.

Votre argumentation ne tient donc pas ; elle est purement quantitative et ne r�siste pas � l’id�e que ce texte prot�ge les victimes potentielles et ne vise personne d’autre que les coupables et les faussaires.

M. le pr�sident. La parole est � Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Il faut savoir que M. Vanneste va proposer, dans un amendement que nous examinerons ult�rieurement, la cr�ation d’un registre national de la population.

M. Christian Vanneste. Absolument. Comme en Su�de !

Mme Delphine Batho. Cela ne me parait pas constituer forc�ment un bon point de d�part pour notre discussion.

M. Christian Vanneste. Et pourquoi donc ?

Mme Delphine Batho. Par ailleurs, je veux d�noncer le flou artistique qui entoure la question de la possibilit� de retrouver une personne � partir de ses empreintes digitales lorsqu’elles seront enregistr�es dans le fichier cr�� par ce texte. M. le ministre vient d’indiquer, en citant l’exemple pris par Serge Blisko, qu’en cas de d�lit ou de crime, c’est le FAED qui est consult�, ce qui est conforme � notre conception des choses, puisque le FAED est le fichier d’identification judiciaire. Mais M. le rapporteur a �crit dans son rapport qu’en cas de r�quisition judiciaire, c’est le fichier des cartes d’identit� qui permettra de retrouver une personne gr�ce � ses empreintes.

M. Philippe Goujon, rapporteur. Vous ne voulez tout de m�me pas emp�cher un juge de faire son travail !

Mme Delphine Batho. Certes, cette identification est permise, aujourd’hui, � l’aide du fichier des passeports biom�triques. Mais l’article 19 du d�cret pr�cise : � Le dispositif de recherche ne permet pas l’identification � partir des empreintes digitales enregistr�es dans la base centrale. ï¿½ Le fichier central que vous voulez cr�er change donc de nature, puisque les pr�cautions qui entourent l’utilisation du fichier des passeports biom�triques et qui emp�chent de faire une recherche � partir du visage – nous y reviendrons ult�rieurement – ou des empreintes digitales n’existeront plus.

(L’amendement n� 14 n’est pas adopt�.)

M. le pr�sident. Je suis saisi de trois amendements, nos 15, 8 et 17, pouvant �tre soumis � une discussion commune.

La parole est � Mme Sandrine Mazetier, pour soutenir l’amendement n� 15.

Mme Sandrine Mazetier. Cet amendement tend � revenir au dispositif adopt� par le S�nat. Je ne reviens pas sur les explications techniques qu’a apport�es Serge Blisko sur le lien faible, mais il est �vident que cette technologie est bien plus protectrice et tout aussi efficace que le fichier que vous proposez de cr�er.

Au reste, je rappelle � M. le ministre que l’un de ses pr�d�cesseurs Place Beauvau – qu’il servait � l’�poque en tant que directeur de cabinet –, Nicolas Sarkozy, s’�tait exprim� sur ce point au sujet du projet d’identit� nationale �lectronique s�curis�e. Ses propos figurent dans le rapport du s�nateur Lecerf, : � Les enjeux sont tels que M. Sarkozy, ministre d’�tat, ministre de l’int�rieur et de l’am�nagement du territoire, a souhait� prendre le temps de la r�flexion avant de mettre en œuvre le projet d’identit� nationale s�curis�e.

� Il a ainsi d�clar� devant les pr�fets, le 20 juin 2005 : “Ce chantier a fortement �volu� ces derniers mois et il va impacter en profondeur et durablement la vie quotidienne des Fran�ais. Or, si des dispositions europ�ennes nous obligent � mettre rapidement en œuvre un passeport biom�trique, il n’en va pas de m�me pour la carte d’identit� �lectronique. Je ne veux donc pas que l’on s’y engage sans avoir pris le temps n�cessaire pour r�fl�chir � toutes ses cons�quences. Il ne s’agit pas de revenir sur des �volutions qui sont, pour certaines, n�cessaires, mais de bien mesurer o� l’on veut aller, sous quelles conditions et � quel prix”. ï¿½ On ne saurait mieux d�finir les pr�cautions dont nous souhaitons entourer le dispositif et que les s�nateurs eux-m�mes ont souhait� inscrire dans la loi en pr�conisant la technologie des liens faibles.

M. le pr�sident. La parole est � M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n� 8.

M. Lionel Tardy. La commission est revenue sur le texte vot� par le S�nat. C’est, selon moi, une erreur, car la version des s�nateurs me para�t bien meilleure et, surtout, bien plus protectrice des libert�s. En outre, le texte de l’article 5 adopt� par notre commission appara�t en contradiction avec la Convention europ�enne des droits de l’homme, qui, pr�cis�ment, interdit clairement de ficher des personnes innocentes de tout crime ou d�lit. Nous traitons ici du sujet extr�mement sensible des fichiers r�galiens. L� encore, j’ai bien peur qu’en ne prenant pas toutes les garanties, en ne mettant pas en place toutes les protections possibles, nous ne provoquions une lev�e de boucliers. � vouloir trop en faire, je crains que l’on ne tue l’ensemble du projet et que l’on ne discr�dite cette carte d’identit� s�curis�e aupr�s des Fran�ais.

M. le pr�sident. La parole est � M. Serge Blisko, pour soutenir l’amendement n� 17.

M. Serge Blisko. L’amendement n� 17 vise � r�diger ainsi l’alin�a 3 de l’article 5 : � Le traitement ne comporte ni dispositif de reconnaissance faciale � partir de l’image num�ris�e du visage ni dispositif de recherche permettant l’identification � partir de l’image num�ris�e des empreintes digitales enregistr�es dans ce traitement. ï¿½ Il est en effet fondamental de mettre en place des barri�res �tanches afin de bien encadrer les utilisations de la biom�trie.

Je le dis � l’attention de Vanneste, il n’y a pas que des criminels ou des d�linquants ; il y a aussi des gens qui manifestent, par exemple. Or, une banque de donn�es pourrait �tre vendue � un employeur qui souhaiterait savoir lesquels de ses employ�s n’�taient pas � leur poste parce qu’ils manifestaient contre tel projet de l’entreprise. Il nous faut donc �tre extr�mement attentifs, car, encore une fois, le monde n’est pas binaire : il n’y a pas, d’un c�t�, les m�chants, les d�linquants, les criminels – qui sont trop nombreux, et personne, ici, ne songe � les d�fendre – et, de l’autre, les � braves gens ï¿½. Il y a aussi des personnes qui, parce qu’elles exercent leurs droits syndicaux ou protestent, pourraient �tre d�nonc�es, alors qu’elles ne font qu’exercer leurs libert�s, pour la sauvegarde desquelles elles sont d’ailleurs souvent oblig�es de se battre.

Je rappelle tout de m�me que la cr�ation du passeport biom�trique s’est faite sous une forte pression : nous avions �t� pr�venus que nos concitoyens ayant besoin de voyager aux �tats-Unis devraient prochainement poss�der un passeport biom�trique. Cela a d’ailleurs donn� lieu � une course contre la montre tr�s p�nible, compte tenu du grand nombre de passeports � imprimer dans un d�lai tr�s court. Apr�s un certain nombre d’al�as commerciaux, il a �t� reconnu que seule l’Imprimerie nationale disposait des attributions r�galiennes l’autorisant � manipuler des donn�es aussi sensibles, et qu’il n’�tait pas possible qu’elle fasse appel � des sous-traitants.

L’article 19 du d�cret de 2005 affirmait que � le traitement ne comporte ni dispositif de reconnaissance faciale � partir de l’image num�ris�e du visage ni dispositif de recherche permettant l’identification � partir de l’image num�ris�e des empreintes digitales enregistr�es dans la base centrale ï¿½. Je le r�p�te, le ministre de l’int�rieur de l’�poque, aujourd’hui Pr�sident de la R�publique, avait bien pr�cis� que si la pression exerc�e par les �tats-Unis � la suite des attentats du 11 septembre nous obligeait � mettre rapidement en œuvre un passeport biom�trique, il n’en allait pas de m�me pour la carte d’identit� �lectronique, pour laquelle une r�flexion devait �tre engag�e. En d’autres termes, il consid�rait que le titre d’identit� nationale n’�tait pas soumis aux m�mes exigences que le passeport, titre international permettant de voyager en dehors des fronti�res de l’Union europ�enne.

Cette conception me para�t tr�s juste : il ne faut pas faire tout et n’importe quoi au seul motif que la science le permet. La tentation technologique ne doit pas nous faire oublier que quantit� de personnes malintentionn�es – pirates, mafia et autres organisations criminelles – disposent des moyens de nature � leur permettre de manipuler les donn�es relatives � l’identit�, des donn�es que chacun de nous disperse de-ci de-l� au cours de son existence. Nous devons rester extr�mement vigilants sur ce point, c’est pourquoi je d�fends l’amendement n� 17.

M. le pr�sident. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Philippe Goujon, rapporteur. Ces trois amendements ont �t� repouss�s par la commission. Il me semble que certains entretiennent la confusion, sans doute dans le but d’inqui�ter l’opinion…

M. Serge Blisko. Non, pour l’�clairer !

M. Philippe Goujon, rapporteur. …sur les notions de fichier de police et de fichier administratif, qui n’ont rien � voir, comme M. le ministre et moi-m�me l’avons d�j� dit � plusieurs reprises.

Nous parlons ici d’un fichier administratif, qu’un juge peut effectivement demander � consulter sur r�quisition, comme il peut le faire pour tout fichier. Il ne s’agit en aucun cas de cr�er un fichier de police, dont la vocation est de permettre de confondre les d�linquants – par exemple, monsieur Blisko, de vous identifier si vous avez eu la maladresse de laisser vos empreintes lors de la commission d’un acte d�lictueux. (Sourires.)

Par ailleurs, ces amendements proposent le retour � la base de donn�es dite � ï¿½ lien faible ï¿½. M. Blisko, tr�s pr�sent lors des auditions, sait aussi bien que moi que ce syst�me ne fonctionne pas. C’est un syst�me inop�rant, qui n’existe nulle part ailleurs dans le monde, qui n’a aucune maturit� technologique et favorise m�me l’impunit� des usurpateurs d’identit�. Il est effet impossible de retrouver les usurpateurs � l’aide de ce syst�me, � moins de proc�der � des enqu�tes tr�s approfondies mobilisant des centaines de policiers, que vous et moi pr�f�rons voir sur le terrain. Nous avons d’ailleurs re�u une lettre de l’inventeur du syst�me � lien faible, qui nous dit qu’en tant qu’expert il est persuad� que seule une base de donn�es biom�triques � lien fort peut assurer la s�curit� et prot�ger l’identit� du citoyen.

Au S�nat, les avis ont �t� tr�s partag�s sur ce point. D�s le d�part, les auteurs de la proposition de loi ont pr�conis� le lien fort, et ils sont rest�s sur cette position. Vous savez que le syst�me � lien faible est ing�rable et qu’avec la marge d’erreur de 1 %, de nombreux usurpateurs �chappent aux mailles du filet, car il faudrait, pour les confondre, mettre en œuvre des enqu�tes tr�s approfondies qui n�cessiteraient d’op�rer une intrusion dans la vie priv�e de 100 � 140 citoyens – tout cela pour �lucider une seule usurpation d’identit� ! Cela aboutira � cr�er un sentiment d’impunit� de l’usurpateur, qui sait bien que l’on ne mobilisera pas des dizaines de policiers pour mettre la main sur lui. Je ne parle m�me pas des victimes de catastrophes naturelles, que seul le syst�me � lien fort peut permettre d’identifier de mani�re s�re et rapide. Pour toutes ces raisons, le brevet du syst�me � lien faible n’a jamais �t� exploit�.

Enfin, l’amendement n� 17 comporte un autre d�faut : tel qu’il est r�dig�, il �crase l’alin�a 3, qui encadre les garanties essentielles au r�le protecteur des libert�s individuelles du lien fort. Avec cet amendement, vous proposez finalement un syst�me encore pire que celui du lien faible.

Mme Sandrine Mazetier. Vous pouvez toujours sous-amender !

M. le pr�sident. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Gu�ant, ministre. Le Gouvernement est d�favorable � ces amendements, pour les m�mes raisons que celles qui viennent d’�tre �voqu�es par le rapporteur.

(L’amendement n� 15 n’est pas adopt�.)

(L’amendement n� 8 n’est pas adopt�.)

(L’amendement n� 17 n’est pas adopt�.)

M. le pr�sident. Je suis saisi d’un amendement n� 16.

La parole est � M. Serge Blisko, pour le soutenir.

M. Serge Blisko. L’examen de cet amendement va �tre l’occasion de poser une question qui nous angoisse tous un peu : celle de la reconnaissance faciale. Le d�bat qui a eu lieu au S�nat sur ce point a, de mon point de vue, �t� un peu trop rapide, de m�me que le d�bat en commission, c’est pourquoi il me semble qu’il n’est pas inutile d’y revenir un moment.

La reconnaissance faciale est un proc�d� � la fois complexe et extr�mement dangereux. Une cam�ra de vid�o-surveillance filme une personne – ou plus exactement son visage, puisque c’est cette partie du corps qui va permettre l’identification. J’avais vot�, lors du d�bat sur le voile int�gral, pour l’interdiction de se couvrir le visage, �tant convaincu que se couvrir le visage, c’est dissimuler son identit�. Cependant, � l’inverse, la reconnaissance du visage permet l’identification de la personne concern�e.

Si l’on fait exception des cas de r�quisition judiciaire, ne sommes-nous pas en train de glisser vers une soci�t� o� chacun devra �tre reconnaissable � tout moment et en tout lieu ? Cela devrait vous inqui�ter autant que moi, mes chers coll�gues de droite ! Que deviennent la discr�tion et le respect de la vie intime ? Tenir au respect de sa vie priv�e ne fait pas de quelqu’un un d�linquant, monsieur Vanneste !

M. Christian Vanneste. Ce n’est pas tout le temps et partout !

M. Serge Blisko. Ne soyez pas binaire : toutes les personnes qui entendent conserver une part d’intimit� ne sont pas n�cessairement des assassins !

M. Christian Vanneste. Cela n’a rien � voir avec l’intimit� !

M. Serge Blisko. Je voulais le dire : nous devons nous garder d’une vision parano�aque des choses, qui nous inciterait � penser qu’une personne tenant au respect de sa vie priv�e aurait n�cessairement quelque chose � se reprocher !

M. Christian Vanneste. Il me semble que la parano�a est plut�t de votre c�t� !

M. Serge Blisko. Je n’en suis pas s�r, mon cher coll�gue. D’ailleurs, votre amendement relatif au fichier national de la population montre bien une volont� de transparence qui me para�t un peu exag�r�e dans notre culture, mais nous aurons l’occasion d’y revenir. Dans l’imm�diat, je voulais simplement attirer l’attention de notre assembl�e sur les dangers de la reconnaissance facile et provoquer un d�bat sur ce point.

M. le pr�sident. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Goujon, rapporteur. L’amendement n� 16 a �t� repouss� par la commission, car nous sommes l� dans un d�bat qui n’a pas lieu d’�tre.

M. Christian Vanneste. Exactement !

M. Philippe Goujon, rapporteur. Pour moi, il est �vident qu’il ne s’agit que de la d�livrance d’un titre d’identit� et de la s�curisation de cette op�ration.

Je rappelle que la commission des lois du S�nat avait pr�vu, dans le texte initial, d’inclure la photographie dans les donn�es permettant l’identification d’une personne. Il n’y a pas l� mati�re � d�bat : ce n’est qu’une garantie suppl�mentaire quant � la fiabilit� du processus d’identification.

M. le pr�sident. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Gu�ant, ministre. Le Gouvernement est �galement d�favorable � cet amendement. Premi�rement, la reconnaissance faciale, qui n’apporte pas, � l’heure actuelle, toutes les garanties de fiabilit� n�cessaires, est une technologie qui �volue tr�s rapidement : on peut donc penser que, tr�s bient�t, elle sera aussi fiable que la reconnaissance digitale.

Je veux redire � M. Blisko que les craintes qu’il a exprim�es correspondent � des hypoth�ses de r�quisition judiciaire. Or je pense que personne, sur ces bancs, n’est oppos� � ce que la justice utilise tous les moyens pour faire triompher la v�rit�.

(L’amendement n� 16 n’est pas adopt�.)

(L’article 5 est adopt�.)

Article 5 bis

M. le pr�sident. Aucun orateur n’�tant inscrit sur l’article 5 bis, je le mets directement aux voix.

(L’article 5 bis est adopt�.)

Article 5 ter

M. le pr�sident. Je suis saisi d’un amendement n� 19, visant � la suppression de l’article 5 ter.

La parole est � Mme Sandrine Mazetier, pour le soutenir.

Mme Sandrine Mazetier. L’article 5 ter introduit la possibilit� pour des op�rateurs �conomiques – notamment des commer�ants – de consulter le fichier central cr�� � l’article 5, dont nous venons de d�battre, afin de v�rifier la validit� de la carte nationale d’identit� ou du passeport pr�sent� par un acheteur.

L’habilitation pr�vue par la commission des lois du S�nat a �t� supprim�e en commission par un amendement du Gouvernement. Devant l’absence totale de garantie, notamment en raison du champ tr�s large des personnes qui pourront acc�der au fichier central, nous souhaitons vivement que la possibilit� d’acc�s pour des op�rateurs priv�s soit rendue absolument impossible. Nous ne comprendrions pas que le Gouvernement �mette un avis d�favorable � notre amendement car, ind�pendamment des questions de libert�s individuelles que soul�ve cette proposition de loi, il est extr�mement choquant que les donn�es r�colt�es par la puissance publique puissent donner lieu � une utilisation commerciale.

Je rappelle d’ailleurs que vous avez autoris�, dans la LOPPSI 2, que la vid�o-surveillance soit install�e et exploit�e par des op�rateurs priv�s. En permettant ce m�lange des genres, vous avez supprim� la limite entre les objectifs de s�curit� et de maintien de l’ordre, relevant de la comp�tence des pouvoirs publics, et l’intrusion dans la vie priv�e de nos concitoyens � laquelle aboutit l’exploitation priv�e, voire commerciale, des donn�es relatives aux personnes.

M. le pr�sident. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Goujon, rapporteur. La commission a �videmment rejet� cet amendement, qui continue – volontairement, je n’en doute pas – � entretenir la confusion au sujet de l’authentification de la carte d’identit� sur un mode binaire – telle carte est-elle valide, oui ou non ? –, sur le mod�le du fichier des ch�ques vol�s qui existe d�j�. Il n’est pas question de permettre la consultation des donn�es figurant dans le fichier, mais simplement de savoir si le document pr�sent� est valide ou non.

C’est la raison de cette consultation. D’ailleurs, nous avons, en commission des lois, s�curis� encore plus ce dispositif en �cartant la consultation et la transmission de toute autre donn�e dans le cadre de ce contr�le de validit� purement binaire.

M. le pr�sident. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Gu�ant, ministre. Le Gouvernement rejoint l’avis du rapporteur.

M. le pr�sident. La parole est � M. Christian Vanneste.

M. Christian Vanneste. Je ferai une simple remarque � propos de ce que dit Mme Mazetier qui, comme d’habitude, fait preuve d’un manich�isme assez touchant. Manifestement, pour elle, le public, c’est bien, et le priv�, c’est mal !

Je rappelle tout de m�me que l’�tat est aussi l� pour prot�ger les activit�s priv�es des personnes – notamment celles qui pourraient �tre victimes d’escroqueries, de fausses d�clarations, de prises d’emprunt ou d’achats qui ne seraient pas les leurs – et des entreprises. L’�tat ne doit pas s’occuper que de lui-m�me, comme c’est le cas dans les �tats totalitaires – et je comprends que cela fascine Mme Mazetier ! Dans un �tat lib�ral comme le n�tre, l’�tat est fait pour prot�ger les personnes priv�es !

(L’amendement n� 19 n’est pas adopt�.)

M. le pr�sident. Je suis saisi d’un amendement n� 7.

La parole est � M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Le d�cret ne doit pas se contenter de fixer les modalit�s de consultation du fichier. Il doit aussi pr�ciser quelles administrations et quels op�rateurs peuvent y acc�der. Sinon, le risque est de voir tout le monde demander � le consulter pour tout et n’importe quoi. Ce fichier ne doit pas �tre ouvert � tous les vents. C’est, encore une fois, la condition de l’adh�sion des citoyens, qui n’est pas gagn�e d’avance. Il faut vraiment donner toutes les garanties que leurs donn�es personnelles seront prot�g�es. Malheureusement, certains pr�c�dents, notamment des consultations sauvages de fichiers r�galiens, ne sont pas rassurants. Cette pr�cision n’est donc pas de trop � mon avis.

Mme Sandrine Mazetier. Tr�s bien !

M. Serge Blisko. Tr�s juste !

M. le pr�sident. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Goujon, rapporteur. La commission a repouss� cet amendement : ce n’est pas dans le cadre de ce texte que sera dress�e la liste nominative des op�rateurs qui pourront demander � b�n�ficier de ce service. Ce sera �videmment l’objet du d�cret pris en Conseil d’�tat, apr�s avis public et motiv� de la CNIL, qui aura donc une force particuli�re. En outre, on pourrait aussi consid�rer que plus il y aura d’op�rateurs �conomiques qui utiliseront ce service, plus l’usurpation d’identit� sera difficile et l’effet dissuasif important.

M. le pr�sident. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Gu�ant, ministre. M�me avis.

(L’amendement n� 7 n’est pas adopt�.)

M. le pr�sident. Je suis saisi d’un amendement n� 20.

La parole est � Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Ce qui se con�oit bien s’�nonce clairement.

De m�me, ce qui n’est pas pr�vu par une proposition de loi ne doit pas y figurer. Vous avez beau r�p�ter qu’il n’y aura pas d’utilisation � des fins commerciales, qu’il n’y aura pas d’acc�s pour des op�rateurs �conomiques priv�s � ce fichier central, c’est pourtant tr�s pr�cis�ment ce qui est �crit dans l’article 5 ter. Puisque certains se pr�tendent litt�raires, je leur sugg�re de lire la cinqui�me ligne de l’article !

L’amendement que nous proposons vise donc � supprimer la mention � op�rateurs �conomiques ï¿½ qui figure textuellement dans cet article, et de limiter l’acc�s au fichier aux op�rateurs assurant une mission de service public. C’est tr�s clair et tr�s simple : si vous voulez refuser l’acc�s � des op�rateurs priv�s, supprimez-les de l’article 5 ter. En d’autres termes, adoptez notre amendement !

M. Serge Blisko. Tr�s bien !

M. le pr�sident. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Goujon, rapporteur. La commission a repouss� cet amendement. Puisque vous lisez l’article 5 ter, vous pourriez citer aussi la derni�re ligne : � Cette consultation ne permet d’acc�der � aucune donn�e � caract�re personnel. ï¿½ Soyez compl�te !

Mme Sandrine Mazetier. Ce n’est pas l’objet de cet amendement !

M. Philippe Goujon, rapporteur. Vous avez pourtant d�velopp� cet argument concernant la mani�re dont le traitement peut �tre consult� !

Il y a aussi un probl�me de coh�rence : c’est comme si, s’agissant de la consultation du fichier des ch�ques vol�s, vous consid�riez que seul le Tr�sor public pouvait le faire ! Ce serait une r�gression consid�rable.

(L’amendement n� 20, repouss� par le Gouvernement, n’est pas adopt�.)

(L’article 5 ter est adopt�.)

Apr�s l’article 5 ter

M. le pr�sident. Je suis saisi d’un amendement, n� 1, portant article additionnel apr�s l’article 5 ter.

La parole est � M. Christian Vanneste.

M. Christian Vanneste. Je vais vous parler du registre national et du num�ro d’identification national. C’est un probl�me que j’�voque depuis fort longtemps, et cela dans un but extr�mement pr�cis : pouvoir faire face aux fraudes consid�rables que nous subissons faute d’avoir ce type d’instrument.

Je vous rappelle que, r�cemment encore, notre coll�gue M. Tian a �tabli que, si l’on constate aujourd’hui, en mati�re de fraude sociale, � peu pr�s 500 millions de fraude, on peut estimer � 20 milliards le co�t de l’absence de s�ret� dans ces domaines.

Un grand nombre de pays ont un fichier national. C’est le cas de la Su�de, de la Finlande, de l’Allemagne,…

M. Serge Blisko. Non, pas l’Allemagne !

M. Christian Vanneste. Bien s�r que si ! C’est aussi le cas des Pays-Bas, de la Belgique, et m�me, au fond, des d�partements d’Alsace-Moselle, tout simplement parce qu’ils ont gard� une tradition qui date de la p�riode allemande.

Cela dit, je ne propose pas ici la cr�ation de ce fichier. Je demande que le Gouvernement nous remette un rapport sur ses avantages et ses risques. Manifestement, si j’avais voulu cr�er cet outil imm�diatement, je me serais heurt� � l’article 40.

Par ailleurs, je ne fais que demander que la promesse qui m’avait �t� faite par M. Besson, dans le cadre de la discussion d’une autre loi, soit tenue.

M. Serge Blisko et Mme Sandrine Mazetier. Il ne faut pas �couter les promesses d’une telle personne !

M. Christian Vanneste. J’avais en effet retir� un amendement tendant � la m�me fin, parce que le ministre s’�tait engag� � ce qu’un rapport de ce type soit rendu.

Je me tourne donc vers vous, monsieur le ministre. Un rapport, cela ne co�te rien, et celui-l� nous permettrait au moins d’avoir une id�e pr�cise sur l’int�r�t ou l’inconv�nient d’un tel proc�d�. Lors de la pr�sentation de cette id�e devant M. Besson, celui-ci m’avait m�me r�pondu, de fa�on assez amusante, que je pourrais m’associer � M. Caresche, pr�sent ce jour-l� en s�ance, pour le r�diger. C’est bien volontiers que je le ferais avec un coll�gue socialiste.

M. Serge Blisko. Oh non !

M. Christian Vanneste. J’ai travaill� avec M. Dosi�re et cela s’est tr�s bien pass�. Peut-�tre, du reste, cher coll�gue Blisko, en viendrai-je � renoncer � cette id�e ! C’est bien cela, le but d’un rapport.

En revanche, on ne peut continuer � se mettre chaque fois, comme des autruches, la t�te dans le sable, au motif que Vichy, il y a bien longtemps, a eu un registre national et l’a mal utilis� ! Je ne vois personnellement aucun lien entre l’�tat fran�ais de cette �poque et la d�mocratie que nous connaissons aujourd’hui et qui est issue, comme vous le savez, du g�n�ral de Gaulle.

M. le pr�sident. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Goujon, rapporteur. La commission a repouss� cet amendement, m�me si elle attend �videmment avec impatience la constitution sur ce sujet d’un tandem Vanneste-Caresche ! (Sourires.)

Il s’agit l� d’une proposition qui d�passe un peu l’objet de cette proposition de loi.

M. Christian Vanneste. On m’a fait le m�me coup la derni�re fois !

M. Philippe Goujon, rapporteur. S’il s’agit de travailler sur une fraude sociale, d’autres lieux conviennent mieux pour le faire. Avec ce registre national, qui comprendrait des citoyens fran�ais et �trangers, nous ne sommes plus du tout dans le cadre de cette discussion.

Je peux n�anmoins vous r�pondre que cette proposition de loi s�curise les titres d’identit� nationaux et que prochainement, comme vous le savez, les titres de s�jour des �trangers seront �galement davantage s�curis�s.

M. le pr�sident. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Gu�ant, ministre. Le Gouvernement demanderait volontiers � l’auteur de l’amendement de bien vouloir le retirer. Il y a une contradiction fondamentale entre l’affirmation que la carte d’identit� n’est pas obligatoire et la perspective qui est ouverte � travers cet amendement. J’ajoute que le Gouvernement prendra connaissance avec attention des r�flexions que M. Vanneste pourra proposer sur ce sujet.

M. le pr�sident. La parole est � M. Christian Vanneste.

M. Christian Vanneste. Je me souviens en cette occasion d’avoir, dans un lointain pass�, �t� latiniste : bis repetita placent, dit-on. (Sourires.) L�, ce n’est pas du tout le cas !

M. Serge Blisko. Sed perseverare diabolicum !

M. Christian Vanneste. Cela ne me pla�t pas du tout, parce que cela fait deux fois que je me trouve dans la m�me situation : on me r�pond que ce sera pour le prochain coup ! Je dois d’ailleurs dire que, par rapport � M. Besson, vous �tes en recul : j’avais bel et bien obtenu la promesse d’un rapport.

Encore une fois, si les arguments contre le registre national l’emportent, eh bien, je serai le premier � abandonner cette id�e. Mais pourquoi voudriez-vous que ce qui existe avec succ�s et efficacit� en Su�de ou en Finlande soit impossible dans notre pays, sous pr�texte que nous aurions une diff�rence culturelle, que je per�ois d’ailleurs assez peu ? Comme chacun le sait, Descartes est all� aupr�s de Christine de Su�de – il est d’ailleurs mort l�-bas –, ce qui prouve que les relations entre nos deux pays ont toujours �t� intenses et tr�s philosophiques !

Mme Sandrine Mazetier. Le bon sens n’a pas l’air d’�tre la chose du monde la mieux partag�e dans cet h�micycle !

M. le pr�sident. Monsieur Vanneste, je vous confirme que Descartes n’est plus de ce monde ! (Sourires.)

La parole est � M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. Nous sommes l� au cœur d’une conception qui est tout de m�me extr�mement �trange. Depuis tout � l’heure, je lis et relis l’expos� sommaire – et m�me tr�s sommaire – de l’amendement de MM. Vanneste et Tian, et je me dis que nous avons d�j� ce fameux registre de la population : cela s’appelle le recensement !

M. Christian Vanneste. Mais non !

M. Serge Blisko. Certes, on peut en critiquer tel ou tel aspect jug� insuffisant.

Je vous fais d’ailleurs remarquer, monsieur Vanneste, que le recensement est r�alis� par une direction du minist�re des finances qui s’appelle l’INSEE, et non par le minist�re de l’int�rieur. Il y a dans cette tradition r�publicaine fran�aise quelque chose qui devrait vous faire r�fl�chir – mais je n’en dirai pas plus devant M. le ministre de l’int�rieur !

Les r�sultats que donne l’INSEE peuvent atteindre un niveau tr�s fin, permettant de diff�rencier en fonction des cat�gories d’�ge ou des cat�gories socioprofessionnelles, ou encore de distinguer les personnes de nationalit� fran�aise et celles qui ne le sont pas, sans oublier les diff�rences dans l’habitat, le confort et le genre. Cela donne une tr�s belle photographie, que chacun d’entre nous, d’ailleurs, dans ses fonctions d’�lu local, est parfois amen� � consulter avant de lancer un programme de logements ou la construction d’une �cole. Nous avons donc bien un registre national de la population qui, en recourant aux m�thodes modernes, est mis � jour en moyenne tous les sept � dix ans.

M. Christian Vanneste. Tout est faux dans ce que vous dites !

M. Serge Blisko. J’ai donc du mal � saisir le sens de votre d�marche. Si j’ai bien compris, vous voulez un registre nominatif des gens qui habitent sur notre territoire. Je vous r�ponds que nous ne sommes pas en Su�de, quelle que soit l’amiti� que nous portons � la famille Bernadotte, pas plus que nous ne sommes en Finlande. Nous n’avons pas affaire � des communaut�s ferm�es, qui ont �t� pendant des centaines d’ann�es le lot de ces pays froids et enneig�s dans lesquels les moyens de communication, souvent bloqu�s, faisaient que la communaut� villageoise �tait tr�s soud�e.

Votre expos� sommaire me terrifie. Vous avez cri� : � Mais non ! ï¿½ lorsque je vous ai parl� du fichier de l’INSEE, que je vous aurais volontiers fait parvenir, � titre de cadeau de fin de session. Pourquoi donc voulez-vous avoir un registre nominatif de la population ?

Vous demandez la profession – tr�s bien ; la date et le lieu de d�c�s, ce qui rel�ve des archives et de la g�n�alogie et que nous avons d�j�. Vous �voquez ensuite � la composition du m�nage ï¿½, qui peut beaucoup varier ; � la situation administrative ï¿½, c’est-�-dire : � adresse d�clar�e, autre nom, documents d’identit� ï¿½. Excusez-moi, mais, s’il s’agit de savoir si l’on a chang� ou pas d’identit�, nous sommes non plus dans le fichier administratif, mais dans le fichier policier ! Et vous voulez encore plus : � Diverses informations sont alors regroup�es � travers ce num�ro personnel ï¿½, autrement dit : � nom, lieu de naissance, �tat civil, immigration ï¿½ – ï¿½ la mani�re de ce qui se passe en Su�de – et � radiation ï¿½.

Pourquoi voulez-vous faire tout cela ? � La mise en place de ce registre permettrait de mieux appr�cier les statistiques sur l’immigration ï¿½ – nous y voil� ! –,…

M. Christian Vanneste. Mais oui !

M. Serge Blisko. …� d’avoir de plus grandes pr�cisions sur les flux migratoires qui traversent le territoire fran�ais et par l� m�me de mieux les contr�ler. ï¿½

M. Jean-Paul Lecoq. Voil� !

M. Serge Blisko. On ne parle donc pas d’usurpation d’identit�, pas plus que de fraude � la s�curit� sociale, que je condamne tout autant que vous ! Il s’agit d’un contr�le de l’immigration. Voil� ce que vous signez, mon cher coll�gue ! Vous avez parfaitement le droit de le faire, mais nous avons quant � nous celui de crier, parce que vous �tes en dehors de tout ce qui fait les valeurs r�publicaines.

M. le pr�sident. La parole est � M. Christian Vanneste.

M. Christian Vanneste. Pour faire plaisir au ministre, je vais retirer mon amendement.

Monsieur Blisko, il est question non pas de cr�er un registre mais de faire un rapport sur la cr�ation d’un registre.

Par ailleurs, vous �tes manifestement mal inform� sur le caract�re particuli�rement fallacieux du recensement des Fran�ais qui, avant, pr�sentait un certain s�rieux et qui est devenu � peu pr�s n’importe quoi.

M. Serge Blisko. Am�liorons-le !

M. Christian Vanneste. C’est un recensement � la louche qui ne nous donne absolument pas les pr�cisions souhaitables sur la population fran�aise.

M. Jean-Pierre Schosteck. Il a raison !

M. Christian Vanneste. Vous �tes tr�s mal inform� �galement sur le probl�me des usurpations d’identit� li�es � l’immigration. Les Chinois, par exemple, ne meurent jamais, c’est bien connu.

M. Serge Blisko. C’est scandaleux, je ne peux pas laisser dire de tels poncifs !

M. Christian Vanneste. Des Tha�landais ayant la m�me identit� se succ�dent g�n�ration apr�s g�n�ration. Vu l’arrondissement dont vous �tes l’�lu, vous devriez �tre beaucoup mieux renseign�.

Cela dit, afin de ne pas troubler davantage cette s�ance, je retire bien volontiers mon amendement, en souhaitant tout de m�me, monsieur le ministre, que mes remarques ne soient pas tomb�es totalement dans l’oreille d’un sourd.

(L’amendement n� 1 est retir�.)

M. le pr�sident. Juste un mot, monsieur Blisko, puisque l’amendement a �t� retir�.

M. Serge Blisko. M. Goujon, Mme Mazetier et moi-m�me connaissons la question parce que nous sommes des �lus parisiens, et il y en a peut-�tre d’autres dans cette salle. Franchement, arr�tons de sortir de tels poncifs. C’est insupportable d’entendre ainsi parler de telle ou telle communaut� dans son ensemble. Il y a d’ailleurs un fun�rarium entre Vitry et Valenton qui �tait tr�s peu utilis� parce qu’il �tait un peu excentr� et qui devient commercialement int�ressant gr�ce aux obs�ques de la communaut� asiatique. Cette population a d’autres probl�mes, M. Gu�ant a d’ailleurs rencontr� certains d’entre eux � Belleville parce que cela fait longtemps qu’on en parle. On ne peut pas continuer � dire que les Chinois font ceci ou font cela.

Article 6

M. le pr�sident. � l’article 6, je suis saisi d’un amendement n� 21.

La parole est � M. Serge Blisko.

M. Serge Blisko. L’amendement est d�fendu.

M. le pr�sident. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Goujon, rapporteur. D�favorable.

M. le pr�sident. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Claude Gu�ant, ministre. D�favorable puisqu’il y aura un d�cret et que la loi Informatique et libert�s le pr�voit d�j�.

M. Philippe Goujon, rapporteur. Oui, l’amendement est satisfait.

(L’amendement n� 21 n’est pas adopt�.)

(L’article 6 est adopt�.)

Articles 7, 7 bis A, 7 bis et 8

M. le pr�sident. Les articles 7, 7 bis A, 7 bis et 8 ne font l’objet d’aucun amendement.

(Les articles 7, 7 bis A, 7 bis et 8, successivement mis aux voix, sont adopt�s.)

Article 9

M. le pr�sident. La commission a maintenu la suppression de l’article 9.

Nous avons termin� l’examen des articles.

Explications de vote

M. le pr�sident. Dans les explications de vote, la parole est � M. Serge Blisko, pour le groupe SRC.

M. Serge Blisko. Nous avons compris que nous avions des positions incompatibles. Le plus �trange, c’est que nous sommes tous d’accord pour lutter s�v�rement contre l’usurpation d’identit� et les d�g�ts �conomiques, humains et bien �videmment judiciaires qu’elle peut entra�ner pour des dizaines de milliers de personnes. Que cela en concerne 80 000 ou 200 000 par an, peu importe pour le moment. C’est trop de toute fa�on, et il faut trouver des solutions.

Pour ce faire, vous avez utilis� le biais de cette proposition de loi, en �vitant donc les passages obligatoires que sont, en mati�re de libert�s publiques, la CNIL et, surtout, le Conseil d’�tat. Un tel raccourci nous para�t peu satisfaisant, et l’ensemble des d�bats de cet apr�s-midi ont montr� que nous n’�tions absolument pas sur la m�me longueur d’onde.

Vous voulez cr�er une base de donn�es informatis�es g�n�ralis�e qui permettra, lors du renouvellement des cartes d’identit�, de passer de la carte plastifi�e � la carte biom�trique, comme on �tait pass� du carton – il doit rester de telles cartes chez les personnes �g�es – au plastique. Vous avez donc franchi un pas important, qui ne laisse pas de nous inqui�ter, d’autant plus que vous avez cru bon d’ajouter une puce dite de services qui me para�t totalement inad�quate et inopportune quand il s’agit de fonctions r�galiennes et de la d�livrance d’un titre que l’on a dans son sac � main ou dans son portefeuille et dont on a besoin pour un grand nombre des actes de la vie courante. Il suffit d’aller retirer un recommand� � la poste pour le savoir. Nous regrettons donc la cr�ation d’un tel fichier.

M. le ministre essay� de nous rassurer en nous expliquant que les fichiers n’�taient consultables que sur r�quisition judiciaire, et nous sommes tout � fait d’accord, mais la question essentielle est bien l’�tendue de ce fichier. Le FNAEG ou le FAED sont des fichiers de personnes criminelles, de personnes suspectes, de personnes s’�tant trouv�es au centre d’affaires de d�linquance ou de criminalit�. L�, et c’est un changement culturel total, un saut quantitatif qui exprime un saut qualitatif, nous cr�ons au minist�re de l’int�rieur un fichier centralis� de la population fran�aise � partir de donn�es biom�triques, donn�es qui, on le sait, sont en constante �volution et pourront permettre demain des �chapp�es que nous pouvons entrevoir. En avoir connaissance peut entra�ner des cons�quences tr�s graves pour les libert�s individuelles ou tout simplement la tranquillit� des personnes. Quand votre num�ro de t�l�phone est dans l’annuaire et que c’est la �ni�me fois qu’un vendeur de fen�tres vous explique qu’il est dans votre quartier et vous propose de changer vos huisseries, ce n’est qu’un �nervement de plus. L�, ce sera beaucoup plus pernicieux et ce sera beaucoup plus compliqu� que de raccrocher en disant que cela ne vous int�resse pas comme nous le faisons tous. On risque de rentrer dans notre vie priv�e et familiale.

Ce texte aurait d� nous rassembler pour nous permettre de lutter contre une tr�s lourde d�linquance, il n’aurait pas d� d�river vers cette vieille utopie des minist�res de l’int�rieur successifs, un fichier certifi� de toute la population pour avoir une base de donn�es regroupant pratiquement l’ensemble des Fran�ais.

Un tel changement, nous ne pouvons que le contester, et nous esp�rons fermement que le Conseil constitutionnel comme le Conseil d’�tat sauront prot�ger les Fran�ais de cette extension inopin�e.

M. Philippe Goujon, rapporteur. Le PS n’a pas vot� contre au S�nat !

M. le pr�sident. La parole est � M. Jean-Paul Lecoq, pour le groupe GDR.

M. Jean-Paul Lecoq. Tous ceux qui utilisent l’informatique, et nous avons quelques coll�gues qui connaissent bien ce sujet, savent que c’est un outil extr�mement pratique, extr�mement rapide, qui permet d’obtenir des donn�es � une vitesse inesp�r�e. Le mettre au service de la lutte contre la d�linquance est int�ressant, c’est s�r. Imaginer d’utiliser un outil performant pour prot�ger nos concitoyens est en soi positif.

Cependant, ceux qui connaissent l’informatique savent aussi que les fichiers sont des �l�ments fragiles, qui ne sont pas inviolables. Ceux du Pentagone, qui sont parmi les mieux prot�g�s au monde, ont �t� viol�s par des hackers. Je ne sais donc pas quels moyens seront mis pour prot�ger le fichier de la population fran�aise mais il va falloir en pr�voir car, d�s que quelqu’un peut s’infiltrer, les donn�es n’ont plus aucune valeur. Or les donn�es seront de plus en plus �tre d�tourn�es et copi�es. Des techniques vont se d�velopper, parce que les d�linquants ont de l’imagination et sont comp�tents.

Il restera ainsi un fichier de la population, qui risque d’�tre utilis� � d’autres fins que ce qui �tait l’objectif de cette loi, prot�ger les gens victimes d’une usurpation d’identit�, et c’est ce qui nous pose probl�me. Quel est l’objectif final ? On n’en parle pas. C’est une vraie question.

Vous nous dites, monsieur le ministre, que la carte d’identit� n’est pas obligatoire. Pour moi, elle l’est. Nous avons vot� le trait� de Maastricht et le trait� de Lisbonne. On nous a expliqu� que les citoyens pouvaient circuler librement dans l’espace europ�en, que c’�tait presque notre nouvel espace, sauf que, pour y circuler librement, la carte d’identit� nationale est obligatoire. Sans carte d’identit�, vous ne pouvez pas circuler. Or nous sommes des citoyens, nous ne sommes pas des sujets. Nous sommes libres d’entrer dans un fichier ou de ne pas y entrer, c’est notre libert� de choisir. Moi, il y a des choses que je ne fais pas parce que je ne veux pas �tre dans un fichier. Je veux pouvoir rester un citoyen fran�ais sans �tre dans un fichier. Cette libert�, je veux qu’elle soit prot�g�e. Ce n’est pas le cas avec votre proposition de loi. C’est la raison pour laquelle notre groupe votera contre.

Vote sur l’ensemble

M. le pr�sident. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

(L’ensemble de la proposition de loi est adopt�.)

4

Ordre du jour de la prochaine s�ance

M. le pr�sident. Prochaine s�ance, lundi 11 juillet � dix-sept heures :

Discussion de la proposition de loi tendant � faciliter l’utilisation des r�serves militaires et civiles en cas de crise majeure.

La s�ance est lev�e.

(La s�ance est lev�e � dix-huit heures quarante-cinq.)

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