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Le vote des Quatre-vingts, Il y a soixante-dix ans, le 10 juillet 1940, les parlementaires fran�ais se trouv�rent confront�s � un choix d�chirant. Une grande d�mocratie qui se croyait puissante �tait vaincue en quelques semaines, les pouvoirs publics se repliaient sur une petite ville d'eau � l'int�rieur des terres: accus�e de tous les maux, l'institution parlementaire n'en �tait pas moins sollicit�e pour conf�rer une l�gitimit� politique � un nouveau pouvoir. Sous la pression de Pierre Laval, de l'occupant tout proche et de groupes d'agita�teurs qui n'h�sitaient pas � recourir � la menace dans un pays en d�sarroi, les d�put�s et les s�nateurs r�guli�rement �lus �taient convoqu�s au Casino de Vichy pour voter les pleins pouvoirs au mar�chal P�tain. Il se trouva quatre-vingts parlementaires pour dire � non � : vingt-trois s�nateurs et cinquante-sept d�put�s refus�rent de donner un blanc-seing � une r�vision constitutionnelle dont ils pensaient qu'elle risquait de conduire � la fin de la R�publique. L'Histoire leur a donn� raison : le r�gime de l'�tat fran�ais qui allait s'installer ne respectera pas sa promesse de maintenir des assembl�es parlementaires et s'engagera jusqu'� l'irr�parable dans la voie funeste de la collaboration. Comme l'a fait le professeur Sagnes dans son �tude �clairante et d�passionn�e, il est int�ressant de souligner la diversit� de ces hommes dont le refus sauva l'honneur de la R�publique. On trouve parmi eux d'anciens communistes ayant rompu avec leur parti apr�s le Pacte germano-sovi�tique, des socialistes comme L�on Blum, des radicaux �lus � gauche et d'autres �lus � droite, un d�mocrate-chr�tien comme Auguste Champetier de Ribes ou un industriel catholique comme le marquis de Moustiers. Aux c�t�s d'anciens ministres et d'�lus chevronn�s, on note aussi la pr�sence d�jeunes d�put�s tr�s d�cid�s, comme Vincent Badie � qui on refusa l'acc�s � la tribune et qui dut se contenter d'une interruption pleine de panache : � Vive la R�publique, quand m�me ! � Il est juste de rendre hommage � ces parlementaires courageux et lucides. Ils eurent, apr�s le G�n�ral de Gaulle, le m�rite de dire non. Certains pay�rent leur engagement au prix du sang. Deux d'entre eux furent assassin�s : Fran�ois Camel et Marx Dormoy. Dix furent envoy�s en d�portation, dont cinq ne revinrent jamais : Claude Jordery, Augustin Malroux, Lionel de Moustier, Joseph-Paul Rambaud, Isidore Thivrier. Il est aussi important de souligner que beaucoup de leurs coll�gues, ayant vot� �oui� le 10 juillet, surent ensuite faire leur devoir dans la France libre et dans la R�sistance. Enrichi par la contribution du r�sistant Jean Marielle, ce livre, en honorant leur m�moire, ne c�de pas aux simplifications h�tives et d�magogiques. Il ne se contente pas de rappeler leur acte exemplaire de fid�lit� � la R�publique : il fait �uvre civique et p�dagogique et nous invite � r�fl�chir sur la fragilit� de la libert� et l'honneur de la politique. Bernard Accoyer Pr�sident de l'Assembl�e nationale G�rard Larcher Pr�sident du S�nat
Le 16 juin
1940,
Philippe P�tain, mar�chal de France, nouveau pr�sident du Conseil,
demande l'armistice pour mettre fin � la d�route militaire mais
entrevoit d�j� une r�volution culturelle. Comme Hitler laisse la
Wehrmacht marcher sur Bordeaux o� s'est r�fugi� le gouvernement, on
envisage, avant d'y renoncer, qu'une partie de la classe politique gagne
l'Afrique du Nord. Le 10 juillet 1940, Vincent Auriol et F�lix Gouin sont parmi les 80 opposants
Dans la
confusion g�n�rale, le
Massilia, un transatlantique, emm�ne d�j� un
s�nateur et vingt-six d�put�s r�sistant au d�faitisme ambiant, dont
Daladier,
Mandel et
Mend�s France. Mais, � Casablanca, puis � Alger, les
parlementaires sont plac�s sous surveillance ou poursuivis, voire
emp�ch�s de revenir pour le vote du
10 juillet. Philippe P�tain, chef
d'un gouvernement d�sormais install� � Vichy, s'int�resse relativement
peu aux institutions. C'est Laval qui con�oit le projet d'amener les
parlementaires � se saborder ; il cherche � se rendre indispensable,
pour mener la grande politique �trang�re qui passe d�sormais selon lui
par la collaboration franco-allemande. D'abord sceptique, P�tain lui
donne carte blanche. Le 9 juillet, les deux Chambres votent � la
quasi-unanimit� qu'il y a � lieu de r�viser les lois constitutionnelles
�. Et le 10, dans le d�cor insolite de la salle de th��tre du Grand
Casino, c'est la mise � mort de la R�publique. Le projet de loi tient en
un seul article : � L'Assembl�e nationale donne tous pouvoirs au
gouvernement de la R�publique, sous l'autorit� et la signature du
mar�chal P�tain, � effet de promulguer [...] une nouvelle Constitution
de l'�tat fran�ais �. Abasourdis par les �v�nements, alors que les
t�nors sont absents ou se taisent, les parlementaires se rallient �
Laval qui alterne promesses et menaces. Par un vote massif, cinq cent
soixante-neuf d�put�s et s�nateurs enterrent la IIIe R�publique. Deux groupes de parlementaires ont tent� de faire la part du feu. Des anciens combattants avec un texte confiant tous pouvoirs � P�tain sans lui donner un blanc-seing, mais ils le retirent. Une � d�claration � dite � des 27 �, souscrivant � l'esprit de repentance, confirmant l'appel � P�tain � pour mener � bien cette �uvre de salut public et de paix �, mais excluant nettement la disparition du r�gime r�publicain, doit �tre lue en s�ance par son r�dacteur, Vincent Badie, radical-socialiste �lu � Lod�ve. Il est physiquement emp�ch� par un Lavalien de gagner la table �rig�e en tribune, pour d�fendre son texte, avant que soit vot�e la cl�ture de la s�ance. Vingt-cinq de ces vingt-sept parlementaires font partie des quatre-vingts (3 ex-communistes, 36 SFIO, 27 radicaux, 10 mod�r�s et d�mocrates chr�tiens, 4 non-inscrits) qui refusent de voter les pleins pouvoirs � P�tain et donc d'adh�rer au nouveau r�gime. Le lendemain, P�tain s'octroie les pleins pouvoirs. � L'�tat fran�ais � est n�. Jean-Pierre AZ�MA. Extrait de M�moires de France, sous la direction d'Emmanuel de Waresquiel. Ed. L'Iconoclaste, octobre 2006.
- Compte rendu int�gral de la s�ance de l'Assembl�e nationale du mercredi 10 juillet 1940
Vincent Badie prit l'initiative de r�diger un texte s'opposant aux pleins pouvoirs au Mar�chal P�tain.
Il �voquera plus tard la tension de l'auditoire au moment o� il s'appr�tait � lire son texte : � L'auditoire �tait d�cha�n�. Mon c�ur se mit � battre comme si j'allais d�faillir. J'allais acc�der � la tribune quand on m'a emp�ch� de l'atteindre. Le d�put� Fernand Bouisson m'a pris par le pan de la veste et, avec l'aide des huissiers, m'a fait descendre de l'estrade. �
Texte manuscrit de la d�claration de Vincent Badie Biblioth�que de l'Assembl�e nationale MS 1696 Cliquer sur l'image pour l'agrandir
Voir la biographie de chacun des Quatre-vingts (cliquer sur les noms) Portrait des 80 d�put�s et s�nateurs
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Le 19 juin 1940, le gouvernement fran�ais d�cide de partir � Alger pour se soustraire � l�avance allemande. Les parlementaires re�oivent l�ordre de gagner le Verdon o� un paquebot , le Massilia, affr�t� sur les instructions du gouvernement, est mis � leur disposition. Vingt-sept parlementaires - vingt-six d�put�s et un s�nateur - embarquent le 21 juin 1940 � destination de Casablanca. Ils esp�rent voir transf�rer le si�ge des pouvoirs publics dans les d�partements d�Alg�rie, afin de poursuivre la lutte contre l�ennemi sur les terres africaines fran�aises. Ils ne seront pas pr�sents lors des d�bats et du vote du 10 juillet � Vichy.
Les parlementaires passagers du Massilia : - Les d�put�s : - Le s�nateur Tony R�villon (Ain, Radical-socialiste).
_____________________________________________ Voir aussi : - La R�publique dans la tourmente (1939-1945) - Les Quatre-vingts et le suffrage universel - Compte rendu int�gral de la s�ance de l'Assembl�e nationale du mercredi 10 juillet 1940 - 70�me anniversaire de l�appel du 18 juin 1940 - Chronologie de l'appel historique du g�n�ral de Gaulle _____________________________________________
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